Un outil pour observer et quantifier des phénomènes intracellulaires

Un microscope combinant deux technologies d’imagerie a permis à des chercheurs de l’EPFL et de la spin-off Nanolive d’observer et quantifier de nouveaux phénomènes intracellulaires. Cette étude, qui fait aujourd’hui l’objet d’un article dans PLOS Biology, dévoile également une palette d’outils informatiques qui pourront être utilisés à l’avenir par d’autres laboratoires de recherche.

Observer le changement de taille d’une cellule durant une division, les mouvements d’un ensemble d’organites, ou encore la formation de minuscules gouttelettes de lipides : autant de phénomènes qui apparaissent sous un jour nouveau. Une étude effectuée par des chercheurs de l’EPFL grâce à un microscope développé par la spin-off Nanolive, a permis d’observer ces éléments de manière prolongée sans endommager la cellule, et de les quantifier. Cette prouesse a été rendue possible par des outils informatiques développés spécifiquement pour tirer les informations ad hoc de la pléthore fournie par cette technique d’imagerie. Cette recherche, qui fait aujourd’hui l’objet d’une publication dans PLOS Biology, ouvre la porte à l’utilisation de cet outil dans d’autres recherches scientifiques.

La cellule en multiplexe

Le microscope utilisé pour cette étude, développé par la spin-off Nanolive, combine deux techniques d’imagerie qui laissent la cellule intacte. L’holotomographie reconstruit en 3D la distribution des différents indices de réfraction des cellules vivantes alors que l’epifluorescence tire parti de la lumière réfléchie par certains corps après avoir absorbé des photons de plus haute énergie. Ce cumul d’informations permet d’obtenir des données très précises sur la structure des cellules ainsi que leur composition chimique telle que la masse sèche, la morphologie ou la dynamique de la membrane cellulaire.

Le fait que les cellules observées restent intactes et qu’aucun marqueur ne soit nécessaire rend possible une observation prolongée dans le temps. Mais l’un des gros avantages de cette nouvelle méthode est la possibilité de capturer plusieurs objets et phénomènes biologiques simultanément. Cela permet d’observer des dynamiques cellulaires complexes comme des rotations d’organelles qui impliquent plusieurs structures subcellulaires. La contrepartie de ce vaste terrain d’observation est la pléthore d’informations à traiter. Elle est si importante que le développement de nouveaux outils informatiques est nécessaire à l’utilisation des données. « Nous avons développé des programmes, réutilisables par d’autres chercheurs de divers domaines de la biologie, qui se basent sur des analyses d’images existantes et libres de droits ainsi que sur un code Python simple », souligne Mathieu Frechin, chef de la biologie quantitative chez Nanolive.

La dynamique cellulaire d’une mitose est pleine de surprise

Durant cette recherche, les scientifiques ont ainsi fait apparaître différents phénomènes intracellulaires qui ont pu être observés pour la première fois de manière aussi nette, et ont d’ores et déjà permis de percer quelques mystères dont voici quelques exemples.

Lorsqu’une cellule se divise, elle change considérablement de taille. Mais les mesures effectuées par plusieurs groupes de recherche étaient contradictoires et le doute subsistait quant à savoir si la cellule gonflait ou au contraire rétrécissait. Les images proposées par le microscope de Nanolive et passées au filtre des outils informatiques mis au point par les chercheurs ont mis en évidence les détails de cette séparation appelée mitose. Il est clairement apparu que la cellule prend du volume avant d’en perdre très rapidement, juste avant la séparation. « Cela ouvre la voie à de nouvelles possibilités pour étudier la dynamique de la cellule entière », souligne Mathieu Frechin.

Les chercheurs le savaient, les organelles, soit les organes de la cellule, ne sont pas statiques. Cependant, les techniques de microscopie habituelles ne permettaient pas de quantifier leurs mouvements ni de les mettre en relation. « Aucun logiciel d’analyse d’image n’offrait d’ailleurs à notre connaissance la possibilité de mesurer une rotation de plusieurs éléments de manière coordonnée. Élaborer cet outil a constitué un véritable défi », explique le chercheur. Grâce à ces efforts, il est notamment apparu que le noyau entier tourne, et pas seulement l’intérieur liquide du noyau, le caryoplasme. De plus, la rotation s'étend probablement à l'espace cellulaire dans son ensemble, car les gouttelettes de lipides qui s’y trouvent effectuent un mouvement similaire. Finalement la vitesse de rotation, l'accélération, ou encore le temps de rotation ont pu être mesurés. Ces découvertes ouvrent la porte à une meilleure compréhension de l'origine moléculaire du phénomène et de son rôle pour la physiologie de la cellule, en particulier dans des fonctions fondamentales telles que l’état dormant des cellules germinales.

Comprendre les gouttes de lipides qui naissent dans les cellules

Finalement, les chercheurs ont encore révélé d’autres phénomènes comme le processus de formation des gouttelettes de lipide dans l’espace intracellulaire. Elles se forment sur le réticulum endoplasmique en puisant dans les gouttelettes plus anciennes. Il se pourrait même qu’une synchronisation des flux se produise, laissant supposer une continuité dans leur membrane à travers le réticulum endoplasmique. De prochaines recherches, notamment en venant perturber de manière génétique ou chimique le lien entre les gouttelettes et le réticulum endoplasmique pourrait encore révéler de nouveaux détails sur la connectivité qui existe entre ces gouttelettes. Cette intrusion visuelle ouvre aux chercheurs une nouvelle porte d’entrée aux entrailles de la cellule qui est très loin d’avoir révélé tous ses secrets.