Un nouvel outil pour mesurer la toxicité des nanomatériaux

© 2013 EPFL

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Des chercheurs de l’EPFL ont développé une méthode pour déterminer la nocivité des nanomatériaux avec précision. Grâce à des techniques issues de l’optique, ils mesurent la concentration de substances oxydantes produites par une cellule en souffrance. Une recherche qui donne également des pistes pour mieux comprendre les mécanismes du stress oxydatif.

Nanopoudres, nanocristaux, nanofibres, nanocomposites… Les nanomatériaux sont désormais présents dans nos produits et environnements quotidiens. Pour déterminer avec précision la toxicité de ces substances, des chercheurs de l’EPFL ont développé une méthode mesurant le stress oxydatif généré par certains produits sur les cellules. Ils ont notamment utilisé les techniques de l’optique, telle que la mesure de l’absorption de la lumière chez certaines protéines. Cette recherche fait l’objet d’une publication lundi dans Nature Scientific Reports.

Lorsqu’une cellule est exposée à un produit toxique ou un agent pathogène, son nécessaire équilibre interne entre oxydants et antioxydants se rompt. Les premiers, qui sont en général des dérivés de l’oxygène, sont alors produits en trop grande quantité et agressent les protéines, les sucres et la membrane de la cellule. Cause d’un vieillissement plus rapide et de certaines maladies, ce mécanisme peut aboutir à la mort cellulaire.

La surproduction de ces oxydants étant donc le signe que la cellule est en souffrance, c’est elle que les chercheurs ont tenté de mesurer. Or, une protéine présente dans la membrane, le cytochrome c, leur est apparue comme un biosenseur particulièrement intéressant. Ils se sont aperçus que lorsqu’on la soumettait à certaines longueurs d’ondes lumineuses, cette protéine absorbait moins de lumière en présence de l’un de ces oxydants, le peroxyde d'hydrogène. Ils ont donc développé un procédé complexe permettant de mesurer les variations de lumière renvoyée par le cytochrome c. Procédé qu’ils ont ensuite testé et vérifié sur de petites algues unicellulaires.

Plus ou moins nocif selon l’environnement

Jusqu’à ce jour, il n’existait pas de méthode vraiment fiable permettant de mesurer ce stress oxydatif en continu et sans endommager les cellules. Ce nouveau test offre des pistes intéressantes pour identifier non seulement les effets des nanomatériaux, mais également plus généralement pour en savoir plus sur la manière dont les cellules réagissent face à une perturbation extérieure. De plus, il a permis aux chercheurs de s’apercevoir, durant leurs expériences, que la toxicité de certains produits pouvait également être conditionnée et modulée par l’environnement dans lequel il se trouve. Le même nanomatériau pourrait ainsi, par exemple, se révéler moins dangereux sous un microscope de laboratoire que lorsqu’il se trouve dans l’eau d’une rivière.

«Le test que nous proposons est ultra-sensible et indique la concentration de ces dérivés d’oxygène de manière fine et différenciée, relève Olivier Martin, directeur du Laboratoire de nanophotonique et métrologie (NAM). Comme il se base sur ce qui est relâché à l’extérieur des cellules, il est également non invasif. Il ne détruit donc pas l’organisme et peut donc être appliqué sur une période de plusieurs heures. Il est ainsi possible d’observer l’évolution de la situation dans le temps.» L'étude se poursuit avec,notamment, des tests menés sur différentes sortes de matériaux.

"Sensing the dynamics of oxidative stress using enhanced absorption in protein-loaded random media", Guillaume Suarez, Christian Santschi, Vera I. Slaveykova et Olivier Martin.

Cette recherche a été menée dans le cadre du programme national de recherches no 64 «Opportunités et risques des nanomatériaux» du Fonds National Suisse (FNS).