Un microscope dévoile les secrets de la structure d'un matériau

Emad Oveisi devant le microscope « Titan-Themis » © Alain Herzog / 2021 EPFL

Emad Oveisi devant le microscope « Titan-Themis » © Alain Herzog / 2021 EPFL

Des scientifiques de l’EPFL ont cherché à comprendre le fonctionnement d’un matériau utilisé dans nos objets électroniques du quotidien : le titanate de baryum. Leurs résultats vont à l’encontre de ce qui a été avancé jusqu’à présent. 

Le titanate de baryum, un matériau diélectrique, est partout. On le retrouve dans nos ordinateurs, nos téléphones portables ou encore dans les voitures électriques. Il est employé dans la confection des capteurs ou des condensateurs par exemple. « Chaque téléphone portable contient environ 700 condensateurs fabriqués avec ce matériau. Chaque année, des billions en sont produits », affirme Dragan Damjanovic, professeur à la tête du groupe des ferroélectriques et des oxydes fonctionnels de la faculté des sciences et techniques de l’ingénieur. Aujourd’hui, malgré son utilisation courante, les chercheurs ne comprennent pas totalement le fonctionnement de ce matériau. « Il y a évidemment des modèles théoriques qui existent, mais certaines de leurs prédictions clés n’ont jamais été confirmées par les expériences. Nous nous sommes dit que nous pourrions le faire », ajoute le professeur.

L’un des microscopes le plus puissant du monde

Emad Oveisi, scientifique senior au centre interdisciplinaire de microscopie électronique, a proposé à Dragan Damjanovic et son doctorant Sina Hashemizadeh d’utiliser l’un des microscopes électroniques le plus puissant du monde, le « Titan-Themis », pour étudier la structure atomique du titanate de baryum et du titanate de baryum strontium dans leur phase cubique. En 2015, ils obtiennent les premières images. Puis, il leur a fallu cinq ans pour les analyser et vérifier leurs résultats. « La thèse existante affirme que les atomes se déplacent dans plusieurs directions sur un temps très court. Or, nos observations ont révélé que certaines directions sont préférées, ce qui donne des régions de taille nanométrique dans lesquelles tous les atomes se déplacent dans la même direction. Ceci change toute la compréhension du matériau et de sa structure atomique », déclare Emad Oveisi. Avec une conclusion qui contredit la théorie classique, les scientifiques se sont demandé si leurs résultats étaient corrects et ont procédé à de multiples vérifications, notamment avec leurs collègues chercheurs de Slovénie, d’Autriche et du Japon. Ceci explique pourquoi il a fallu cinq ans entre les premières images et les résultats finaux. Leur étude vient d’être publiée dans Nature Communications.

La structure atomique du titanate de baryum © 2021 EPFL

« Des répercussions à plus grande échelle »

Grâce à diverses techniques de pointe pour analyser les images, les chercheurs ont identifié les régions où surviennent ces déplacements ordonnés. « Quand on parle du déplacement des atomes, on se situe à l’échelle du picomètre, soit un ordre de grandeur encore bien plus petit et précis que l’atome lui-même », précise Emad Oveisi. « Ces déplacements d’atomes, si infimes soient-ils, engendrent des répercussions à plus large échelle, indique Dragan Damjanovic. En effet, ces régions nanométriques, une fois exposées à un champ électrique de haute fréquence, comme ceux utilisés dans le téléphone, produisent de la chaleur. » Ces résultats s’avèrent très utiles, car ils permettent d’expliquer et de mieux comprendre la perte d’énergie électrique de ces matériaux.

L’étape suivante ? « Les investigations ne sont jamais finies. Il faudrait confirmer l’hypothèse que le mouvement nanométrique contribue au chauffage du matériau en lui-même. Et créer des matériaux où la taille de ces régions est minimisée afin de les perfectionner », conclut le professeur.

Financement

Swiss National Science Foundation, No. 200021-159603

Références

Andreja Bencan, Emad Oveisi, Sina Hashemizadeh, Vignaswaran K. Veerapandiyan,

Takuya Hoshina, Tadej Rojac, Marco Deluca, Goran Drazic and Dragan Damjanovic, “Atomic scale symmetry and polar nanoclusters in the paraelectric phase of ferroelectric materials,” Nature Communications 12, article number 3509 (2021).

DOI: 10.1038/s41467-021-23600-3