Un mécanisme qui protège les cellules du vieillissement prématuré

© 2020 EPFL / Demcon-Nymus3D

© 2020 EPFL / Demcon-Nymus3D

Une nouvelle étude des chercheurs de l’EPFL montre comment les molécules d’ARN appelées TERRA se rassemblent à l’extrémité des chromosomes où elles aident à prévenir le raccourcissement des télomères et le vieillissement prématuré des cellules.

On sait que les molécules qui s’accumulent à l’extrémité des chromosomes jouent un rôle essentiel dans la prévention des lésions de notre ADN. Les chercheurs de l’EPFL viennent de dévoiler comment ces molécules se dirigent vers des sections spécifiques des chromosomes, et cette découverte pourrait nous aider à mieux comprendre les processus qui régulent la survie des cellules dans le vieillissement et le cancer.

Tout comme l’aglet du lacet empêche son extrémité de s’effilocher, les bandes d’ADN appelées télomères forment des capuchons protecteurs à l’extrémité des chromosomes. Mais au fur et à mesure que les cellules se divisent, les télomères se raccourcissent et le capuchon protecteur devient moins efficace. Lorsque les télomères sont trop courts, les cellules cessent de se diviser. Le raccourcissement et le dysfonctionnement des télomères ont été mis en relation avec le vieillissement cellulaire et les maladies liées à l’âge, comme le cancer.

Les scientifiques savent que les molécules d’ARN appelées TERRA aident à réguler la longueur et la fonction des télomères. Découverts en 2007 par le postdoctorant Claus Azzalin dans l’équipe du professeur Joachim Lingner de l’EPFL, les TERRA font partie d’une classe de molécules appelées ARN non codant. Ils ne sont pas traduits en protéines mais ont une fonction de composants structurels des chromosomes. Les TERRA s’accumulent aux extrémités des chromosomes, signalant que les télomères doivent être allongés ou réparés.

Cependant, on ne savait pas exactement comment les TERRA se déplaçaient à l’extrémité des chromosomes et y restaient. «Les télomères ne représentent qu’une portion minime de l’ADN total des chromosomes, la question est donc la suivante: ‘Comment cet ARN trouve-t-il sa place?’», explique Joachim Lingner. Pour y répondre, la postdoctorante Marianna Feretzaki et ses collègues des équipes de Joachim Lingner de l’EPFL et de Lumir Krejci de l’Université Masaryk se sont employés à analyser le mécanisme par lequel les TERRA s’accumulent au niveau des télomères, de même que les protéines prenant part à ce processus. Les résultats sont publiés dans la revue Nature.

Trouver sa place

En observant les molécules TERRA au microscope, les chercheurs ont découvert qu’une petite bande d’ARN est essentielle pour qu’elles atteignent les télomères. D’autres expériences ont montré qu’une fois que les TERRA ont atteint l’extrémité des chromosomes, plusieurs protéines régulent leur association avec les télomères. D’après Joachim Lingner, l’une de ces protéines, appelée RAD51, joue un rôle particulièrement important.

RAD51 est une enzyme bien connue qui intervient dans la réparation des molécules d’ADN cassées. Il semblerait aussi que cette protéine aide les TERRA à adhérer à l’ADN télomérique pour former une molécule «hybride ARN-ADN». Les scientifiques pensaient que ce type de réaction, entraînant la formation d’une structure d’acide nucléique à trois brins, se produisait surtout pendant la réparation de l’ADN. Cette nouvelle étude montre qu’elle peut aussi se produire au niveau des extrémités des chromosomes, lorsque les TERRA se lient aux télomères. «Tout le paradigme est bousculé,» déclare Joachim Lingner.

Les chercheurs ont également découvert que les télomères courts attiraient bien plus efficacement les TERRA que les télomères longs. Bien que le mécanisme qui sous-tend ce phénomène soit encore inconnu, les chercheurs émettent l’hypothèse que lorsque les télomères sont trop courts, soit en raison d’une lésion de l’ADN, soit en raison d’un trop grand nombre de divisions de la cellule, ils recrutent des molécules TERRA. Le recrutement est médié par la RAD51, qui favorise aussi l’allongement et la réparation des télomères. «Les TERRA et la RAD51 aident à prévenir la perte accidentelle ou le raccourcissement des télomères,» souligne Joachim Lingner. «Cette fonction est importante.»

Pour Joachim Lingner, étant donné le rôle des télomères dans la santé et la maladie, il sera important de voir comment le mécanisme découvert dernièrement, déduit d’observations sur des cellules vivantes et reproduit dans des tubes à essai, est régulé dans l’environnement cellulaire très complexe. «Nous avons élaboré un modèle étayé par les données à notre disposition, mais souvent, en science, il s’avère que le modèle doive être modifié», déclare-t-il. «Il peut certainement y avoir de nouvelles surprises.»

Ensuite, son équipe prévoit de répondre à d’autres questions essentielles, notamment savoir si la RAD51 est médiatrice de l’association d’autres ARN non codants avec les chromosomes. Les chercheurs visent aussi à mieux caractériser l’ensemble des mécanismes qui interviennent dans l’association des TERRA avec les chromosomes, et à définir les fonctions permises par cette association. «Il reste beaucoup de questions en suspens,» estime Joachim Lingner.