Un Lion d'Or pour un labo d'architecture
Le Royaume de Bahreïn a reçu le Lion d’or de la 12e Mostra internationale d’architecture de Venise. La conception du pavillon a été réalisée par le Professeur Harry Gugger et Leopold Banchini de l’Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne (EPFL), en collaboration avec le commissaire d'exposition Noura Al Sayeh. Un interview du Professeur Gugger.
Lorsque le ministre de la Culture du Bahreïn, Cheikha Mai Bint Mohammed Al-Khalifa, a découvert l'exposition nationale à Venise, sa surprise ne dut ne pas être des moindres. Dans l'une des huttes que le LAPA a amené des rives de l’archipel du golfe Persique se trouvait la fenêtre originale de sa maison d'enfance.
Trois de ces baraques illégales, mais tolérées, souvent construites au cours de la nuit, ont été démantelées et expédiées pour venir s’intégrer à part entière dans l’exposition nationale de la Mostra internationale d’architecture de Venise. L'exposition intitulée Reclaim, conceptualisée, conçue et construite par le Laboratoire de la production d’architecture de l'EPFL (LAPA), est une réflexion sur les transitions culturelles et la manière dont elles se traduisent architecturalement. Entrevue avec le professeur Harry Gugger.
D’où vient le titre de l’exposition, “Reclaim”?
L’origine du nom de l’Etat de Bahreïn signifie “entre les deux mers” ou “deux sortes d’eaux” m’a-t-on dit, parce que l’eau douce qui irrigue ses palmeraies surgit des sources artésiennes et aussi des sources du fond de la mer. Il y a encore peu, le pays était tourné vers la mer et dépendait d’elle aussi bien économiquement que socialement. Les gens se rassemblaient sur le rivage, dans des huttes, et puisaient dans les sources l’eau pour leurs besoins alimentaires et plongeaient pour y chercher des perles.
Lorsque le pétrole fut découvert, l’économie et la société se sont tournées vers le désert et la mer a été reprise - reclaim” - par les investisseurs immobiliers. En intitulant notre exposition Reclaim, nous nous sommes réapproprié le mot, de la même manière que les personnes qui avaient construit ces huttes réclamaient la mer pour eux.
Quel est le contenu de cette exposition?
Trois huttes ont été choisies; nous voulions composer un triptyque qui illustre cette nostalgie d’un éden en bord de mer qui a disparu. Notre objectif était d’éviter faire une exposition de design traditionnelle. C’est pour cela que nous avons transporté trois de ces cabanes en bois à Venise, à l’intérieur desquelles nous avons mis des écrans plats qui diffusent des témoignages des habitants qui racontent leur relation à la mer. Nous avons absolument tout pris: les tapis, les coussins, les réfrigérateurs et même une théière avec le thé dedans.
J’ai été à de nombreuses biennales, à la fois d’art et d’architecture et, la plupart du temps, les visiteurs son submergés d’informations qui les saturent très vite. Dans l’esprit de la Biennale de cette année, nommée par Seijima-san “People meet in architecture” - “Les gens se rencontrent dans l’architecture”, notre équipe a voulu créer un espace dans lequel les gens peuvent passer un moment agréable.
Nous avons également créé un catalogue composé de textes, de cartes et d’images qui décrit les étapes par lesquelles l’équipe est passée en découvrant et en étudiant Bahreïn. Ce catalogue est destiné à être lu aussi bien à l’intérieur des huttes que chez soi.
Comment l’eau est-elle représentée?
Vous devez l’imaginer. Quel meilleur endroit que Venise pour parler d’une ville insulaire? Notre équipe a ajouté des pontons aux huttes, réalisés avec les technologies de menuiserie les plus récentes, sans clous et assemblées avec planches de bois rainurées, qui donnent l’impression de marcher sur l’eau. Les pontons sont disposés de sorte que le visiteur puisse voir le canal adjacent.
Comment votre laboratoire en est-il venu à travaillé avec le Ministère de la Culture du Bahreïn?
C’est une véritable réussite de l’EPFL. Noura Al Sayeh, ancienne élève de l’EPFL et jusqu’à récemment assistante au LAPA a visité la Biennale 2008 avec Cheikha Mai bint Mohammed Al-Khalifa, le Ministre de la Culture du Bahreïn. Après avoir vu les études urbaines que nous avions réalisées au Pavillon suisse pour l’EPFL, la Havane et Londres, Cheika Mai a aussitôt été intéressée à travailler avec notre laboratoire pour élaborer une vision stratégique pour Bahreïn.
Ce fut un effort de collaboration important, n’est-ce pas?
Oui. Nous avons passé une année à travailler avec l’Université de Bahreïn (UOB) et ses étudiants du département d’architecture. Les étudiants du LAPA se sont rendus à Bahreïn pour un atelier de deux semaines, en décembre 2009. L’exposition ainsi qu’un livre récent, Bahrain Lessons, sont le fruit de cette collaboration. J’ai été particulièrement impressionné de travailler avec Noura et Leo, compte tenu de leur âge et de leur expérience. Après son passage à l’EPFL, Noura est devenue la Cheffe des affaires architecturales au Ministère de la Culture du Royaume de Bahreïn.
Le Professeur Harry Gugger, ancien associé de Herzog & de Meuron, est le fondateur du Laboratoire de la production d’architecture (LAPA), à l’EPFL, et directeur du Studio Harry Gugger à Bâle.