Un œil géant pour scruter les tréfonds de l'Univers

Des étoiles dans le coeur d'une galaxie ancienne © NASA, ESA

Des étoiles dans le coeur d'une galaxie ancienne © NASA, ESA

La réalisation du projet E-ELT (European Extremely Large Telescope) est officiellement lancée. Ce télescope de près de 40 mètres de diamètre sera construit au Chili et comportera des technologies issues de l’EPFL.

Rasez cette montagne, qu’on voie les étoiles ! Quelques mètres au sommet du Cerro Armazones, au Chili, feront sans doute les frais d’une construction spectaculaire, dont le budget s’élève à 1,08 milliards d’euros. Mais le jeu en vaut la chandelle : avec le European Extremely Large Telescope (E-ELT) et son miroir principal de 39,3 mètres de diamètre, l’observation des étoiles et des galaxies proches ou lointaines atteindra un niveau de détail encore inimaginable aujourd’hui.

Georges Meylan, professeur au Laboratoire d’astrophysique de l’EPFL, représente la Suisse au Conseil de l’European Southern Observatory (ESO). Cette organisation intergouvernementale doit réaliser ce télescope géant dans les dix ans. L’acceptation officielle du projet par l’ESO, en juin dernier, «permettra à l’Europe d’occuper durablement le premier rang en ce qui concerne l’observation astronomique à partir du sol», se réjouit-il.

De par ses caractéristiques, ce projet a en effet de quoi donner le tournis – et faire rêver. «Ce qu’on appelle le miroir principal est en fait constitué d’environ 800 miroirs juxtaposés, formant un paraboloïde géant», explique-t-il. Cette structure sera abritée dans un dôme qui serait assez grand pour contenir la Cathédrale de Lausanne. Sensible au point de pouvoir capter 100 millions de fois plus de lumière que l’œil humain, ce télescope de tous les superlatifs ambitionne de pouvoir en apprendre davantage les exoplanètes, «sœurs» de la Terre, mais surtout sur les objets les plus lointains, telles les premières galaxies, formées peu après le Big Bang. «Ces objets forment le contenu visible du cosmos, explique Georges Meylan. En dévoilant leurs modes de formation et d’évolution, c’est l’histoire même de l’Univers que nous cherchons à mieux décrire.»

Installer le plus grand observatoire du monde en plein cœur du désert d’Atacama, au sommet d’une montagne de plus de 3000 mètres d’altitude, ne sera pas une partie de plaisir. Le choix de ce lieu s’explique toutefois par ses conditions atmosphériques exceptionnelles (340 nuits claires par an!), et la proximité – 20 kilomètres seulement – du Very Large Telescope (VLT) qu’exploite déjà l’ESO, et où seront également basés les techniciens du E-ELT.



L’EPFL aura sa carte à jouer dans la réalisation de ce colosse. «Nos recherches sont à la pointe en ce qui concerne la déconvolution des images – soit le fait de les rendre plus nettes que ce que peut fournir le télescope, en corrigeant notamment les perturbations atmosphériques, poursuit Georges Meylan. Nous avons aussi démontré nos compétences, en travaillant pour le satellite Euclid de l’ESA, qui déterminera la taille et la forme des galaxies lointaines. Nous sommes également sur les rangs pour équiper l’E-ELT d’imageurs travaillant dans les longueurs d’ondes proches de l’infrarouge, qui permettront d’atteindre des profondeurs record. Enfin, nous avons de grandes compétences dans la spectrographie appliquée aux galaxies lointaines.»

Le projet n’en est qu’à ses débuts, l’ESO n’a donc pas encore décidé de l’ensemble des prestataires qui équiperont l’E-ELT. Avec Georges Meylan au Conseil, l’EPFL est toutefois en contact direct et sera en mesure de proposer ses solutions. «L’observatoire devrait être construit et opérationnel vers 2019-2020», espère le chercheur.


Auteur: Emmanuel Barraud

Source: EPFL