Un hydrogel de l'EPFL pour faciliter le traitement du diabète

Avec l’aide du TTO (Natalia Giovannini à gauche), un hydrogel mis au point par le Groupe de biomatériaux fonctionnalisés (piloté par Sandrine Gerber) a donné lieu à une licence. © 2019 Alain Herzog

Avec l’aide du TTO (Natalia Giovannini à gauche), un hydrogel mis au point par le Groupe de biomatériaux fonctionnalisés (piloté par Sandrine Gerber) a donné lieu à une licence. © 2019 Alain Herzog

Un hydrogel mis au point à l’EPFL offre une protection inégalée contre le rejet des greffes de cellules. Passée entre les mains de l’Office de transfert de technologies de l’École, cette innovation vient de donner lieu à une licence acquise par Cell-Caps, une jeune entreprise genevoise spécialisée dans l’encapsulation cellulaire pour le traitement du diabète.

La faible quantité de greffons humains disponibles pour remplacer les cellules ou organes dysfonctionnels a obligé les chercheurs à envisager de nouvelles stratégies de transplantation. Ils ont donc planché sur diverses alternatives, dont la mise au point d’un gel protecteur semi-perméable pour isoler les cellules transplantées d’une réponse immunitaire inadéquate et d’autres effets nocifs de son nouvel environnement. Cette technologie, largement étudiée pour les transplantations de cellules pancréatiques, semble être une solution particulièrement prometteuse pour le traitement du diabète de type 1. Plusieurs équipes de chercheurs tentent donc depuis quelques années de mettre au point la formule ad hoc qui permettra non seulement d’utiliser des cellules d’autres donneurs sans traitement immunosuppresseur, mais aussi des cellules animales. Les résultats du groupe de recherche de Sandrine Gerber à l’EPFL ont récemment conduit, avec l’aide du programme Enable et de l’Office de transfert de technologies de l’École, à la conclusion d’une licence exclusive dans le domaine du traitement du diabète avec Cell-Caps SA, une société privée genevoise fondée par des chercheurs du HUG, spécialistes des cellules pancréatiques. Cette société collabore étroitement dans le domaine du diabète avec la Fondation InsuLéman (Genève).

L’enrobage permet de limiter les traitements immunosupresseurs

Semi-perméable, l’hydrogel à base d’alginate de sodium, un dérivé d’algue brune, combiné à des polymères hydrosolubles, effectue un tri sélectif. Il empêche le passage de cellules immunitaires et d’anticorps, tout en permettant la diffusion bidirectionnelle de molécules essentielles au métabolisme et à la survie des cellules encapsulées, comme des nutriments ou de l’oxygène, ainsi que le rejet des produits métaboliques comme l’insuline.

Ce cocon souple doit également offrir une protection mécanique et limiter la réponse inflammatoire du receveur. Il peut ainsi empêcher la formation de fibrose et la perte de fonctionnalité qui l’accompagne. L’une des pistes du Groupe des biomatériaux fonctionnalisés de l’EPFL, piloté par Sandrine Gerber, consiste à ajouter des molécules médicamenteuses liées à la structure gélatineuse. Le kétoprofène par exemple, un anti-inflammatoire non-stéroïdien courant qui agit dès les premières étapes de la cascade d’inflammation. Afin d’augmenter la concentration du composé pharmaceutique sur l’hydrogel et faciliter son relargage contrôlé, le laboratoire a développé un procédé, publié dans Bioconjugate Chemistry, qui relève parfaitement le défi de distiller le médicament en continu à l’endroit nécessaire.

Plus récemment, les chercheurs de l’EPFL ont testé avec succès de nouvelles compositions chimiques des polymères d’enrobage qui permettent une variation de certains de leurs paramètres comme la viscosité en milieu physiologique, en fonction des besoins liés à son utilisation. Publiée récemment dans ACS Applied Polymer Materials, cette étude ouvre la possibilité d’augmenter la résistance mécanique de l’enrobage ou encore sa capacité à retrouver rapidement sa forme initiale. Cette nouvelle composition répond avec brio aux contraintes physiques, mécaniques et biologiques nécessaires à l’enrobage.

Un procédé de fabrication en une seule étape

Le procédé de fabrication des cellules encapsulées, également inclus dans l’accord de licence, a certainement été un atout essentiel pour permettre à cette formule d’hydrogel d’être développée et commercialisée par le secteur privé. « De nombreux tests seront toutefois encore nécessaires pour démontrer les performances de ces hydrogels sur le long terme et améliorer l’accès à des sources de cellules transplantables de qualité reproductible. Une utilisation clinique pourrait prendre encore 5 à 8 ans », souligne Sandrine Gerber, qui fait partie du conseil d’administration de Cell-Caps. Les HUG, dont certains spécialistes font également partie du conseil d’administration de l’entreprise, ont un des dix laboratoires au monde disposant des compétences nécessaires à la greffe de cellules animales.

Une nouvelle collaboration en préparation au TTO

Cette innovation ne se limite toutefois pas au domaine de la transplantation de cellules pancréatiques. La technologie peut être envisagée pour d’autres cellules ou tissus biologiques et pourrait donner lieu à d’autres applications médicales et chirurgicales, par exemple l’insuffisance hépatique aigue. « Nous avons beaucoup d’espoir dans ce sens, souligne Natalia Giovannini en charge de la valorisation à l’Office de transfert de technologies (TTO), car d’autres partenaires commerciaux manifestent leur intérêt. Une nouvelle collaboration est en préparation actuellement. »