Un appareil pour détecter plus vite les problèmes de vue

Une technologie développée à l’EPFL permet d’observer les cellules du fond de l’œil plus en détail et d’en voir certaines jusque-là invisibles. Elle pourrait être d’une aide précieuse aux ophtalmologues, notamment dans la détection précoce de la dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA) et l’évaluation de nouveaux traitements.


C’est un nouvel espoir pour faire reculer les problèmes de vue, notamment ceux engendrés par la dégénérescence maculaire liée à l’âge, ou DMLA. Cette maladie assez fréquente, qui touche 26% des personnes de plus de 60 ans en Europe, est l’une des causes principales de cécité dans les pays industrialisés. Le nouvel appareil mis au point par des chercheurs du Laboratoire de dispositifs photoniques appliqués de l’EPFL (LAPD)*, dirigé par le professeur Christophe Moser, en permettrait un diagnostic plus précoce et donc une meilleure prise en charge. Il a fait l’objet d’une publication cette semaine dans Nature Photonics.

La rétine est un tissu complexe composé de plusieurs couches de cellules. La macula en est une zone sensible à la lumière se trouvant dans le fond de l’œil. Impliquée dans la vision fine, elle permet la lecture, la reconnaissance faciale, la perception des détails. Pour des raisons encore mal connues, elle dégénère avec le temps, entraînant le plus souvent la formation d’une tache floue ou de lignes déformées au centre du champ de vision, tout en laissant intactes les zones périphériques.

La DMLA n’est en général détectée qu’à l’apparition de ces symptômes, qui sont le signe d’une maladie déjà bien avancée. Or, si l’on ne peut pour le moment pas la guérir, on peut en retarder les effets. Identifiée plus vite, la dégénérescence maculaire pourrait donc être mieux traitée. C’est là que la technologie développée par les chercheurs de la faculté des sciences et techniques de l'ingénieur à l’EPFL amène un sérieux plus. Utilisant un système d’imagerie sophistiqué, elle permet notamment de visualiser en temps réel les couches de cellules de la macula - les premières atteintes par la DMLA. Celles-ci étant jusque-là invisibles aux moyens de routine, il était donc impossible d’en suivre l’évolution.

«Visualiser les cellules où débutent la plupart des maladies communes de la rétine va permettre de mieux comprendre leur évolution, et donc de les détecter plus tôt et les traiter avec davantage d’efficacité» précise Francine Behar-Cohen, professeur en ophtalmologie à l'hôpital Cochin et directeur de recherche au centre de recherche des Cordeliers, à Paris.

«A la différence des appareils traditionnels, qui envoient de la lumière au centre de la pupille, nous passons par la sclère, c’est-à-dire la partie blanche sur les côtés de l’oeil, pour observer la rétine», explique Mathieu Kunzi, chercheur au LAPD et co-auteur de l’étude. «Cette méthode permet de voir le fond oculaire sous un autre angle, de biais, ajoute Timothé Laforest, également chercheur au LAPD et co-auteur. Nous évitons ainsi certains rayonnements et obtenons une vision plus détaillée des couches de cellules». Les deux jeunes scientifiques ont d’ailleurs créé une start-up. Nommée EarlySight, elle vise le développement et la promotion de cette invention dans le milieu médical.

Des tests menés sur une dizaine de personnes saines ont confirmé la fiabilité de l’appareil, qui permet d’observer le fond de l’œil avec une précision dix fois plus importante et de déceler les différents stades d’évolution de ces cellules, notamment avec l’âge. Des études plus poussées, auprès d’une cinquantaine de patients dont certains atteints de DMLA ou autres pathologies, seront menées dans les mois qui viennent.

*Avec la collaboration de :

La Faculté de biologie et de médecine de l’Université de Lausanne, l’Hôpital Jules-Gonin à Lausanne, le Centre de Recherche des Cordeliers à Paris, l’Ophtalmopole, Hôpital Cochin à Paris, EarlySight SA.

Références

"Transscleral optical phase imaging of the human retina", Timothé Laforest, Mathieu Künzi, Laura Kowalczuk, Dino Carpentras, Francine Behar-Cohen and Christophe Moser, publié le 23 mars 2020 dans Nature Photonics.