Un antiacide pour soigner la tuberculose

Mycobacterium tuberculosis ©Stewart Cole/EPFL

Mycobacterium tuberculosis ©Stewart Cole/EPFL

Après avoir testé des milliers de médicaments agréés, des chercheurs de l’EPFL ont identifié un traitement antituberculeux surprenant: l’antiacide en vente libre lansoprazole (Prevacid®).

Véritable pandémie, la tuberculose représente le deuxième plus grand agent pathogène tueur du monde après le SIDA. Rien qu’en 2013, le bacille Mycobacterium tuberculosis a causé 1.5 million de décès et près de 9 millions de nouvelles infections. La résistance aux traitements est très répandue, et il devient urgent de trouver de nouveaux médicaments. Or, des scientifiques de l’EPFL viennent de découvrir que le lansoprazole, un antiacide très commun en vente libre, est un futur antituberculeux de premier ordre. Ils ont publié les détails de leur étude dans Nature Communications.

Il faut plus de dix ans à tout nouveau médicament contre la tuberculose pour passer les tests nécessaires et être validé à des fins médicales. Pendant ce temps, les antibiotiques usuels ont poussé plusieurs souches de tuberculose à développer une résistance à certains médicaments. Des millions de nouveaux composés chimiques ont été testés en éprouvette afin d’évaluer leur capacité à stopper la croissance du M. tuberculosis, mais trop peu ont abouti à des tests cliniques.

Ce processus peut toutefois être accéléré. Certains composés déjà approuvés pour le traitement d’êtres humains pourraient en effet être réutilisés pour lutter contre la tuberculose, ce qui diminuerait aussi bien les délais que les coûts liés au développement d’un nouveau médicament.

Un système de criblage

C’est la stratégie qu’a décidé d’adopter le laboratoire de Stewart Cole à l’EPFL. Son étude a utilisé un système robotisé qui soumet les substances à des cellules pulmonaires de culture qui ont été infectées au préalable par M. tuberculosis. De tels criblages à haut débit (HTS) sont de plus en plus répandus dans le développement de traitements, car ils sont capables d’analyser chaque jour d’impressionnantes quantités de médicaments potentiels avec rapidité et précision, contrairement aux méthodes manuelles qui requièrent des mois de travail.

Les chercheurs de l’EPFL ont employé une technique développée auparavant qui reflète ce qui se produit lorsque la bactérie infecte les poumons, et ce bien mieux que les essais conventionnels de criblage utilisés dans la recherche anti-tuberculose. Les scientifiques ont scanné un large spectre de médicaments déjà validés et repéré un antiacide, le lansoprazole, plus connu sous le nom de Prevacid®, qui promet d’être un candidat sérieux contre la tuberculose.

Second souffle pour d’anciens médicaments

Le lansoprazole s’est en effet montré efficace contre le M. tuberculosis, mais uniquement lorsque la bactérie se développait à l’intérieur des cellules. En analysant la biologie sous-jacente, les chercheurs ont découvert que le lansoprazole détruisait la bactérie une fois que les cellules humaines l’avaient converti en métabolite à base de soufre. Ce dernier cible en effet une enzyme qui s’avère cruciale pour la production d’énergie par la bactérie, ce qui finit par la tuer. En outre, le lansoprazole testé sur un large choix de bacilles s’est montré sélectif envers M. tuberculosis.

Le lansoprazole appartient à une classe de médicaments connus sous le nom d’inhibiteurs de la pompe à protons, qui empêchent l’estomac d’absorber trop d’acide, et évitent ainsi les brûlures et ulcères. « Ces antisécrétoires gastriques sont à la fois très sûrs et vendus dans le monde entier, » explique Stewart Cole. « Comme ils sont actifs contre des souches résistantes de tuberculose, ces médicaments d’une classe nouvelle nous fournissent une occasion rare de traiter la maladie. »

Cette étude a été soutenue par des bourses Fonds national suisse, ainsi que par le Ministère fédéral allemand de l’éducation et de la recherche.

Source

Rybniker J, Vocat A, Sala C, Busso P, Pojer F, Benjak A, Cole ST. Lansoprazole is an antituberculous prodrug targeting cytochrome bc1.Nature Communications 09 July 2015. DOI: 10.1038/ncomms8659