Tuberculose, l'antibiotique à double-effet

Creative Commons / Sanofi Pasteur

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Un antibiotique naturel s’avère une arme fatale contre le bacille de la tuberculose. Des chercheurs lui ont découvert une surprenante double action, qui diminue drastiquement les probabilités que la bactérie ne développe des résistances.

A l’heure où la technologie permet de synthétiser des molécules thérapeutiques d’une manière toujours plus raffinée, la nature donne une leçon aux chercheurs. Produite par une bactérie du sol non-pathogène, la pyridomycine s’avère un redoutable antibiotique contre sa cousine responsable de la tuberculose. Les chercheurs de l’EPFL, qui avaient découvert cette étonnante propriété, comprennent désormais mieux le fonctionnement de la molécule. Sa structure tridimensionnelle complexe lui permet d’agir simultanément sur deux parties d’une enzyme clé du bacille de la tuberculose. Un mode d’action qui diminue drastiquement les risques que la bactérie ne développe des résistances multiples. Avec des confrères de l’ETHZ, les chercheurs publient leurs travaux dans Nature Chemical Biology.

L’équipe du Prof. Stewart Cole, directeur de l'Institut d'Infectiologie (Global Health) à la Faculté des Sciences de la Vie de l'EPFL avait découvert l’effet antituberculeux de la pyridomycine en 2012. En inhibant une enzyme du nom d’ «InhA», la pyridomycine faisait littéralement éclater l’épaisse membrane de lipide de la bactérie. Les chercheurs comprennent désormais comment agit la molécule.

Une double action contre les mutations
Pour fabriquer sa membrane, le bacille de la tuberculose a notamment besoin de l’enzyme InhA et de ce que les biochimistes appellent un «cofacteur», lequel s’avère indispensable à l’activation de l’enzyme. Les chercheurs ont pu découvrir que la pyridomycine le désactivait en s’y arrimant.

Mais la pyridomycine ne s’arrête pas là. Elle bloque également un autre élément nécessaire à la fabrication de la membrane, le site catalytique d’InhA. «Cela fait plusieurs décennies que dans l’industrie pharmaceutique, les scientifiques cherchent ce point faible du bacille tuberculeux», explique Ruben Hartkoorn, premier auteur de l’article.

En s’arrimant simultanément à ces deux éléments pour les neutraliser, la pyridomycine empêche la bactérie de générer sa membrane et, in fine, la fait éclater comme un ballon. Mieux encore, cette double action diminue drastiquement le risque que la bactérie ne développe des résistances – il faudrait pour cela qu’elle subisse en même temps deux mutations spécifiques. L’intérêt est d’autant plus fort que les cas de tuberculose multi- résistante sont toujours plus courants.

Les voies tordues de la nature – une leçon d’efficacité
«C’est une formidable leçon de la nature en matière de drug-design, explique Stewart Cole, co-auteur et chercheur à l’EPFL. Les structures tridimensionnelles des molécules naturelles sont souvent plus complexes, plus "tordues" que les molécules de synthèse, et c’est précisément ce qui permet à la pyridomycine de s’arrimer sur deux sites simultanément.»

Telle quelle, la molécule n’est pas encore utilisable : elle ne subsiste pas assez longtemps dans l’organisme du patient. C’est ici, notamment, que la bio-ingénierie doit prendre le relais sur la nature – il s’agit de développer une version plus robuste de la molécule. C’est précisément l’une des pistes qu’explore l’équipe de Karl-Heinz Altmann à l’ETHZ. «A terme, nous pourrions même imaginer multiplier les sites d’arrimage de la molécule, pour qu’elle inhibe des activités importantes chez d’autres pathogènes», conclut Stewart Cole.

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L'article sur Nature Chemical Biology