Traiter le cancer du colon avec la vitamine A

Les rétinoïdes affectent la prolifération et la différenciation des cellules du côlon © J. Huelsken (EPFL)

Les rétinoïdes affectent la prolifération et la différenciation des cellules du côlon © J. Huelsken (EPFL)

Des scientifiques de l'EPFL identifient la voie biologique qui permet la croissance du cancer du colon, et la bloquent avec la vitamine A.

Le cancer du colon, l'une des principales causes de décès dus au cancer, est connu pour résister aux traitements. Il y a beaucoup de raisons à cela, mais l'une en particulier est liée à un groupe de cellules cancéreuses qui demeurent dans le colon et qui provoquent les récidives. Les thérapies conventionnelles qui leur sont appliquées sont pour la plupart inefficaces.

Or des scientifiques de l'EPFL ont identifié un mécanisme biologique qui peut être mis à profit pour s'opposer aux récidives du cancer du colon. Cette approche active une protéine qui normalement disparaît dans les cellules cancéreuses persistantes. Les chercheurs ont réussi à la réactiver en utilisant de la vitamine A, ce qui élimine les cellules cancéreuses, et prévient la formation de métastases. L'étude est publiée dans Cancer Cell, et présente une nouvelle manière de traiter le cancer du colon.

Lorsqu'un patient atteint d'un cancer du colon reçoit un traitement, par exemple une chimiothérapie, la plupart des cellules cancéreuses meurent. Toutefois, les mutations génétiques qui, à l'origine, ont provoqué le cancer, peuvent survivre dans un groupe spécifique de cellules du colon. Ce sont en fait des cellules-souches, ce qui signifie qu'elles sont des cellules prématures attendant de se développer en cellules complètement développées du colon. Lorsque le traitement du cancer s'achève, les cellules-souches survivantes, toujours porteuses des mutations cancéreuses, peuvent réapparaître et provoquer une récidive.

Le laboratoire de Joerg Huelsken à l'EPFL a étudié la manière dont des cellules différentiées de l'intestin parviennent dans le colon à partir de cellules-souches. En utilisant une batterie de différentes techniques, l'équipe a étudié des cellules provenant de modèles de souris et d'échantillons provenant de patients humains.

Protéines et trajets de signalisation

L'étude a mis l'accent sur une protéine appelée HOXA5, qui fait partie d'une famille de protéines régulant le développement du fœtus. Ces protéines sont produites durant le développement précoce et agissent ensemble pour assurer que chaque tissu soit correctement identifié, et que le corps et les membres du fœtus soient structurés correctement.

Dans le corps adulte, des protéines comme HOXA5 régulent les cellules-souches de l'organisme pour maintenir aussi bien l'identité que la fonction des différents tissus. L'équipe de Huelsken a découvert que dans l'intestin, HOXA5 joue un rôle majeur en restreignant le nombre de cellules-souches, aussi bien que les cellules qui les produisent.

Comme toutes les protéines, HOXA5 trouve son origine dans un gène spécifique. L'étude a montré que les cellules-souches cancéreuses du colon utilisent un mécanisme biologique qui bloque cette protéine. Ce mécanisme est appelé une «voie de signalisation» parce qu'elle implique un domino de molécules, chacune activant la suivante. Le but d'une voie de signalisation est de transmettre l'information biologique d'une partie de la cellule à une autre, par exemple de la membrane extérieure jusqu'au noyau. En bloquant le gène HOXA5, la cellule-souche cancéreuse du colon peut croître de manière incontrôlée et se répandre, provoquant récidives et métastases.

Les rétinoïdes – un moyen de riposter

Les scientifiques ont cherché comment empêcher le blocage de HOXA 5. La réponse est venue de la vitamine A. Cette petite structure chimique est appelée un rétinoïde, et elle était connue pour induire une différentiation de cellules-souches dans la peau. Les scientifiques de l'EPFL ont trouvé que les rétinoïdes peuvent réactiver HOXA5. Chez des souris atteintes de cancer du colon, le traitement au moyen de rétinoïdes a bloqué la progression des tumeurs et régénéré les tissus.

En activant le gène de HOXA5, le traitement a éliminé les cellules-souches cancéreuses et prévenu les métastases chez les animaux vivants. Les chercheurs ont obtenu des résultats similaires avec des échantillons provenant de patients humains.

Cette nouvelle étude suggère que les patients susceptibles de pouvoir profiter de ce traitement bien toléré peuvent être identifiés par le biais de leurs motifs d'expression du gène HOXA5. La thérapie fondée sur la différentiation des rétinoïdes pourrait avoir une efficacité significative contre le cancer du colon, mais aussi comme mesure préventive chez les patients à haut-risque.

Cette étude a bénéficié de contributions des installations de base de l'EPFL, de la Kyoto University, et de la Japan Science and Technology Agency. Elle a été financée par l'EMBO, la Ligue suisse contre le cancer, le Fonds national suisse et le Le Pôle de recherche national (PRN) «Oncologie moléculaire».

Référence

Ordóñez-Morán P, Dafflon C, Imajo M, Nishida E, Huelsken J. HOXA5 Counteracts Stem Cell Traits by Inhibiting Wnt Signaling in Colorectal Cancer.Cancer Cell 14 December 2015. DOI: 10.1016/j.ccell.2015.11.001