« Toutes les réussites ne se mesurent pas en millions levés »
Entre passion pour l’innovation, soutien à la diversité et volonté de voir des idées audacieuses se transformer en start-ups à fort impact, Isabel Casado, nouvelle responsable du Startup Launchpad, raconte son parcours et les défis du lancement des entrepreneurs et entrepreneuses en devenir.
Après de nombreuses années dans de grandes entreprises internationales, un virage vers le cœur de l’innovation et le fourmillement palpitant des technologies en devenir lui est apparu comme évident il y a une dizaine d’années. « J’ai fait du développement interne, du conseil, j’ai géré de grosses équipes, mais ce que j’aime fondamentalement est le contact avec les gens, transmettre mon expérience, les aider à évoluer et développer leurs ambitions. Accompagner des start-up, c’est exactement ça : nous mettons en place une rampe de lancement, mais ils doivent avancer à leur manière », explique Isabel Casado, nouvelle responsable de l’unité start-up de l’École, aussi connue sous le nom de Startup Launchpad. Les quelques années passées sur le campus, d’abord à l’office de transfert de technologie (TTO), puis dans le développement de programmes d’aide aux start-up n’ont pas tari sa passion pour les jeunes pousses : « c’est un des plus beaux jobs de l’EPFL de pouvoir aider ces jeunes entrepreneuses et entrepreneurs motivés et pleins d’entrain », souligne l’alumni en informatique.
Le retour positif des entrepreneurs que nous avons aidés constitue un excellent marqueur. Beaucoup viennent volontiers jouer les roles models, parler de leur parcours et inspirer la nouvelle génération.
Le fourmillement palpitant des technologies en devenir
La nouvelle responsable du Startup Launchpad apporte son expérience et son dynamisme à un écosystème de soutien et d’aides aux jeunes entreprises qui s’est fortement enrichi ces dernières années. Tout a commencé il y a 20 ans avec les Innogrants, un programme phare de la Vice-présidence pour l’innovation et l’impact, qui a célébré cette année son anniversaire. « Le soutien équivaut à un salaire d’un an, mais c’est surtout du temps qu’on leur offre : douze mois où ils peuvent pleinement se consacrer au développement de leur technologie ». Depuis, de nouvelles aides complètent ce dispositif, offrant aux jeunes pousses les moyens concrets de passer du concept à l’action : prototyper leur technologie, tester leur marché et transformer leur idée en entreprise, même en tant qu’étudiants. Amener une start-up vers la rentabilité reste un défi, car obtenir des investissements est devenu plus difficile et exige des preuves solides de son potentiel. « Les investisseurs ou investisseuses attendent souvent les premiers clients ou au moins un intérêt évident du marché. Il faut donc encore mieux préparer les projets de start-up à cette réalité avec des étapes claires à franchir pour leur donner toutes les chances. » Afin de faciliter les échanges entre les détenteurs des fonds et les entreprises, l’équipe start-up de l’école propose depuis deux ans un Investor Day. Un événement qui ne se limite pas à une simple rencontre avec des investisseurs : il offre aussi une précieuse opportunité de mise en réseau, permettant aux jeunes entreprises d’échanger avec d’autres entrepreneurs, experts et partenaires stratégiques. C’est un moment clé pour renforcer leur visibilité, affiner leur approche et créer des connexions déterminantes pour l’avenir de leur projet. « Nous leur mettons toutes les cartes en main. Ensuite, à eux de jouer. »
Le nombre ascendant de créations de start-ups et de levées de fonds sont autant de baromètres encourageants. « Le retour positif des entrepreneurs que nous avons aidés constitue un excellent marqueur. Beaucoup viennent volontiers jouer les roles models, parler de leur parcours et inspirer la nouvelle génération. »
« Il n’y a pas d’entrepreneuses types ou d’entrepreneurs types »
Parmi les enjeux qui lui tiennent à cœur, celui de la diversité. « Il reste du travail sur les biais inconscients au sujet de toutes les minorités ». Issue d’une volée de Masters en informatique où elle était la seule femme, Isabel Casado en a parfois personnellement fait l’expérience. « Le plus drôle a été le moment où, quelques jours après l’obtention de mon diplôme, une secrétaire médicale est venue dans la salle d’attente me demander de rectifier la case profession où j’avais inscrit « ingénieure » en me précisant « il ne faut pas mettre la profession de votre papa »», sourit-elle.
La nouvelle responsable du Startup Launchpad est convaincue de manière plus générale « qu’il n’y a pas de stéréotype de l’entrepreneur ou de l’entrepreneuse. On attend parfois du porteur ou de la porteuse de projet qu’il ou elle se montre à l’aise et extraverti devant un public. Or, il est tout à fait possible d’avoir une personnalité introvertie et de briller par ses compétences et ses connaissances. Chaque individualité peut réussir, à condition d’oser être soi-même ». Sur la place des femmes, elle se veut lucide : « à l’EPFL, le nombre d’étudiantes est encore inférieur à celui des étudiants, même si l’écart se réduit. Et cela se reflète dans l’entrepreneuriat. Par contre, il est important de noter que les projets portés par des femmes que nous accompagnons ont le même taux de succès que ceux des hommes. »
La start-up, au-delà du mythe économique
Le mot start-up a perdu un peu de son aura auprès des jeunes générations. « Certains y voient surtout l’image du capitalisme à outrance. Mais une start-up peut avant tout transformer une idée audacieuse en entreprise solide, créatrice d’emplois et de valeur.» Elle insiste sur la complémentarité entre innovation économique et technologique : « apporter une vraie valeur disruptive, ouvre toujours la voie à la croissance. Mais toutes les réussites ne se mesurent pas en millions levés. »
Au-delà de la croissance économique, elle estime que l’innovation doit également répondre aux grands enjeux de société, tels que la nutrition, le climat, ou encore l’agriculture. « Il faut penser le plus tôt possible à l’impact que peuvent avoir nos recherches : partir d’un besoin, d’un problème concret puis générer des réponses grâce aux technologies développées sur le campus. Et pour que ces idées deviennent de véritable start-up à fort impact, il est essentiel de cultiver dès le départ une culture de l’ambition : croire en ce que l’on peut accomplir, oser viser grand et se donner les moyens d’y parvenir. »
