Tirer parti de la supraconductivité grâce au spin

© 2014 Alain Herzog/EPFL

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Des scientifiques de l’EPFL ont effectué une percée significative dans la compréhension de la supraconductivité en étudiant d’étranges événements quantiques qui se déroulent à l’intérieur d’un supraconducteur unique.

Les cuprates sont des matériaux très prometteurs dans le domaine de la supraconductivité haute température (-120oC). Ils pourraient permettre de produire de l’électricité à moindres frais et sans perte d’énergie. Les chercheurs s’efforcent donc de comprendre la physique de ces substances afin de développer des supraconducteurs à température ambiante. Or, des scientifiques de l’EPFL ont utilisé une technique dernier cri et découvert comment les cuprates deviennent supraconducteurs. Leur étude est publiée dans Nature Communications.

Les supraconducteurs conventionnels sont des matériaux qui conduisent l’électricité sans résistance électrique et à des températures proches du zéro absolu (−273.15°C ou 0 Kelvin). Dans ces conditions, les électrons se lient et forment des couples appelés «paires de Cooper», qui leur permettent de se déplacer sans résistance. Généralement, de telles paires ne se forment qu’à ces températures extrêmement basses, et uniquement lorsque les atomes du supraconducteur vibrent et génèrent une force interactive entre les électrons.

Il existe toutefois une classe de supraconducteurs où les paires de Cooper se créent, mais pour d’autres raisons encore inexpliquées. A base de cuivre, le matériau est nommé «cuprate». A température ambiante, il s’agit d’un isolant électrique et d’un aimant.

La notoriété des cuprates vient du fait qu’ils se muent en supraconducteurs à des températures bien plus élevées que d’autres matériaux, soit à un peu plus de -123.15°C (150 Kelvin). Résultat, les cuprates sont les candidats idéaux pour développer la supraconductivité pour un usage quotidien. Toutefois, les études ont jusqu’ici suggéré que les cuprates ne devenaient pas supraconducteurs de la même manière que les autres matériaux, sans pourtant fournir d’explication.

Une équipe de chercheurs de l’EPFL, dirigée par Marco Grioni, a utilisé une technique spectroscopique de dernière génération pour comprendre cette supraconductivité unique. Les scientifiques ont eu recours à une technique appelée «Resonant Inelastic X-ray Scattering», qui sert à explorer la structure électronique des matériaux. Cette technologie haute résolution peut effectuer le suivi des électrons à l’intérieur d’un échantillon de cuprate, quand il se transforme en supraconducteur.

«Habituellement, les supraconducteurs détestent le magnétisme, explique Marco Grioni. Vous avez soit un aimant, soit un supraconducteur, mais pas les deux. Les cuprates sont très différents et surprenants, car ils sont normalement des isolants et des aimants, mais deviennent supraconducteurs lorsque quelques électrons sont ajoutés via une légère modification de leur composition chimique».

L’ingrédient clé du magnétisme est une propriété des électrons appelée le spin, qui peut être vue comme le mouvement d’une toupie. Les spins peuvent interagir et créer des vagues susceptibles de se déplacer dans la matière. Quand les matériaux magnétiques sont dérangés, des vagues de spin apparaissent et se propagent en ondes dans tout leur volume. De telles vagues sont comme des empreintes digitales de leur structure magnétique et de ladite interaction.

Même supraconducteurs, les cuprates gardent leurs propriétés magnétiques. «Il leur reste quelque chose de l’ordre de l’aimant, ce qui pourrait jouer un rôle crucial dans l’apparition de la supraconductivité, déclare Marco Grioni. Ces nouveaux résultats clarifient l’interaction des spins à l’intérieur de ces matériaux fascinants. »

Ces découvertes offrent une compréhension inédite de la supraconductivité des cuprates, et probablement d’autres supraconducteurs haute température. En révélant le rôle des interactions entre spins, elles pourraient ouvrir la voie à l’emploi de supraconducteurs haute température dans la vie de tous les jours.

Cette étude est une collaboration entre l’Institut de la matière condensée de l’EPFL, Swiss Light Source, l’Université de Genève, l’Université de Colombie-Britannique, l’IFW Dresde, l’Université Bochum de la Ruhr et l’Université nationale des sciences et technologies de la Fédération de Russie.

Source

Guarise M, Dalla Piazza B, Berger H, Giannini E, Schmitt T, Rønnow HM, Sawatzky GA, van den Brink J, Altenfeld D, Eremin I, Grioni M. Anisotropic softening of magnetic excitations along the nodal direction in superconducting cuprates. Nat. Commun. 18 December 2014. doi: 10.1038/ncomm6760



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©2014 Alain Herzog/EPFL
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