Surélever les immeubles de manière plus verte, c'est possible

L'immeuble surélevé à l'Avenue de l'Université 5, à Lausanne. © Leo FABRIZIO

L'immeuble surélevé à l'Avenue de l'Université 5, à Lausanne. © Leo FABRIZIO

Fruit d’une collaboration entre des chercheurs du Laboratoire d’architecture et de technologies durables (LAST) et le Canton de Vaud, un projet-pilote en matière de surélévation d’immeubles administratifs a été inauguré officiellement à la mi-novembre à Lausanne.

Le bâtiment de l’administration cantonale, rue de l’Université 5, à Lausanne, compte officiellement un étage de plus depuis la mi-novembre. Le projet de recherche «Working Space», mené par le Laboratoire d’architecture et technologies durables (LAST), dirigé par Emmanuel Rey, en est à l’origine.

Cette collaboration pilote entre l’EPFL et le canton de Vaud a permis de tester en conditions réelles une nouvelle approche durable et intégrée pour surélever les immeubles administratifs du canton. Par ses qualités architectoniques et ses performances environnementales, le projet préfigure de nouvelles manières de concilier l’efficience liée à la préfabrication et la qualité architecturale indispensable à l’intégration urbaine. Explications d’Emmanuel Rey.

Comment avez-vous été amené à collaborer avec le canton de Vaud?

Dans le cadre de nos recherches, nous avions déjà développé plusieurs approches en matière d’architecture modulaire et durable, notamment dans le domaine des infrastructures événementielles, avec le projet de recherche On STAGE, ou dans la surélévation d’immeubles d’habitation, avec le projet de recherche Living Shell. Confronté à la question de la surélévation de son patrimoine bâti, le Service immeubles, patrimoine et logistique (SIPAL) du canton de Vaud nous a approché pour développer une recherche sur ce thème. Il s’agissait d’esquisser une approche spécifique pour les bâtiments administratifs, qui soit à la fois modulable, efficiente, élégante et durable. Nous avons d’autant plus adhéré à ce défi qu’il était accompagné d’un principe de «carte blanche» dans la phase initiale. Après une première phase de recherche, une motivation conjointe de réaliser une expérience pilote en site réel est apparue, de même que la confiance de pouvoir mettre en œuvre une démarche intégrative entre l’approche théorique de la question, le processus de design intégré et le transfert de connaissances du monde académique aux acteurs sur le terrain. Un suivi attentif (monitoring qualitatif et quantitatif) est par ailleurs prévu après la mise en service.

Quelles sont les spécificités constructives du projet de recherche Working Space?

Le projet vise à faciliter la création de nouveaux espaces administratifs sans consommer de terrain, en offrant un confort satisfaisant aux usagers, en favorisant une diversité de configuration spatiale, en valorisant les ressources urbaines existantes et en minimisant les impacts sur l’environnement. Au terme d’un intense processus consultatif, la phase de recherche a permis d’aboutir au développement d’un nouveau système préfabriqué en bois, à la fois simple, élégant et flexible. Au niveau vertical, la structure consiste en éléments de grandes dimensions, composés d’une ossature de poteaux et de poutres solidaires. Ce système porteur permet de s’appuyer sur un nombre limité de points et de transmettre aisément les charges sur les porteurs des bâtiments existants. Au niveau horizontal, la structure se compose de dalles à caissons en bois, tant pour le plancher que pour la toiture. Ces éléments, de même que les éléments des façades et les installations techniques, sont ensuite tous composés en cohérence avec la trame de base. Il en résulte un degré de préfabrication très élevé en regard des pratiques courantes de la construction, ce qui favorise tant la précision que la rapidité sur le chantier.

Quelles en sont les particularités énergétiques?

La conception de Working Space vise à minimiser la consommation de ressources non renouvelables, tant pour la réalisation que pour l’exploitation, et à parvenir ainsi à une construction dite «bas carbone». Afin de réduire les besoins énergétiques, elle est en particulier fondée sur une approche bioclimatique: en hiver, la qualité de l’enveloppe du bâtiment permet de limiter les déperditions thermiques et de réduire la consommation d’énergie de chauffage. La distribution de chaleur se branche simplement sur la production de l’immeuble existant. En été, les rayons du soleil sont stoppés grâce à des protections extérieures amovibles et à une valorisation de l’éclairage naturel, de la ventilation naturelle et du rafraîchissement passif nocturne. Le projet fait enfin la part belle aux énergies renouvelables, en particulier par l’intégration d’une vaste surface de panneaux photovoltaïques en toiture. S’inscrivant pleinement dans les objectifs de la société à 2000 Watts, les estimations réalisées pour la surélévation à la Rue de l’Université mettent en évidence que l’énergie ainsi produite au niveau primaire est supérieure à celle nécessaire pour la construction, l’exploitation et la mobilité des utilisateurs de la surélévation.

Est-ce que cette réalisation peut être amenée à se reproduire dans le futur?

Plusieurs études de cas ont été réalisées dans la phase de recherche, ce qui pourrait en effet déboucher sur d’autres expérimentations. Par sa modularité intrinsèque, le système constructif Working Space permet une grande diversité d’aménagements. Les dimensions spécifiques du système, de même que ses façades généreusement vitrées, offrent une véritable flexibilité dans l’organisation spatiale des fonctions. Il est ainsi possible d’aménager des espaces de travail avec une très grande liberté. En fonction des besoins, la structure se prête à l’aménagement de bureaux paysagers, de salles de séances, d’espaces de formation ou de bureaux cloisonnés.