Suivre les rivières dans nos cellules

Horst Vogel et Shuguang Yuan ©2014 Alain Herzog/EPFL

Horst Vogel et Shuguang Yuan ©2014 Alain Herzog/EPFL

Les récepteurs couplés aux protéines G (GPCRs) arbitrent la plupart des réponses physiologiques aux stimulations extérieures et interviennent dans de nombreuses maladies. Grâce à la modélisation, des chercheurs de l’EPFL ont révélé les étapes principales de la transduction du signal GPCR. Ce travail pourrait mener au développement de nouveaux médicaments ciblant cette classe de récepteurs.

Les récepteurs couplés aux protéines G (GPCRs) forment la classe de récepteurs transmembranaires la plus importante de nos cellules. Impliqués dans la transmission de signaux d’un côté à l’autre de la membrane, ils soulèvent de nombreuses questions. L’une des plus épineuses est la manière dont un signal, reconnu du côté extérieur d’un GPCR, peut générer une séquence de changement conformationnel dans la protéine, puis engendrer une réponse intracellulaire. En utilisant la modélisation numérique, des chercheurs de l’EPFL ont pu mettre au jour les transitions structurelles se produisant à l’intérieur de ces GPCRs durant le processus de transduction du signal. Ils ont notamment découvert que l’une de ses étapes centrales était la formation d’un canal d’eau continu au sein de ces récepteurs. Ce travail, publié dans Nature Communications, suggère que de nouveaux composés thérapeutiques pourraient être sélectionnés en fonction de leur potentiel à interagir avec ces canaux internes.

Le signal amplifié suscite la réponse cellulaire

Les GPCRs sont des protéines présentes dans la membrane, à la surface de la cellule. Il y en a environ 800 sortes différentes, chacune étant capable de détecter et de lier certaines molécules spécifiques, que l’on appelle des ligands. Lors de ces liaisons, les GPCRs transmettent un signal à travers la membrane. Celui-ci est amplifié par des protéines spécialisées, les G, qui, par une cascade de réactions biochimiques, vont provoquer une réponse de la cellule.

Le moindre dysfonctionnement de ce processus, qui est essentiel à nos cellules, peut engendrer de graves maladies. C’est pourquoi ces GPCRs sont d’une très haute importance dans la recherche de nouveaux traitements, qui sont nombreux à être actuellement testés sur différentes sortes de récepteurs. Mieux comprendre le fonctionnement de ces GPCRs au niveau moléculaire pourrait donc permettre de développer des médicaments novateurs et efficaces contre des maladies telles que le cancer, le diabète, les inflammations, les troubles neurologiques, immunologiques ou cardiovasculaires.

Grâce à la cristallograhie aux rayons X, la structure en 3D de certains GPCRs a pu être établie. Mais cette approche offre des images statiques ne permettant pas d’observer les changements structuraux se produisant à l’intérieur du récepteur durant le processus de transduction du signal.

Modéliser les GPCRs

Afin de modéliser des prototypes de GPCRs, l’équipe de Horst Vogel, à l’EPFL, a utilisé une méthode connue sous le nom de «simulation de la dynamique moléculaire par ordinateur». Elle a ainsi pu reproduire les transitions par lesquelles passent les GPCRs durant le processus de transduction du signal à travers la membrane.

Les chercheurs ont pu décrire en détails les étapes de ce mécanisme moléculaire. Après avoir lié un ligand du côté externe de la membrane, le GPCR subit un double changement 3D. Cette opération permet aux molécules d’eau de pénétrer le récepteur et d’atteindre un «barrage» d’acides aminés.

Après une nouvelle série de changements, une ouverture se forme au sein de ce «barrage», laissant se former un canal continu entre la liaison du ligand, à l’extérieur de la membrane, et la partie du GPCR située à l’intérieur de la cellule. Ces modifications de structure dans le récepteur et la création de ce canal sont essentielles à l’activation des protéines G, qui peuvent dès lors amplifier le signal.

«La découverte de ces canaux ouvre la voie à des approches novatrices en matière de traitements, affirme Horst Vogel. En étudiant les composés qui se lient aux GPCRs et en modulant leurs canaux, il devrait être possible de trouver de nouvelles molécules thérapeutiques efficaces.»

Ce travail est le résultat d’une collaboration entre le Laboratoire de chimie physique des polymères et membranes de l’EPFL (LCPPM) avec l’Université de Varsovie, en Pologne, et l’Université Case Western Reserve, aux Etats-Unis.

Référence

Yuan S, Filipek S, Palczewski K, Vogel H. Activation of G-protein-coupled receptors correlates with the formation of a continuous internal water pathway. Nature Communications, 09 Septembre 2014. DOI: 10.1038/ncomms5733