Sion, nouveau poumon énergétique du Valais

© 2020 Keystone

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Pensé dans un premier temps comme un centre d’excellence consacré à l’hydraulique, le site sédunois de l’EPFL Valais Wallis s’est tourné vers d’autres recherches liées à la production et au stockage d’énergie.

Loin des clichés mêlant raclette, fendant et montagnes, le Valais a révélé cette année une autre de ses facettes: celle d’un canton à la pointe de l’innovation. Cette orientation se traduit par des pôles technologiques distincts que Le Temps vous fait découvrir en quatre épisodes.

Episode précédent:

Cette année, la société DePoly a été l’un des visages les plus en vue de l’écosystème sédunois de l’innovation. Ambitionnant de rendre le recyclage du plastique moins polluant, la start-up vient d’annoncer sa première levée de fonds: 1,3 million de francs pour préparer l’industrialisation de son procédé. «Elle peut aller loin», glisse Marc-André Berclaz, qui nous accueille sur le site valaisan de l’EPFL qu’il dirige.

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Situé dans le quartier industriel de Sion, à cinq minutes de la gare, ce nouveau pôle a vu le jour en un temps record puisque les discussions entre le gouvernement cantonal et la haute école ont débuté en 2012. Le premier coup de pioche était donné un an plus tard, deux ans avant que les premiers étudiants et autres doctorants ne s’y installent.

A quelques jours de Noël, les 7000 m² de laboratoires sont peu fréquentés. En temps normal, quelque 200 personnes s’y activent. «A l’époque, on avait imaginé que le site accueillerait 160 personnes. Au final, l’EPFL y emploiera 400 personnes», relève son directeur.

De la grande hydraulique aux nouvelles énergies

Dédié à l’étude des glaces alpines et polaires, l’institut Alpole est en effet en voie de création dans l’ancien centre d’impression du Nouvelliste, à quelques pas du bâtiment principal. L’antenne de l’EPFL sera aussi reliée dès l’année prochaine à la filière ingénierie de la HES-SO, prête à emménager juste à côté. Une passerelle entre les deux lieux devrait contribuer à favoriser les échanges et créer l’émulation autour de l’énergie.

A l’origine, l’initiative visait à créer un centre de compétences voué à la grande hydraulique. L’émergence des nouvelles énergies renouvelables et la chute des prix de l’électricité en ont décidé autrement. Aujourd’hui, Energypolis se profile surtout dans les solutions de production et de stockage de l’énergie, ainsi que de captation du CO2. «Nous développons des savoir-faire nouveaux, observe Marc-André Berclaz. Il a fallu sortir d’une histoire traditionnelle pour construire quelque chose. C’est assez audacieux.»

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A l’instar de DePoly, une petite dizaine de start-up ont déjà pris leur envol. La grande majorité est active dans la cible technologique de l’antenne de l’EPFL. SensàSion a, elle, suivi un chemin différent pour créer un détecteur de bactéries. A l’exemple d’une multitude de jeunes pousses suisses, elle a exploité son expertise pour mettre au point des tests de covid.

Energypolis entend aussi travailler avec des PME traditionnelles et attirer de nouveaux acteurs. Fabriquant des batteries à base de bleu de Prusse, la société Natron Energy a par exemple décidé d’y implanter son site suisse.

Un atout pour attirer de nouvelles entreprises

La nouvelle venue collabore déjà avec H55, autre start-up ayant succombé aux charmes du Valais. Cofondée il y a trois ans par André Borschberg, le pilote de l’avion Solar Impulse, elle prépare la commercialisation des systèmes de propulsion électrique développés pour l’aventure solaire.

Le choix de l’implantation est vite devenu une évidence: «Le canton était en train de rassembler à Sion ce qui se fait dans la recherche au niveau des énergies, au travers de la HES-SO Valais et l’EPFL, raconte André Borschberg. C’était logique de s’y installer. Nous menons d’ailleurs déjà des projets avec ces institutions.» C’est donc à Sion que le travail de conception des systèmes se fait, la phase qui, selon le pilote entrepreneur, représente «la plus grande valeur ajoutée du projet».

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Le premier modèle du petit avion trône déjà dans un hangar de l’aéroport militaire de Sion. Ses ailes sont bourrées de petits packs de batteries en lithium-ion imbriqués les uns dans les autres. Ce sont eux qui vont stocker l’énergie engrangée au sol.

La société vient d’attirer 20 millions de francs qui serviront notamment à la certification de l’innovation. Une étape sensible. Une fois ce pas franchi, H55 entend équiper de petits avions en commençant par les appareils consacrés à la formation des pilotes. Le transport de personnes pour des court-courriers pourrait suivre avec, en ligne de mire, la fabrication de taxis aériens électriques et non bruyants.

Dans les mois à venir, une quinzaine de personnes devraient étoffer les rangs de H55. Là aussi, la localisation est plutôt perçue positivement par André Borschberg: «Nous avons des ingénieurs qui viennent d’Espagne, de France ou d’Italie. Pour eux, venir s’établir dans un endroit comme le Valais, qui offre une qualité de vie exceptionnelle, c’est clairement ressenti comme un avantage.»

Un témoignage qui doit avoir un goût de miel pour les autorités cantonales. Au total, elles auront déboursé plus de 100 millions de francs pour faire de Sion le nouveau poumon énergétique du Valais.