Réhabiliter les stations alpines en mémoire du passé

Station du Super Saint-Bernard: Un musée raconterait la construction du tunnel. © 2016 EPFL© 2016 EPFL

Station du Super Saint-Bernard: Un musée raconterait la construction du tunnel. © 2016 EPFL© 2016 EPFL

La station du Super Saint-Bernard et celle du Furggen ont repris vie grâce à deux projets de master en architecture. Entre réaffectation minimaliste et écologique, ces études interrogent l'avenir de ce patrimoine architectural oublié.

Faillite, changement climatique, manque d’investissement… De nombreuses stations alpines sont laissées à l’abandon en Suisse. Forts de ce constat, quatre étudiants de master en architecture ont fait le pari de réhabiliter, le temps d’un exercice, deux installations de remontées mécaniques en Valais. Ils leur ont consacré leur travail de diplôme.

Passionnés de montagne, Yannick Guillermin et Sacha Rey se sont penchés sur la revitalisation de la station du Furggen, près de Zermatt, sur la frontière italo-suisse. Cette bâtisse marquait le point d’arrivée du téléphérique, à quelque 3500 mètres d’altitude. Elle est l’œuvre de l’architecte italien moderniste Carlo Mollino, connu pour ses constructions en montagne. Le tout est à l’abandon depuis 1992.

Une banque de graines florales alpines
Avant que leur choix ne se porte sur la région du Furggen, les étudiants ont contacté quelque 400 communes de Suisse possédant du terrain au-dessus de 1500 mètres d’altitude. Ils ont ensuite évalué le potentiel d’une cinquantaine de bâtiments abandonnés. La vue imprenable de l’ancienne station de Furggen sur le Cervin, sa position de nid d’aigle, la qualité de sa construction et sa galerie couverte ont convaincu les architectes de son grand potentiel.

Durant leurs recherches, les étudiants découvrent par ailleurs que la flore de haute montagne est menacée par le changement climatique. Ils décident alors de transformer la station désaffectée en banque de graines florales alpines.

Un exploit architectural du passé
«Nous proposons de construire sept frigos sous la galerie, directement dans le permafrost de la montagne (voir image). La température annuelle varie entre -1 et 1 degré, l’idéal pour la conservation de graines florales», explique Sacha Rey. Les étudiants ont souhaité conserver les murs d’origine comme patrimoine architectural, en opposition aux pratiques courantes. «La tendance en Suisse est plutôt de tout démonter. Or il ne faut pas oublier qu’à l’époque, c’était une prouesse de construire en haute montagne. Nous pensons donc qu’il faut garder des traces de cet exploit et mettre en valeur ces ruines».

De bâtisse abandonnée, le téléphérique de Furggen reprendrait donc vie sous la forme d’observatoire pour les botanistes, avec un laboratoire, une bibliothèque, un espace d’exposition et un gîte de huit lits. «Le téléphérique serait réaffecté pour le transport des graines florales», complète Yannick Guillermin.

Un projet-témoin à un coût minime
En bas de la montagne, à l'ancienne station du Super Saint-Bernard, un autre projet de réaffectation a pris forme. «Nous voulions intervenir de manière écologique et économique, proposer une sorte de projet-témoin de réhabilitation de station de montagne», explique Loïc Schaller, auteur du projet de master aux côtés de Lisa Robillard.

La station abritait la gare de départ du téléphérique. Elle est à l’abandon depuis sa mise en faillite il y a six ans. «Beaucoup de personnes de la région de Bourg-Saint-Pierre y sont attachées, c’est là qu’ils ont appris à skier. Nous ne voulions donc pas dénaturer le bâtiment existant avec un projet démesuré mais le rendre viable, rentable et l’intégrer à la culture locale», détaille le jeune architecte.

Le projet propose ainsi d’accentuer les activités sportives de la région en offrant aux randonneurs, cyclistes et amateurs de peau de phoque un vrai lieu de rencontre et de dépôts pour leur matériel. L’espace accueillerait également un restaurant et un musée historique dédié à la construction du tunnel du Grand-Saint-Bernard. Ce musée serait intégré à l’offre culturelle de la région, à l’instar de la Fondation Gianadda et de la Fondation Barry, à Martigny. Il entrerait en écho avec la récente candidature de la région Aoste- Martigny à entrer au patrimoine mondial de l’UNESCO.

Réhabiliter plutôt que détruire ou construire
«Les stations de ski ne peuvent plus compter sur la saison hivernale pour être rentables. Nous avons donc voulu leur montrer les options qui s’offraient à elles pour étendre leurs activités le reste de l’année, précise Loïc Schaller. Les travaux que nous proposons sont minimalistes et peu gourmands en énergie grise. Au final, nous voulions montrer qu’il est plus rentable de réhabiliter ces bâtiments que de les détruire.»

Le constat est le même du côté des auteurs du projet de la banque de graines florales: «Exploiter le potentiel des bâtisses abandonnées permet d’éviter le mitage du territoire en montagne», souligne Yannick Guillermin. «Et il n’y a pas que les anciennes stations de ski à exploiter, ajoute son camarade de projet de master, Sacha Rey, mais aussi les anciens bunkers de l’armée, les cabanes de montagnes, les barrages abandonnés et bientôt, à l’heure de la fibre optique, les infrastructures liées aux antennes téléphoniques.» Autant de futurs chantiers pour les architectes?

  • Les projets de master en architecture sont exposés du 30 septembre au 13 octobre à l’Espace G60, Rue de Genève 60, 1004 Lausanne.