Pourquoi négliger une énergie indigène, renouvelable et durable?

© 2019 EPFL

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Prof. Lyesse Laloui s'exprime dans le journal l'AGEFI du 25 février 2019
"Pourquoi négliger une énergie indigène, renouvelable, durable et neutre en carbone?"

Après la votation du 10 février dernier, des interrogations subsistent. Aujourd’hui, nul ne peut nier l’impact de nos villes, et de nos bâtiments sur l’environnement. Nos constructions sont gourmandes en ressources, que ce soit en territoire ou en énergie. Et, si les milieux construits tendent à occuper un fort pourcentage de notre territoire, ils consomment également près de la moitié de l’énergie primaire en Suisse!

Alors construire mieux, plus dense, plus durable et plus propre, oui mais comment? Depuis plusieurs années, nombres de stratégies ont été conduites, avec des subventions et d’autres aides, pour diminuer la consommation d’énergie, améliorer l’efficacité des systèmes énergétiques et favoriser les énergies renouvelables… certaines plus que d’autres! En effet, un effort certain est consenti pour le développement de l’énergie solaire, qu’elle soit photovoltaïque ou thermique. La plupart des cantons romands favorisent explicitement cette énergie renouvelable dans le cadre de nouvelles constructions, aux dépends des autres types d’énergies renouvelables. Si celles-ci ne sont pas exclues des recommandations ni des discussions, il semble bien qu’elles ne bénéficient cependant pas du tout de la même notoriété.

La dernière votation a mis en évidence le besoin de préserver notre environnement, notre territoire, notre sol, et celui-ci a été plus d’une fois caractérisé comme une «ressource non-renouvelable». Oui et non! N’oublions pas qu’en qualité de ressource énergétique, le sol constitue justement une source renouvelable, durable, neutre en carbone... et aussi indigène. L’énergie provenant du sol, autrement dit la géothermie, est une ressource puissante, au grand potentiel de développement chez nous.

Malheureusement, elle a souvent eu mauvaise presse dans notre pays; elle est victime de nombreux raccourcis et jugements hâtifs qui se cantonnent généralement à la géothermie dite de grande profondeur, et notamment à l’incident de Bâle. La géothermie est pourtant bien plus vaste que cela. Elle se décline en plusieurs catégories, géothermie de surface, de moyenne et de grande profondeur.

La Suisse est d’ailleurs championne du monde en installations de sondes géothermiques, qui utilisent majoritairement la géothermie de surface. Car l’énergie du sol contenue en surface permet d’approvisionner nos bâtiments en chauffage, eau chaude voir même en climatisation! Ce qui en termes d’usage la place au même rang que l’énergie solaire; alors qu’elle ne soit vraiment pas considérée comme son égale dans les législations cantonales. Et c’est bien là qu’est le problème! Certains diront qu’un panneau solaire thermique est plus simple et moins cher qu’une sonde géothermique qui nécessite un forage assez coûteux. Il ne s’agit pas de le nier… mais de voir l’ensemble du tableau. Car le sol bénéficie, lui, d’une température constante tout au long de l’année, quelles que soient les conditions climatiques. Energie et efficacité sont donc assurées au fil des mois et à n’importe quel moment de la journée. En outre, si les forages coûtent cher, d’autres solutions existent!

Depuis deux décennies maintenant, nous développons à l’EPFL des moyens de rendre nos bâtiments autonomes pour leurs besoins quotidiens en chauffage, en eau chaude et en climatisation, à l’aide de solutions durables, performantes et peu onéreuses. Utiliser les constructions souterraines, à savoir les fondations de nos bâtiments, leurs parkings, nos gares, voire même nos métros pour tirer l’énergie thermique du sous-sol, voilà les technologies disponibles aujourd’hui grâce aux géostructures énergétiques dont nous préconisons l’utilisation à grande échelle dans toutes les nouvelles constructions.

Alors du solaire oui, mais aussi de la géothermie! Surtout que ces deux énergies combinées améliorent encore davantage le système: rendements augmentés, chaleur stockée dans le terrain et durabilité assurée.

La géothermie de surface, et notamment ces géostructures énergétiques, ne sont pas la solution à tous nos problèmes, mais presque! Construire durable, c’est surtout construire mieux. Que ce soit en termes d’étalement urbain, d’efficacité énergétique ou d’émissions de gaz à effet de serre, le sous-sol suisse nous réserve bien des surprises. Alors pourquoi tant de mutisme et de favoritisme?

* Directeur de la Section de Génie Civil, EPFL