Pour des fibres optiques toujours plus performantes

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En utilisant un programme informatique qui imite la manière dont le cerveau humain apprend à identifier les objets, des scientifiques de l'EPFL ont réussi à reconstruire une image dégradée par son voyage dans une fibre optique.

Des chercheurs de la Faculté des Schiences et Techniques de l'Ingénieur de l'EPFL ont entraîné un algorithme d'apprentissage automatique à reconstruire des images devenues floues lors de leur voyage à travers une fibre optique. Ce travail pourrait accroître la quantité d'informations transmises par les réseaux de télécommunications, améliorer l'imagerie endoscopique utilisée dans les diagnostics médicaux, ou encore augmenter la capacité et la qualité des fibres optiques.

«Nous utilisons des architectures modernes de réseaux neuronaux profonds pour reconstituer les images à partir de l’image brouillée obtenue à la sortie de la fibre», explique Demetri Psaltis, responsable du Laboratoire d'optique, qui a dirigé la recherche en collaboration avec son collègue Christophe Moser, du Laboratoire de dispositifs photoniques appliqués. «Nous démontrons que cela est possible même avec des fibres d'un kilomètre de long», a-t-il ajouté, qualifiant ce travail d'étape importante. Leur recherche est publiée dans le journal Optica.

Déchiffrer le flou

Les fibres optiques ont longtemps été utilisées pour transmettre de l'information par la lumière. Les fibres multimodes possèdent une capacité de transport de l'information beaucoup plus grande que les fibres monomodes. Leurs nombreux canaux – dits «modes spatiaux» parce qu'ils ont des formes spatiales différentes – peuvent transmettre plusieurs flux d'information simultanément.

Ces fibres sont bien adaptées pour transporter des signaux fondés sur la lumière, mais on n'a jamais réussi, jusqu'ici, à les utiliser pour transmettre des images sur de longues distances. Le problème : comme l’image voyage à travers tous les canaux de la fibre, ce qui apparaît à l'autre bout de la fibre est un motif fait de petites taches que l’œil humain est incapable de décoder.

Pour s’attaquer à ce problème, Demetri Psaltis et son équipe ont utilisé un réseau neuronal profond, un type d'algorithme d'apprentissage automatique. Les réseaux neuronaux profonds peuvent conférer à l'ordinateur la capacité d'identifier des objets dans des photographies. Ils ont également permis d'améliorer les systèmes de reconnaissance vocale de Google par exemple. Le design de ces algorithmes s'inspire de la manière dont les neurones transmettent l'information dans le cerveau humain. L'input est traité au travers de plusieurs «couches cachées» de neurones artificiels, dont chacun effectue un petit calcul et passe le résultat aux neurones de la couche suivante.

Notre cerveau développe des modèles mentaux d'objets en étant exposé à de nombreux exemples différents, de sorte que quand nous rencontrons un type d'arbre nouveau, par exemple, nous sommes capables de l'identifier comme un arbre plutôt que comme un poteau téléphonique ou un buisson. De la même manière, lorsqu'un réseau neuronal profond est exposé à un ensemble suffisamment grand de données d'apprentissage, la machine apprend à identifier l'input en reconnaissant les formes associées dans l'output.

Légende: Un motif de petites taches issu d'une image transmise par une fibre multimode passe à travers les couches cachées d'un réseau neuronal profond, et apparaît comme le chiffre 3. /Demetri Psaltis, EPFL

Une méthode simple

Navid Borhani, un scientifique qui a participé à la recherche, indique que cette méthode d'apprentissage automatique est bien plus simple que d'autres tentatives visant à reconstruire les images passées à travers les fibres optiques, qui exigent d'effectuer une mesure holographique de l'output. Le réseau neuronal profond a réussi à gérer les distorsions provoquées par les perturbations environnementales lors du passage du signal dans la fibre. Par exemple, des fluctuations aléatoires de la température le long de la fibre, et des mouvements provoqués par des courants d'air qui peuvent ajouter du bruit à l'image. Des perturbations qui augmentent, au fur et à mesure que le signal doit se déplacer.

«On s'attend à ce que la remarquable capacité des réseaux neuronaux profonds à récupérer l'information transmise par des fibres multimodes bénéficie à des procédures médicales telles que l'endoscopie, et aux applications dans le domaine des communications», explique Demetri Psaltis. Dans les télécommunications, les signaux doivent souvent parcourir de nombreux kilomètres de fibre optique et peuvent subir des distorsions, que cette méthode pourrait corriger. Les médecins pourraient recourir à des sondes à fibre ultrafines pour recueillir des images des voies anatomiques et des artères dans le corps humain, sans devoir recourir à des enregistreurs holographiques complexes, ni s'inquiéter de mouvements inopinés.

«De très légers mouvements causés par la respiration ou la circulation peuvent déformer les images transmises par une fibre multimode, continue le scientifique. Les réseaux neuronaux profonds constituent une solution prometteuse pour gérer ce bruit.»

Le professeur Psaltis et son équipe projettent d’expérimenter cette technique avec des échantillons de tissus biologiques. Ils espèrent conduire une série d'études en utilisant différentes catégories d'images, pour se faire une idée de toutes les possibilités et des limites de leur technique.

Financement

This project was partially conducted with the support of the Swiss program: CEPF SFA, CERAMIC X.0: Highprecision micro-manufacturing of ceramics and the Bertarelli Program in Translational Neuroscience and Neuroengineering (10271).

Références

N. Borhani, E. Kakkava, C. Moser, D. Psaltis, “Learning to see through multimode fibers”, Optica.



Images à télécharger

Un motif de petites taches apparaît comme le chiffre 3 © Demetri Psaltis, EPFL
Un motif de petites taches apparaît comme le chiffre 3 © Demetri Psaltis, EPFL

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