Pinces optiques résonantes dans des cavités à cristaux photoniques
Des chercheurs de l’EPFL ont réalisé un piégeage optique de particules sub-microniques dont la puissance optique requise pour engendrer le champ optique responsable du piégeage est réduite à une valeur sans précédents. Le phénomène de piégeage est également accompagné d’effets de rétroaction sur la pince optique qui provient de l’interaction mutuelle entre la position de la particule piégée et le champ optique de la cavité piège.
Les pinces optiques sont des instruments scientifiques utilisés pour contrôler et déplacer des microparticules. Elles ont été inventées dans les années 1970 et inspirèrent les idées qui furent couronnées par un prix Nobel en 1997 pour le refroidissement et le piégeage optique. Cette technique utilise les forces de rappel engendrées sur une particule de petite taille par une configuration soigneusement conçue des variations spatiales de l’intensité d’un flux lumineux fortement focalisé. Les pinces optiques sont devenues des outils très répandus pour manipuler des particules non chargées dont la taille varie de quelques centaines de nanomètres à quelques micromètres mais jusqu’à présent elles sont d’un usage limité pour le piégeage de particules plus petites que 100 nanomètres à cause des très fortes variations spatiales de l’intensité optique requises à cette échelle. De plus elles deviennent des instruments complexes et encombrants qui n’offrent qu’une faible, voire aucune, sélectivité de la particule piégée en regard de ses formes, dimensions ou indice de réfraction.
De multiples approches ont étés proposées pour dépasser ces limites, la plupart d’entre elles exploitent les gradients de champ optique qui sont présents au voisinage de structures guidant la lumière tels que des guides d’ondes intégrés, des microcavités optiques, des guides rubans ou bien des structures plasmoniques. Ces approches sont limitées du fait de la très grande puissance optique requise et pour l’essentiel ne permettent un confinement que dans une ou deux dimensions.
Dans un article récemment publié dans Physical Review Letter, le groupe du Prof. R. Houdré au Laboratoire d'optoélectronique quantique (LOEQ) a présenté la première réalisation expérimentale de l’intégration d’une cavité optique creuse qui piège sélectivement des particules sub-micrométriques et ce avec une puissance optique réduite à une valeur sans précédents de moins de 100 microwatts. Ces nanocavités optiques sont conçues dans des structures dites à cristaux photoniques qui sont des matériaux diélectriques nano-structurés de manière périodique. Les pièges optiques sont ensuite intégrés dans un circuit microfluidique. La lumière est délivrée, par l’intermédiaire d’une structure guidante formée d’une ligne manquante de trous, à la cavité dans laquelle les fortes variations spatiales du champ engendrent les forces de piégeage.
Dans cette expérience démontrant le concept, le piégeage d’une particule a été étudié pour différentes longueurs d’onde et puissances lumineuses. Les chercheurs ont démontré que la perturbation induite sur le mode résonant de la cavité par la particule piégée engendrait un notable décalage de la longueur d’onde de résonance. La dynamique de ces changements de fréquences est liée au mouvement Brownien de la particule dans le piège. L’existence de deux régimes de piégeages a été découverte. Alors qu’un de ces régimes est, dans son principe, comparable au fonctionnement d’une pince optique usuelle, le second a ceci de très particulier que le champ optique engendrant les force de rappel n’est présent que lorsque la particule est déplacée vers l’extérieur du piège et ce champ disparaît lorsque la particule est positionnée au centre du piège.
Parmi les perspectives futures on peut mentionner l’intégration de telles structures à cavités cristaux photoniques creuses dans une plateforme microfluidique pour le tri et le piégeage d’une particule unique maintenue dans une orientation contrôlée à des fins d’analyses ou de spectroscopie, l’étude et la manipulation de microorganismes biologiques tels que de petites bactéries, des organites cellulaires ou des virus. Ces résultats représentent la première étape vers la manipulation de particules uniques de la taille d’un virus dans une puce compatible avec une technologie CMOS et requérant de très faible niveau de puissance optique, ce qui pourrait déboucher sur de nouvelles générations de composants dits de laboratoires sur puce utilisables directement sur les sites de soins.