Nouvel éclairage sur l'origine de la maladie de Parkinson

© 2020 iStock

© 2020 iStock

Dans une percée sur la maladie de Parkinson, des scientifiques de l’EPFL ont reconstruit le processus par lequel les corps de Lewy se forment dans le cerveau des patients. L’étude apporte un nouvel éclairage sur la manière dont la maladie de Parkinson débute et évolue et ouvre une série de nouveaux objectifs thérapeutiques potentiels.

Les cerveaux des patients atteints de la maladie de Parkinson comportent des structures caractéristiques distinctes appelées «corps de Lewy» d’après Friedrich Heinrich Lewy, qui rapporta le premier leur découverte en 1912. Plus d’une centaine d’années plus tard, des questions restent sans réponse à propos des corps de Lewy; nous ne savons pas en particulier comment ils commencent par se développer dans les neurones, de quoi ils se composent et en quoi ils contribuent à la naissance ou à la progression de la maladie.

Ce que nous savons des corps de Lewy, c’est qu’ils sont la marque distinctive de la maladie de Parkinson ainsi que d’affections apparentées appelées synucléinopathies. L’un de leurs principaux composants est l’alpha-synucléine, une protéine qui forme de longues fibrilles qui s’enchevêtrent et se propagent depuis le «cœur» du corps de Lewy.

L’alpha-synucléine et les corps de Lewy sont donc apparus comme des cibles privilégiées pour le développement de thérapies et de moyens diagnostiques pour la maladie de Parkinson et les affections apparentées.

Aujourd’hui, l’absence de modèles expérimentaux reproduisant tous les stades de la formation et du développement des corps de Lewy limite notre compréhension des divers processus impliqués dans la pathogénèse de la maladie de Parkinson. Les études sur les corps de Lewy humains n’offrent que des instantanés, étant donné qu’elles se fondent sur des tissus post-mortem de différents patients décédés à divers stades de la maladie et ne permettent dès lors pas de déterminer le mode de formation des fibrilles d’alpha-synucléine, pas plus que leur rôle dans la formation des corps de Lewy.

Dans un nouvel article publié dans PNAS, des chercheurs de l’Institut Brain Mind de l’EPFL ont réalisé la première étude ayant pour but de cerner le développement – du début à la fin – des corps de Lewy à partir d’alpha-synucléine. Cette étude de grande ampleur menée par le groupe de Hilal Lashuel à l’EPFL fournit un nouvel éclairage sur la composition et les mécanismes de la formation des corps de Lewy et montre que le processus de la formation des corps de Lewy, contrairement à la simple fibrillation, est l’un des principaux moteurs de la neurodégénération.

Les chercheurs ont commencé par induire la formation de fibrilles par l’alpha-synucléine dans des neurones primaires de culture. Pour ce faire, ils ont d’abord «ensemencé» les cellules avec une petite quantité de fibrilles d’alpha-synucléine, qui ont ensuite commencé à croître par recrutement de l’alpha-synucléine endogène. «Cette approche s’est révélée incroyablement utile pour modéliser la formation des agglomérats d’alpha-synucléine dans le cadre de maladies telles que celle de Parkinson», déclare Hilal Lashuel.

Une fois l’ensemencement accompli, les chercheurs ont étudié les cellules au-delà de la date limite habituelle de deux semaines, qui semble trop proche pour pouvoir observer les corps de Lewy classiques, tels qu’on les observe dans les cerveaux des patients atteints de la maladie de Parkinson. En collaboration avec des scientifiques des laboratoires de l’EPFL, ils ont disséqué le processus de formation des corps de Lewy et montré que quelques jours supplémentaires seraient suffisants pour voir les fibrilles d’alpha-synucléine s’agglomérer et, in fine, former des structures ayant l’apparence des corps de Lewy.

«Tout ce qu’il nous a fallu, c’est du temps, de la patience et une approche analytique de type couteau suisse», déclare Hilal Lashuel. Anne-Laure Mahul-Mellier, scientifique chevronnée en charge de l’étude, de poursuivre: «Cela nous a amenés à nous concentrer sur l’investigation des conditions nécessaires à la transition des fibrilles filamenteux vers les corps de Lewy.»

Et ils avaient raison: à près de trois semaines, les structures ont commencé à apparaître, similaires en tous points aux corps de Lewy. La question était à présent de savoir s’il s’agissait réellement de corps de Lewy.


Image: modèle cellulaire de la formation du corps de Lewy

Les chercheurs ont ensuite eu recours à la protéomique pour analyser leurs structures cultivées en laboratoire et rechercher des «signatures biomoléculaires» trouvées dans les corps de Lewy proprement dits tirés de tissus du cerveau humain. L’analyse a révélé que les structures élaborées en laboratoire partageaient 15 à 20% de leur contenu protéique avec les corps de Lewy «naturels». Comme les corps de Lewy cultivés in vitro se développent plus lentement que ceux d’un cerveau vivant, ce pourcentage peut être considéré comme élevé et tout à fait encourageant.

Enfin, les chercheurs se sont employés à cerner l’étape de la formation des corps de Lewy qui pourrait être le principal moteur de la neurodégénération observée dans la maladie de Parkinson. À cette fin, ils ont eu recours à la microscopie électronique corrélative, utilisée pour visualiser les processus de formation des fibrilles d’alpha-synucléine et la transition des fibrilles vers les corps de Lewy à différentes échelles. Les images ont révélé une cascade de processus qui déclenchent la séquestration d’organelles cellulaires clés au sein de la structure des corps de Lewy, laquelle conduit à son tour à de graves anomalies mitochondriales ainsi qu’à d’autres dysfonctionnements neuronaux et, in fine, à la mort des neurones. «Nos données indiquent que l’accumulation de fibrilles dans les neurones n’est pas suffisante pour causer la neurodégénération et que le plus gros du dommage est causé durant la transition des fibrilles vers les corps de Lewy», indique le Dr Mahul-Mellier.

Hilal Lashuel ajoute: «De manière générale, nos résultats concordent avec les récentes découvertes faites sur les corps de Lewy dans les cerveaux atteints de la maladie de Parkinson. Mais si les études précédentes ne fournissaient que des instantanés de l’évolution des fibrilles, notre modèle est capable de reconstruire tout le processus de formation des corps de Lewy, ce qui en fait une puissante plateforme pour élucider la relation entre la fibrillation et la neurodégénération dans la maladie de Parkinson et d’autres affections et tenter d’identifier de nouvelles thérapies susceptibles de modifier le cours de la maladie.»

Autres contributeurs

Plateforme technologique de microscopie bioélectronique de l’EPFL

Plateforme technologique de criblage biomoléculaire de l’EPFL

Plateforme technologique de protéomique de l’EPFL

Plateforme technologique de bio-imagerie et d’optique de l’EPFL

Plateforme d’expression génétique de l’EPFL

Financement

EPFL

UCB

Références

The process of Lewy body formation, rather than simply α-synuclein fibrillization, is one of the major drivers of neurodegeneration. Anne-Laure Mahul-Mellier, Johannes Burtscher, Niran Maharjan, Laura Weerens, Marie Croisier, Fabien Kuttler, Marion Leleu, Graham W. Knott, and Hilal A. Lashuel. Proc Natl Acad Sci USA, first published February 19, 2020. https://doi.org/10.1073/pnas.1913904117