«Notre mission: inciter les étudiants à prendre leur crayon!»

L'équipe du laboratoire des arts pour les sciences © Alain Herzog 2020 EPFL (image prise avant l'obligation de porter le masque)

L'équipe du laboratoire des arts pour les sciences © Alain Herzog 2020 EPFL (image prise avant l'obligation de porter le masque)

L’équipe pédagogique du Laboratoire des arts pour les sciences (LAPIS) a reçu le prix du meilleur enseignement pour la section d’architecture. Aujourd’hui, rencontre avec sa collaboratrice scientifique, chargée de cours, Paule Soubeyrand et ses collaborateurs.

Paule Soubeyrand a vu son travail pédagogique récompensé vingt-six ans après ses premiers pas à l’EPFL. Co-lauréate du prix du meilleur enseignement de section, elle n’avait jusqu'alors jamais entendu parler de ce prix. Si toute l’équipe du LAPIS se partage cette belle surprise, ses membres – dont deux sont nouveaux cette année – plébiscitent unanimement la chargée de cours «pour tout ce qu’elle a mis en place.» «Paule Soubeyrand a construit son enseignement comme un tissu très serré», résume Emy Amstein, son fidèle collaborateur depuis quinze ans.

L’équipe de Paule Soubeyrand, composée de sept architectes et un graphiste, exerçant leur métier parallèlement à l’enseignement, est unie et dévouée envers leur responsable. Répartis en binômes mixtes en genre et en ancienneté, les enseignants ont un plaisir évident dans cette collaboration : «Le contenu du cours est la clé de la réussite. Paule et Emy l’ont très bien ficelé. Nous devons juste nous concentrer sur la meilleure manière de le restituer pour être tout de suite efficaces. L’équipe a un grand sens de la coopération, c’est extraordinaire et facile de travailler ensemble», s’enthousiasment Victoire Paternault et Luis Perrier. «Les petites classes favorisent la créativité, les élèves peuvent s’exprimer librement», glisse Loïc Jacot-Guillarmod. Bérénice Pinon ajoute : «La précision du contenu du cours passe par une documentation extraordinaire. Les tandems sont aussi l’occasion d’une préparation plus informelle dans les échanges avec les étudiants. C’est un format qui fonctionne très bien, et ça se voit dans le travail fourni.»

Expérimenter en premier lieu

Le volume de travail, justement, est énorme : au moins dix exercices – expression, géométrie, projection, etc. – sont au programme d’un seul semestre. Ce qui permet à chaque élève de trouver le domaine où il est le plus à l’aise. Le fil conducteur reste le dessin, l’outil d’expression absolu. Que ce soit avec un doigt dans le sable – sa conception la plus épurée – ou d’autres supports.

L’enseignement doit commencer par le dessin manuel, qui passe par le cerveau et traverse la main : certains élèves ne se rendent pas compte que l’on peut réaliser à la main tout ce qui est fait à l’ordinateur

Emy Amstein, chargé de cours et assistant au LAPIS

On imagine les étudiants-artistes toujours un bloc et un crayon à la main prêts à griffonner. Que nenni ! «Un grand nombre d’entre eux arrive sans papier ni crayon», affirme Victoria Paternault. Comment est-ce possible ? «Les élèves sont de moins en moins à l’aise avec les outils non numériques. L’activité de dessiner, qui devrait être instinctive, commune, devient insurmontable pour eux. Certains ont même peur de ne pas réussir un dessin du premier coup», affirme-t-elle. Delphine Passaquay et Paule Soubeyrand renchérissent : «En dessinant principalement de façon numérique, les élèves n’arrivent pas à se représenter la main dans l’espace. Ils n’ont plus ce rapport à la matière qu’est le crayon en action sur le papier, et ce, depuis que cette activité est remplacée chez les enfants par le numérique notamment à travers les tablettes. C’est une évolution dont on ne voit pas encore les conséquences.» Facétieuse mais sérieuse, Bérénice Pinon résume leur mission d’enseignement à «’décoincer’ les étudiants du crayon», pour les inciter à expérimenter.

Une récompense lumineuse

Haro sur le numérique au profit du manuel ? Certainement pas. Paule Soubeyrand considère les deux comme une richesse. «Nous avons le réflexe d’opposer l’outil digital à l’outil manuel. Or cela fait 30 ans que nous dessinons à l’ordinateur ! Il faut plutôt voir ce dernier comme une prolongation des outils du dessin manuel. Les logiciels sont construits autour des concepts fondamentaux que sont les traits et les surfaces», tempère Emy Amstein. «Mais l’enseignement doit commencer par le dessin manuel, qui passe par le cerveau et traverse la main : certains élèves ne se rendent pas compte que l’on peut réaliser à la main tout ce qui est fait à l’ordinateur.» Ce processus d’apprentissage prend du temps, même avec les méthodologies et les outils pour l’accélérer. «C’est comme monter un grand escalier marche après marche», illustre Luis Perrier.

Ce qui anime cette équipe d’enseignants ? «Pour moi, c’est surtout le contact avec les étudiants, ces échanges m’apportent beaucoup», confie Julia Magnin, dernière recrue du LAPIS. Delphine Passaquay confirme : «L’interaction avec d’autres personnes est très agréable, cela donne un bon équilibre. Le partage de l’enseignement, trouver différentes thématiques, enrichit ma manière de transmettre la discipline.» Et la récompense vient en voyant la lumière dans les yeux des étudiants quand leurs idées prennent vie au travers du dessin.