Moins de CO2, en amont comme en aval

Clara Grandry effectue son projet de master au sein de l’entreprise Tetra Pak. © Alain Herzog/EPFL

Clara Grandry effectue son projet de master au sein de l’entreprise Tetra Pak. © Alain Herzog/EPFL

Série d’été - Projet de master (1). Pour son projet de master, Clara Grandry effectue un stage dans l’entreprise Tetra Pak, leader mondial des solutions de process et d’emballages pour l’alimentaire. Au sein de la fonction Gestion de la chaine d’approvisionnement, elle travaille sur la réduction des émissions indirectes de CO2, chez les fournisseurs.

Commencer un bachelor en sciences de la vie pour finir un master spécialisé en gestion de la chaine d’approvisionnement n’est pas forcément un parcours attendu. À l’EPFL, c’est possible et c’est le chemin qu’a suivi Clara Grandry. Un fort intérêt pour les questions environnementales, de la curiosité, un « concours de circonstances » expliquent ce choix qui n’a rien d’irrationnel. Et pour terminer en beauté ce cursus au Collège du management de la technologie, elle aborde un sujet brûlant et de plus en plus tendance pour son projet de master : les émissions indirectes de gaz à effet de serre d’une organisation.

En effet, pour se conformer au standard international du Protocol GHG (greenhouse gases), il faut travailler à réduire ses émissions dans trois catégories (voir ci-dessous). « Quand on commence à regarder le scope 1 et le scope 2, la responsabilité se trouve vraiment au cœur de l’entreprise. Mais quand on se penche sur le scope 3, toute la chaine de valeur et d’approvisionnement apparaît. Cela n’aurait pas de sens de ne se limiter qu’aux deux premiers », poursuit Clara. L’étudiante se confronte actuellement à la réalité en effectuant un stage de 6 mois au siège lausannois de l’entreprise d’emballages de produits alimentaires Tetra Pak. Le scope 3 chez Tetra Pak représente 97% des émissions de l’entreprise. La firme suisso-suédoise a en effet affiché l’ambition de réduire de 50% ses émissions de scope 1, 2 et 3 d’ici à 2030. Elle peut se baser sur une précédente réduction de près de 20% entre 2010 et 2019 !

Sous la supervision de sa manager Anke Hampel, Clara travaille sur la chaine d’approvisionnement. Ça pourrait paraître simple quand on sait que pour mettre en brique le lait, le thé froid ou le jus de pommes, Tetra Pak utilise essentiellement du carton, du plastique et parfois de l’aluminium. « C’est impressionnant de voir l’ampleur et la complexité de la tâche, corrige l’étudiante. C’est une véritable cascade, car les fournisseurs de Tetra Pak ont eux-mêmes leurs fournisseurs. En outre, c’est un domaine très nouveau, donc il n’y a pas toujours de données et celles-ci ne sont pas toujours de bonne qualité. Je travaille beaucoup avec l’expert en analyse du cycle de vie pour aider les fournisseurs à préciser ce qu’ils incluent ou devraient inclure. »

Un domaine tout nouveau

Concrètement, l’étudiante a épluché les rapports des fournisseurs et tenté de catégoriser les fournisseurs en fonction des défis rencontrés. Elle a également contribué à modéliser la courbe de réduction des émissions de maintenant à 2029, année par année. Outre l’intérêt académique et industriel de ce travail, Clara a découvert tout l’aspect humain et stratégique de la problématique. « Par exemple, les fournisseurs de plastique, donc l’industrie pétrolière, se montrent sur la défensive pour aborder ces questions et très réticents à partager leurs données. Le but de Tetra Pak est évidemment de se passer à terme de plastique. » Au-delà des émissions de CO2, l’étudiante travaille sur la mise en place d’un cadre pour mesurer la durabilité en termes d’impact environnemental de manière plus large. Il vise à prendre en compte l’impact sur la biodiversité en mesurant l’utilisation et la pollution d’eau douce, et l’utilisation des sols, en amont de toute la chaîne de production.

Si l’on comprend aisément l’intérêt de Clara pour ce genre de défi, reste à savoir comment elle est passée des sciences de la vie au management. « Après SV, il me semble qu’il y a deux filières : soit académique et travailler dans un labo, soit en entreprise dans la pharma ou le secteur biomédical. Or après mon stage de bachelor, j’ai réalisé que je n’avais pas du tout envie de travailler dans un labo, mais avant de partir pour une grosse compagnie, j’avais envie de mieux en comprendre le fonctionnement et les coulisses, d’où le choix de me tourner vers le management. Mon intérêt pour le développement durable a déterminé mon option en gestion de la chaine d’approvisionnement. » Travailler sur le scope 3 chez Tetra Pak est la cerise sur le gâteau. Bilan : « J’ai découvert qu’il n’y a pas grand-chose qui se passe comme on apprend en cours. Pour autant, dans ce domaine encore très nouveau, tout le monde tâtonne un peu, c’est complexe, et c’est fascinant. »

Un protocole, trois catégories
Le protocole GHG divise les émissions de gaz à effet de serre en trois grandes catégories :
- Le scope 1 ou les émissions directes de gaz à effet de serre provenant des sources détenues ou contrôlées par l’organisme. Par exemple, l’utilisation de gaz dans les usines.
- Le scope 2 ou les émissions à énergie indirectes qu’on décrit souvent comme les émissions « importées » souvent liées à l’électricité achetée.
- Le scope 3 ou les autres émissions indirectes non liées à l’énergie ou l’électricité. On y compte typiquement les achats de matières premières, le déplacement des salariés, mais aussi l’impact des équipements Tetra Pak dans les usines de ses clients. En général, ce scope 3 représente environ 80% des émissions des entreprises (hormis la construction). Typiquement, c’est le principal problème des constructeurs de voitures : fabriquer une voiture est un peu polluant en soi, mais la production d’acier et d’aluminium est extrêmement polluante de même que l’utilisation de la voiture en aval.