MA Berclaz:«En cinq ans, l'EPFL Valais a dépassé toutes les attentes»

Marc-André Berclaz, directeur opérationnel de l'EPFL Valais, tire un bilan positif des cinq premières années de fonctionnement de l'institut académique à Sion.© 2019 Le Nouvelliste Sabine Papilloud

Marc-André Berclaz, directeur opérationnel de l'EPFL Valais, tire un bilan positif des cinq premières années de fonctionnement de l'institut académique à Sion.© 2019 Le Nouvelliste Sabine Papilloud

L’EPFL s’est installée il y a cinq ans à Sion. En peu de temps, l’antenne valaisanne de l’école polytechnique s’est construit une solide réputation en Suisse et à l’international. Son directeur opérationnel Marc-André Berclaz tire un premier bilan qui dépasse les attentes.

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Nous sommes le 19 décembre 2012. Une convention pour l’implantation de l’EPFL en Valais est signée, mue par la volonté du gouvernement cantonal de rapprocher l’économie, la recherche et l’innovation technologique. Elle fixe les apports attendus par le canton, la ville ainsi que le célèbre institut académique et prévoit deux grands domaines d’activité: l’énergie et l’environnement d’un côté, la santé et la bio-ingénierie de l’autre.

Le projet se concrétise deux ans plus tard avec la naissance de l’EPFL Valais Wallis et la création des premiers laboratoires de recherche. Aujourd’hui, au moment de fêter son cinquième anniversaire, l’antenne valaisanne de l’école polytechnique lausannoise, intégrée au projet Energypolis, bénéficie déjà d’une solide réputation en Suisse et à l’international. Son directeur opérationnel Marc-André Berclaz tire un premier bilan positif entre prospection et développement.

Cinq ans après l’implantation de l’antenne valaisanne de l’EPFL à Sion, peut-on affirmer que les résultats ont dépassé les espérances?

Oui largement, d’autant plus que nous n’avons pas encore tout mis en place. En ayant développé la moitié des projets prévus, nous pouvons déjà nous appuyer sur des retours supérieurs aux prévisions établies par le canton pour l’ensemble du projet. Dans la convention initiale, nous ciblions la création de 150 postes. Or, nous comptons aujourd’hui 226 collaborateurs, un chiffre qui se montera à 400 à fin 2021 avec l’ouverture d’Alpole, le nouveau centre de recherche de l’environnement alpin et polaire. Il existe une relation et une collaboration étroites avec les autorités de la ville qui nous ont permis d’avancer rapidement. Dans notre domaine, c’est important que les choses ne prennent pas des années.

Vous évoquez le lien du canton et de la ville avec votre institution académique, sans leur soutien financier (42,1 millions de francs sur un apport total de 118,4 millions), l’EPFL n’aurait jamais vu le jour en Valais?

Il est évident qu’il n’y aurait pas eu d’EPFL. Il faut comprendre que la Confédération paie deux écoles polytechniques à Zurich et à Lausanne, et ne subventionne donc pas les antennes. L’aide de l’Etat était donc inévitable. 

A contrario, quel a été l’apport de l’EPFL pour le Valais?

Premièrement, une superbe ouverture. Nous recensons 43 nationalités dans notre bâtiment. C’est un élément que l’on ne retrouve pas dans une HES. C’est un vent nouveau qui souffle dans la ville de Sion où on entend désormais souvent parler anglais.

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Plus concrètement, quelles sont les retombées économiques?

Si on se fie aux données de l’année 2018, l’EPFL a investi 22,34 millions de francs contre 7,64 millions de l’Etat du Valais pour l’exploitation du site. La proportionnalité est ainsi de l’ordre de 74% pour l’EPFL contre 26% pour le canton, alors qu’au départ il était convenu d’un pourcentage 55%-45%. Ce sont des sommes importantes qui sont dès lors investies dans l’économie locale. Il faut songer que 161 de nos collaborateurs habitent en Valais. Ceux-ci payent leur loyer, leurs impôts et vivent ici. On ne peut chiffrer concrètement les retombées, mais on peut évaluer que pour un franc investi par le canton, celui-ci s’assure une retombée supérieure à ce franc. A moyen terme, c’est grâce aux start-up, aux collaborations avec les entreprises ou l’organisation de congrès que l’apport va augmenter.

En ayant développé la moitié des projets prévus, nous pouvons déjà nous appuyer sur des retours supérieurs aux prévisions établies par le canton pour l’ensemble du projet.
Marc-André Berclaz, directeur opérationnel de l’EPFL Valais Wallis

Certaines critiques émises estiment que l’EPFL ne se concentre que sur Sion et oublie le reste du canton.

N’oublions pas que c’est déjà extraordinaire que l’EPFL a choisi de se décentraliser en Valais. Après, il devient compliqué de décentraliser une décentralisation. L’implantation de l’EPFL doit se trouver dans un lieu unique. Pour qu’il y ait de l’intérêt et de l’enjeu, le projet doit pouvoir perdurer dans le temps et s’appuyer sur une certaine masse critique. Mais nous avons des activités dans différents lieux et les entreprises avec lesquelles nous travaillons viennent de partout. Notre objectif est d’ailleurs de travailler avec les sociétés régionales. Et celles que nous créons ont la possibilité de s’installer à Viège, à Martigny et où elles le souhaitent, là où elles trouveront un écosystème favorable.

L’EPFL a récemment développé des chaires dans toute la Suisse romande, toutefois c’est en Valais qu’elle semble y trouver l’un des terreaux les plus fertiles?

Le principal intérêt réside dans la complémentarité avec la HES-SO. Ici, il n’y a pas de risque de concurrencer une institution déjà établie qui pourrait se sentir menacée. Il existe une réelle volonté de trouver une chaîne de valeurs depuis la recherche fondamentale jusqu’au transfert de technologie dans l’entreprise.

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Peut-on affirmer aujourd’hui que Sion et le Valais bénéficient d’une véritable image scientifique et académique?

Cette image a certainement été renforcée. La marque EPFL, qui est connue internationalement, a donné davantage de force à une réalité qui existait déjà grâce à la HES-SO. Cette présence démontre aussi que nous n’habitons pas non plus un lieu reculé du monde. Oui, on a le téléphone, l’électricité. Le Valais est technologique, moderne et dynamique à tous les niveaux.

L’EPFL a notamment été élu 2e établissement mondial (sur 500) dans le domaine des sciences de l’énergie et de l’ingénierie, un domaine de recherche très actif ici à Sion. Ce résultat met en valeur le travail réalisé sur votre site.

Nos professeurs publient énormément et nombreux sont ceux qui possèdent une reconnaissance internationale dans leur champ d’activité. Nous sommes bien positionnés. Mais les chercheurs viennent ici car le lieu est associé au nom de l’EPFL, et non parce que nous nous trouvons à Sion ou à Lausanne. Il existe ensuite de belles possibilités en Valais, qui est un terrain de jeu idéal dans un environnement où l’énergie, la chimie et l’environnement sont liés.

On ne peut chiffrer concrètement les retombées, mais on peut évaluer que pour un franc investi par le canton, celui-ci s’assure une retombée supérieure à ce franc.
Marc-André Berclaz, directeur opérationnel de l’EPFL Valais Wallis

Combien de start-up ont été créées ici à Energypolis?

On en sort deux ou trois par année. Leur but est d’être en lien avec les entreprises locales et qu’elles puissent rester en Valais. Le défi est important et ce n’est pas un objectif en soi de sortir un grand nombre de start-up. Par exemple, le domaine de la chimie demande beaucoup de capitaux: cela représente des centaines de milliers, voire des millions de francs pour les amener à des niveaux industriels fonctionnels.

L’un de vos souhaits au moment où l’antenne de l’EPFL a vu le jour en Valais était l’implantation de grandes entreprises dans la région. Or, aujourd’hui, nous sommes encore loin de ce stade.

Cette phase concerne la création du Swiss Innovation Park dont l’idée est de développer, sur l’ensemble de la Romandie, un réseau d’innovation au sein duquel le Valais sera engagé pour l’énergie. Mais pour le moment, nous n’avons rien construit, même si nous travaillons dur avec le canton pour réaliser rapidement une première étape et accueillir des entreprises. Toutefois, pour cela il faut un lieu (voir encadré).

En évoquant les grandes entreprises de la région, peut-on envisager des synergies avec la Lonza qui envisage d’investir un milliard à Viège?

On l’espère. Il existe déjà des liens importants entre la Lonza et l’EPFL Lausanne où sont étudiées la biotechnologie et la pharmaceutique. La proximité avec Viège va naturellement créer des possibilités et des réflexions existent. Mais à court terme, les besoins de la Lonza sont plus proches des labos à Lausanne et de ce que produit la HES-SO par rapport à nos domaines de recherche.

La présence de l’EPFL démontre aussi que nous n’habitons pas non plus un lieu reculé du monde. Le Valais est technologique, moderne et dynamique à tous les niveaux.
Marc-André Berclaz, directeur opérationnel de l’EPFL Valais Wallis

Quel est votre potentiel de développement?

Avec la création d’Alpole sur l’ancien site d’impression du «Nouvelliste», nous allons pouvoir accueillir entre 160 et 200 collaborateurs supplémentaires. Nous allons également profiter, avec la HES, de 1000 m2 dans le nouveau bâtiment de l’hôpital où nous pourrons accueillir entre 30 et 40 personnes contre les 15 que nous comptons dans nos locaux là-bas. Après, si nous voulons aller plus loin, le projet doit évoluer. Avec 400 collaborateurs en 2021, l’EPFL Valais pourra compter sur une belle masse critique qui lui garantira son existence.

Peut-on imaginer que de nouveaux centres de recherche soient créés à Sion dans un futur plus ou moins proche?

Des développements pourraient être envisagés notamment dans la partie pure de la biotechnologie que l’on a peu explorée jusqu’à maintenant pour des raisons de possibilités et à cause d’un manque de professeurs. Une collaboration avec la Lonza, on y revient, le permettra peut-être. Dans le domaine scientifique tout va très vite. A l’origine, nous n’avions pas projeté d’avoir un institut polaire et celui-ci s’implantera à Alpole. 

Pour terminer, quels sont les motifs de fierté de ces cinq premières années de fonctionnement de l’EPFL Valais?

Nos jeunes professeurs, par la crédibilité de leurs travaux, sont reconnus et récompensés en Suisse et à l’international. Chacun d’eux a développé des choses et s’est construit une notoriété ici en Valais. Aujourd’hui, on parle beaucoup des cellules de perovskite, nous sommes très avancés dans le domaine de l’hydrogène pour la mobilité électrique du futur, nos équipes ont développé des travaux en lien avec la dépollution. Sans oublier que récemment l’une de nos start-up (DePoly) a remporté le concours Venture, qui récompense la start-up suisse la plus innovante du pays. Finalement, c’est l’ensemble du projet qui fait plaisir.

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EPFL Valais Wallis: une «success story» depuis cinq ans

Ils étaient un peu plus de 400 convives mardi matin à s’être amassés dans l’une des ailes de l’ancien site d’impression du «Nouvelliste» pour célébrer les cinq ans de l’EPFL Valais Wallis. Le choix du lieu n’était pas anodin puisqu’il accueillera, dès fin 2021, le nouveau centre de recherche Alpole consacré à l’étude de l’environnement alpin et polaire. «Le projet de l’EPFL a changé le visage de tout un canton. Le Vieux-Pays a su saisir les opportunités de la transition technologique et numérique pour devenir innovant en termes d’industrie et de recherche», a lancé en préambule Roberto Schmidt, président du Gouvernement valaisan.

Pour Martin Vetterli, président de l’EPFL, l’implantation de l’antenne en Valais ressemble à une «success story». «Nos attentes ont été dépassées. Nous avons davantage de chaires et d’employés qu’imaginés au départ, sans oublier les succès rencontrés dans nos différents domaines de recherche comme le démontrent les diverses publications et récompenses.» Le développement du site va se poursuivre ces prochains mois. «Nous entrons dans la seconde phase de l’implantation de l’EPFL», lance le conseiller d’Etat Christophe Darbellay, président de la délégation du Gouvernement au campus Energypolis. «Non seulement avec Alpole, mais également avec la construction du premier bâtiment dédié au Swiss Innovation Parc.» Un édifice qui devrait voir le jour à proximité de Alpole.