Les nappes souterraines lémaniques sous l'œil des hydrogéologues

© 2011 creative commons Wikipédia

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La sécheresse, entre autre, pourrait-elle menacer nos ressources en eau potable ? Le canton de Vaud a mandaté un laboratoire de l’EPFL pour dresser une carte géologique de la protection et des ressources en eau.

Un automne enneigé certes, mais un hiver sec, un printemps sans précipitations et la fonte des neiges précoce ont eu des répercussions importantes sur les nappes souterraines et pourraient, par la même occasion, en avoir sur notre approvisionnement en eau potable. Selon MétéoSuisse, le déficit de précipitations est le deuxième plus important depuis 1864, début de la période de mesure.

Le professeur Aurèle Parriaux du Laboratoire de géologie de l'ingénieur et de l'environnement) GEOLEP ne s’inquiète pas outre mesure pour les collectivités qui ont un pompage au lac, « le lac Léman est le deuxième plus grand réservoir d’eau potable d’Europe avec le lac Baïkal, nous avons suffisamment de ressources, en revanche c’est une solution d’appoint onéreuse, car l’eau doit être puisée, filtrée avant d’être distribuée et consommée. » Pour celles qui exploitent uniquement des eaux souterraines, la chose sera certainement plus délicate. Le professeur conseille plusieurs communes de la région sur la gestion optimale de leurs réserves d’eau souterraines. « Une des particularités en Suisse c’est que nous utilisons les nappes souterraines de manière renouvelable et cela depuis des dizaines d’années. On crée le creux, c’est-à-dire que l’on prélève un certain pourcentage d’eau, puis on laisse les nappes se recharger en période de faible consommation.»


La nappe du "Morand"

Le bassin Lémanique compte une vingtaine de grandes nappes souterraines de quelques km2 et qui alimentent entre 10 et 20 mille habitants chacune. Ce sont des nappes situées généralement à une dizaine de mètres de profondeur, solides et stables, qui réagissent peu aux précipitations et à la sécheresse. La nappe du Morand fait partie de celles-là. La source a été achetée dans les années 30 par la commune de Morges. Elle est située dans le bois de Morges, au pied de Montricher. Depuis plus de 80 ans, elle alimente tous les ménages de la commune ainsi que les villages avoisinants à raison de près de 7000 litres par minute. Début mai 2011 déjà, son niveau est exceptionnellement bas. Il correspond aux données enregistrées aux mois de juin en 2003, année caniculaire, et 2010, particulièrement sèche. L’expertise du professeur Parriaux a été demandée : « Cette fonction de tarissement est anormale, elle commence deux mois trop tôt. On risque d’atteindre des niveaux très bas cet été. Dans des cas très critiques, on peut être contraint d'envisager des solutions drastiques comme la creuse d'urgence de nouveaux puits implantés dans des parties de la nappe qui présentent encore une réserve importante. »

Ce ne serait pas la première fois que Aurèle Parriaux aurait à proposer cette issue. Il y a une vingtaine d'années, la vallée de Joux avait dû faire face coup sur coup à deux catastrophes écologiques. La source du Brassus avait été contaminée par du purin quelques jours avant qu’un accident de locomotive, au bord du lac Brenet, ne mette hors service le puits d'eau potable à cause des infiltrations d’huile dans le sol. Les puits d’urgence avaient permis de fournir de l’eau potable aux habitants.

Réservoirs naturels

Les ressources en eau doivent être connues et préservées: «Ces réservoirs naturels ont des inerties très différentes. Les nappes profondes comme celles du delta de l’Aubonne vont peu souffrir en raison de leur grande épaisseur. En revanche je sais que certaines nappes au pied du Jura sont déjà sinistrées» explique le professeur. Et qui dit nappes vides dit rivières en difficulté car ce sont elles qui les alimentent quand il ne pleut pas. Les étiages de la Venoge, par exemple, sont trop importants, certains tronçons se sont taris. La commune de Morges effectue des prélèvements dans sa nappe du Morand pour les déverser dans la rivière et soutenir ainsi les étiages sur le Veyron. Il en va de la préservation de l’écosystème. Dans cet esprit de protection le canton de Vaud a mandaté l’équipe du professeur Parriaux pour dresser une carte hydrogéologique de son territoire. « Nous avons utilisé un modèle mathématique et logique qui traduit les connaissances géologiques en paramètres de ressources en eau, comme la perméabilité ou l’épaisseur des nappes souterraines. Cela nous permet de cartographier de nouvelles nappes souterraines. Elles se forment dans des sites où le matériau géologique est perméable tels que les alluvions graveleuses déposées après la période glaciaire ou dans les rochers calcaires.» Car les besoins en eau augmentent et pour y répondre il faut prospecter et creuser bien plus profond cette fois. Au pied du Jura, on vient de forer un puits de 200 mètres. « Cette année est une année critique, c’est certain, les averses ou les orages ne pourront rien pour les nappes car l’eau restera en surface. Pour que cela s’améliore, on ne peut souhaiter qu’une chose : un été pourri ! »