Les enjeux du cahier de laboratoire (électronique?)

© 2014 EPFL

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En quelques dizaines d’années, le quotidien du chercheur s’est profondément modifié. Grâce à l’avènement du tout technologique, l’ordinateur s’est infiltré dans toutes les strates de son travail. Toutes ? Oui, car même le bon vieux cahier de laboratoire pourrait bientôt se faire remplacer par une tablette numérique. Explications.


Beaucoup ne peuvent pas imaginer le futur de la recherche sans un cahier de laboratoire électronique (ELN). D’autres pointent du doigt la menace grandissante d’une ingérence masquée des autorités de contrôle. Et certains craignent simplement plus de boulot ou ne veulent pas modifier leur technique de travail. Alors quel est l’avenir du traditionnel cahier de laboratoire en papier au milieu de cet océan informatisé?


L’évolution technologique de ces dernières décennies force le contraste et la question se pose d’autant plus activement qu’une phase pilote a été réalisée auprès de plusieurs laboratoires de la Faculté des Sciences de la Vie. Les chercheurs ont eu l’occasion de tester durant plusieurs mois un logiciel pour la gestion quotidienne de leurs données et plus d’une dizaine de laboratoires ont choisis de continuer avec la version électronique du cahier. Résultat des courses selon Gaël Anex, le responsable du projet : « le passage du papier à l’électronique est une étape pénible mais possible et finalement bénéfique pour la pérénité des connaissances développées durant les projets de recherche ».

Le projet intitulé « Gestion des données de recherche » a été amorcé en 2012 par le CSIN sous l’impulsion de Didier Trono, le Doyen SV de l’époque et Benoît Deveaud-Plédran, le Doyen à la Recherche. « Le but était de développer un outil pour tous les chercheurs de l’EPFL qui permette d’améliorer le quotidien des chercheurs et en même temps qui permette à l’Ecole d’être aux normes européennes de garantie de conservation des données ». Gaël Anex du CSIN a donc été à la rencontre des chercheurs de 27 laboratoires SV afin de comprendre quels étaient exactement leurs besoins, d’identifier le logiciel le plus apte à y répondre et de le déployer auprès des volontaires.


Avantages et inconvénients


Le logiciel retenu est développé par l’entreprise Genohm SA (Startup du Parc Scientifique). Il combine les outils d’un ELN et ceux d’un LIMS (Laboratory Information Management System*). Il permet d’organiser les informations des projets de recherche : expériences, échantillons, données, analyses, résultats et de garantir la pérennité des connaissances et techniques au sein des laboratoires. De plus, il peut être accédé à distance et facilite la rédaction de rapports scientifiques, le travail en commun et le partage des données au sein de la communauté scientifique.


En revanche, l’ELN peut créer des réticences car il standardise et uniformise les processus de documentation du travail de recherche. Pour certain chercheurs, cela ne va pas de pair avec un ingrédient indispensable : la créativité. Les méthodes de travail et d’expérimentation contraignantes de l’outil électronique ont été adaptées pour trouver un compromis permettant une organisation standardisée des informations mais flexible et suffisamment permissive pour que beaucoup de chercheurs considèrent l’outil satisfaisant et abandonnent le cahier papier. De plus, pratiquement, il est impossible d’avoir un ordinateur sur un bench de laboratoire, ce qui nécessite de fréquents allers-retours vers le bureau. Sur ce dernier point cependant, Gaël Anex nuance : « il existe maintenant la possibilité de faire tout cela sur un ipad. Cet outil facilitera sans doute le quotidien des chercheurs au bench. En plus, c’est ludique et intuitif ».


Enjeux actuels


La problématique des cahiers de laboratoires électroniques revêt depuis plusieurs années une importance grandissante car elle s’enracine au cœur de la recherche. La direction de l’EPFL considère la liberté académique comme primordiale et l’on ne peut forcer un chercheur à modifier sa méthode de travail. Cependant, toute recherche se définit également par l’époque dans laquelle elle s’inscrit. Et le XXIe siècle académique se caractérise par la collaboration active entre ses institutions de recherche, ses normes de contrôles, de sécurité et de traçabilité des données. Sans oublier les exigences toujours plus prononcées des Grants office et des revues spécialisées. Des variables à ne pas négliger pour qui veut rester sur l’échiquier international de la recherche scientifique.


Points de vue