Les bactéries doivent être "stressées" pour se diviser

Des bactéries. Credit: iStock

Des bactéries. Credit: iStock

La division cellulaire des bactéries est régie à la fois par l’activité enzymatique et par des forces mécaniques, qui travaillent ensemble pour en contrôler le moment et l’endroit. C’est ce que montre une nouvelle étude de l’EPFL.

Lors d’une étude réalisée récemment, des scientifiques de l’EPFL ont découvert que les bactéries utilisaient des forces mécaniques pour se diviser, en plus de facteurs biologiques. Cette recherche menée par les groupes de John McKinney et de Georg Fantner fait suite à de récentes études qui ont suggéré que la division bactérienne était régie non seulement par la biologie, mais aussi par la physique. Toutefois, cette interaction est mal comprise.

La plupart des bactéries sont des cellules en forme de tige qui se multiplient en doublant leur longueur et en se divisant en leur milieu pour produire deux «cellules filles». Les mécanismes qui contrôlent ces processus dans le temps et l’espace sont essentiels pour la survie des organismes. Leur importance devient encore plus évidente quand on considère à quel point les bactéries sont omniprésentes dans la vie quotidienne et à quel point elles sont utilisées par la biotechnologie.

Les scientifiques ont étudié des bactéries très semblables à l’agent pathogène humain à l’origine de la tuberculose, qui tue plus que toute autre maladie infectieuse. Afin d’étudier la croissance et la dynamique de division de ces mycobactéries, ils ont fabriqué un instrument spécial qui combine la microscopie optique et la microscopie à force atomique (AFM pour atomic force microscopy) pour visualiser et manipuler des cellules à l’échelle de molécules.

Les données obtenues ont montré que la division d’une cellule de mycobactérie nécessite des forces mécaniques en plus des molécules de division (enzymes) précédemment identifiées. Avant qu’une cellule se divise, on observe une accumulation progressive de stress mécanique dans la paroi cellulaire, à l’endroit même où elle va se séparer.

Cette accumulation aboutit finalement à une division en deux nouvelles cellules en l’espace de millisecondes. Étonnamment, lorsque les chercheurs ont appuyé physiquement sur les bactéries avec une aiguille AFM extrêmement pointue, ils ont provoqué une division cellulaire instantanée et prématurée. «Cette expérience prouve que la physique est essentielle à cet important processus biologique», souligne Georg Fantner.

Mais que cela signifie-t-il au niveau biologique? Lorsqu’une cellule bactérienne se divise, les deux cellules filles doivent se séparer. Ce processus est opéré par des enzymes, qui dissolvent les connexions moléculaires entre elles. Les chercheurs ont découvert que ce processus fondamental pouvait être contourné en appuyant avec une aiguille AFM à l’endroit de la division naissante.

«Notre travail montre que les enzymes biologiques et les forces mécaniques "collaborent" pour entraîner la séparation de cellules filles lors de la division cellulaire bactérienne», précise John McKinney.

Financement

Fonds national suisse de la recherche scientifique, Union européenne (7e programme-cadre), Commission suisse pour la technologie et l’innovation, EMBO (bourse à long terme et bourse à long terme pour chercheur avancé)

Références

Pascal D. Odermatt, Mélanie T. M. Hannebelle, Haig A. Eskandarian, Adrian P. Nievergelt, John D. McKinney, Georg E. Fantner. Overlapping and essential roles for molecular and mechanical mechanisms in mycobacterial cell division. Nature Physics, 21 octobre 2019. DOI: 10.1038/s41567-019-0679-1