Le parcours naturel des rivières profite à la biodiversité

© PhOtOnQuAnTiQuE / Creative Commons

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Modifier l’organisation d’un cours d’eau, c’est prendre le risque de nuire gravement à la présence de certaines espèces. L’EPFL, l’EAWAG et l’Université Princeton sont parvenus ensemble à modéliser les flux des organismes vivant le long des bras des rivières. Leurs travaux sont publiés cette semaine dans la revue PNAS.

Les rivières et leurs abords sont des mondes à eux tout seuls, tant la diversité des espèces animales et végétales qui s’y développent est grande. Mais l’homme n’a eu de cesse, de tout temps, de les modifier. Canalisation par-ci, asséchement par-là, barrages, détournement, mise en terre… des travaux colossaux ont été réalisés pour s’accaparer des terres ou se procurer de l’eau.

Il est désormais possible de connaître plus précisément l’impact de ces altérations sur la biodiversité des zones de rivière. Des expériences menées en laboratoire sur des micro-organismes ont pu prouver la pertinence des modèles mathématiques s’intéressant à l’évolution des populations dans ces contextes particuliers. Ces travaux, publiés cette semaine dans PNAS (Proceedings of the National Academy of Science), ont été réalisés par des chercheurs de l’EPFL, de l’EAWAG (Institut fédéral pour l'aménagement, l'épuration et la protection des eaux) et de l’Université Princeton.

Leurs conclusions devraient inciter à davantage de prudence dans la modification des cours d’eau. Ils sont en effet parvenus à montrer que la biodiversité observée en un point particulier d’une rivière doit beaucoup à l’ensemble des ruisseaux qui l’alimente, et pas uniquement aux conditions particulières de l’endroit étudié. Canaliser un tronçon d’un affluent ne nuira pas uniquement à la faune de ses rives, mais pourra avoir des conséquences sur la rivière, même plusieurs kilomètres en aval.

Un réseau de rivières en labo
Les chercheurs se sont servis de plateaux comportant chacun 36 boîtes de cultures. Ils y ont disséminé des micro-organismes (protozoaires et rotifères) de dix espèces différentes. Dans un cas, ils ont prélevé l’eau et ses habitants d’une boîte pour la transférer dans une autre en suivant un réseau « dendritique », c’est-à-dire calqué sur les véritables tracés d’une rivière et de ses affluents. Dans l’autre, ils la pipetaient systématiquement dans les quatre boîtes les plus proches. « Les organismes choisis nous ont permis d’observer l’évolution des populations durant 50 à 100 générations, ce qui durait un mois », explique Francesco Carrara, doctorant au Laboratoire d’écohydrologie (ECHO) de l’EPFL et auteur principal de l’article.

En simplifiant ainsi le mécanisme d’un réseau de rivière et en supprimant de très nombreux paramètres incontrôlables en milieu naturel, les chercheurs ont pu se faire une idée précise des effets directs du réseau lui-même sur le développement et la propagation des espèces. « Nous avons ainsi pu prouver expérimentalement la pertinence des modèles mathématiques que nous avons déjà appliqués au Mississipi, à l’Amazone ou encore au Rhin », se réjouit Andreas Rinaldo, responsable du laboratoire ECHO.

Cette expérience arrive à la conclusion principale qu’une évolution suivant un réseau ramifié débouche sur des échantillons d’espèces bien plus variés là où les cours d’eau se rejoignent. Mais ce n’est pas tout : les populations qui se maintiennent proches des « sources » de chaque affluent présentent elles aussi une grande diversité. Selon les chercheurs, maintenir cette richesse en amont est indispensable pour que la biodiversité se développe en aval.

Il est donc désormais prouvé que l’appauvrissement d’un seul de ces affluents, ou toute modification d’un réseau hydrologique, risque de compromettre l’équilibre naturel et la biodiversité en aval. Un constat qui ne doit plus être ignoré par quiconque entreprendrait des travaux d’aménagement de cours d’eau.