Le changement climatique, une menace pour le fromage d'alpage?

© 2012 Agroscope Changins-Wädenswil

© 2012 Agroscope Changins-Wädenswil

Des chercheurs simulent les conditions d’un climat aride. Ils ont monté des serres en pleine campagne pour étudier les effets des sécheresses sur le fourrage des pâturages de montagne.

Quel sera l’impact du changement climatique sur la légendaire qualité du fromage suisse? C’est l’une des questions auxquelles des chercheurs de l’EPFL, du WSL et de l’Agroscope Changins-Wädenswil ont tenté de répondre. Ils ont laissé de petits troupeaux de moutons en pâture sous des serres tunnel à couverture plastique dans l'ouest de la Suisse, près d’Yverdon. Le but principal de cette expérience était d’étudier les effets de la sécheresse sur les pâturages de montagne et sur la production de fourrage. Mercredi 12 septembre, les organisateurs ont tenu une journée porte ouverte, afin de présenter ces recherches aux membres des institutions agricoles, aux chercheurs et au public.

Les pâturages de montagne constituent un écosystème important, mais qui reste souvent sous-estimé. Ils hébergent une grande variété de végétaux et de micro-organismes et sont, par leur activité, des éléments importants de la chaîne carbonée. De plus, les pâturages jouent un rôle essentiel dans la politique agricole Suisse qui stipule, par principe, l'autonomie en matière de fourrage. En effet, les fermiers devraient pouvoir nourrir leur bétail sans avoir recours à des importations.

S’adapter aux changements du climat
Par le passé, les pâturages de montagne suisses ont été bénis par des pluies abondantes. Mais cela pourrait bientôt changer. En 2003 et en 2011, les étés chauds et secs n’ont permis qu'une faible production de fourrage, et les prévisions climatiques indiquent que les choses ne sont pas prêtes de s'arranger.

Les changements opérés sur la microfaune et la flore, dus aux changements climatiques, pourraient avoir des conséquences sur les pâturages et les rendre moins productifs. En fin de compte, les produits laitiers pourraient perdre en qualité et en saveur. De plus, ces changements risqueraient d’avoir des répercussions sur le cycle de carbone, ainsi qu’un impact négatif sur la qualité de l’eau potable dans la nappe phréatique.

La première phase de ce projet de recherche mixte a commencé cet été près du hameau de La Frêtaz, dans les montagnes du Jura. En recouvrant quelques petites parcelles de serres tunnel à couverture plastique, les chercheurs ont simulé les effets de l’aridité. L’activité des moutons sur certaines parcelles a fourni un aperçu du rôle du broutage dans cette équation, comparé au simple fait de faucher le foin.

À la fin de cet été artificiellement sec, le vert luxuriant du pâturage avait laissé place à du marron terne. Mais dans ce processus, les chercheurs ont rassemblé de précieuses données sur les effets de la sécheresse sur la végétation, la physiologie des plantes, la respiration des sols et les micro-organismes souterrains. Autant d’informations qu’ils devront analyser par la suite.

Des pâturages surveillés par satellite
Dans les années à venir, les chercheurs vont agrandir le site étudié pour qu’il atteigne la taille d'une ferme. Ils comptent étendre leurs recherches à une superficie de 100 kilomètres carrés. Chacun de ces projets ambitieux est un tremplin vers le but final: exploiter dans leurs applications, les capacités de mesures à distance.

À l’avenir, les fermiers pourraient bien se tourner vers les satellites pour trouver l'aide nécessaire à transhumance des troupeaux dans les pâturages. Les nouvelles technologies utilisent les satellites pour contrôler, en une seule fois, la productivité biologique d’immenses andains de foin. Les chercheurs développeront également des outils permettant d’extrapoler les analyses des sols et des fourrages rassemblées localement, sur une zone étendue. Ils fourniront ainsi un tableau précis et à jour de la qualité du pâturage – une sorte de rapport sur le fourrage.

Actuellement, les chercheurs se consacrent à l’analyse des résultats de leur première expérience. Ils ont d’ores et déjà pu constater à quel point les étés chauds et secs sont nuisibles aux pâturages. Les abris pluviaux ont dû être retirés 10 jours avant la journée porte ouverte les pâturages ayant déjà suffisamment souffert de la chaleur. Les chercheurs auront de quoi travailler quelque temps pour parvenir à des résultats. Ils pourront étudier la résistance des pâturages en cas de sécheresse, et apprendre comment des étés chauds répétés pourraient affecter l’écosystème à long terme.


Auteur: Jan Overney

Source: EPFL