Le cerveau est plus gros qu'on ne le voyait

© Graham Knott/EPFL

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Une méthode innovante montre que le cerveau n'est pas aussi compact qu'on l'a toujours pensé.

Pour pouvoir étudier la structure fine du cerveau, y compris les connexions entre neurones, les chercheurs doivent utiliser des microscopes électroniques. Mais les tissus doivent être fixés et préparés pour cette méthode d'imagerie à fort grossissement. Ce processus provoque le rétrécissement du cerveau, si bien que les images du microscope peuvent être déformées, montrant par exemple des neurones beaucoup plus proches qu'ils ne le sont dans la réalité. Des scientifiques de l'EPFL ont désormais résolu le problème, au moyen d'une technique qui congèle rapidement le cerveau, et préservant sa structure originale. Ces travaux sont publiés dans eLife.

Le cerveau qui rétrécit
Les dernières années ont connu un déferlement d'imagerie cérébrale, avec un intérêt renouvelé pour des techniques telles que la microscopie électronique, qui nous permet d'observer et d'étudier l'architecture du cerveau à un niveau de détail sans précédent. Mais en même temps, ces techniques ont fait ressurgir d'anciens problèmes associés à la manière dont ce tissu délicat doit être préparé avant que l'ont puisse recueillir des images.

Dans les techniques conventionnelles, le cerveau est fixé par des agents stabilisateurs, comme des aldéhydes, puis placé dans des cassettes de résine. Toutefois, on sait depuis le milieu des années soixante que cette méthode de préparation provoque un rétrécissement du cerveau d'au moins 30%. Cela a pour conséquence de fausser notre compréhension de l'anatomie du cerveau, par exemple la proximité des neurones, les structures des vaisseaux sanguins, etc.

Le cerveau qui gèle
Une étude de Graham Knott, de l'EPFL, menée par Natalya Korogod avec la collaboration de Carl Petersen, a mis en œuvre avec succès une méthode innovante, appelée cryofixation, pour éviter le rétrécissement du cerveau pendant la préparation de l'observation au microscope électronique. La méthode, dont l'origine remonte à 1965, utilise des jets d'azote liquide pour congeler instantanément le tissu cérébral à -90°C, en quelques millisecondes. En l'occurrence, il s'agissait de cortex cérébral de souris.

La méthode de congélation rapide permet d'empêcher l'eau présente dans les tissus de former des cristaux, comme cela serait le cas sous une congélation classique, en appliquant de surcroît de très hautes pressions. En effet, les cristaux de glace peuvent endommager gravement un tissu en déchirant ses cellules. Mais avec cette méthode de congélation sous haute pression, l'eau se transforme en une sorte de verre, qui préserve les structures et l'architecture originales des tissus.

L'étape suivante consiste à intégrer le tissu congelé dans la résine. Cela exige que l'on retire puis remplace l'eau vitrifiée par de l'acétone dans un premier temps, qui reste liquide aux basses températures de la cryofixation, puis par de la résine, sur plusieurs jours, ce qui lui permet de chasser lentement et doucement l'eau vitrifiée du cerveau.

Le vrai cerveau
Après que le cerveau a été cryofixé et mis en cassette, il a été observé et photographié en microscopie électronique 3D. Les chercheurs ont alors pu comparer les images du cerveau cryofixé avec celles d'un cerveau fixé au moyen de la méthode exclusivement chimique.

L'analyse a montré que le cerveau fixé chimiquement était beaucoup plus petit en volume, et qu'il présentait une perte significative d'espace extracellulaire – l'espace autour des neurones. De plus, les cellules cérébrales de soutien nommées astrocytes paraissaient moins bien connectées avec les neurones, et même avec les vaisseaux sanguins dans le cerveau. Enfin, les connexions entre les neurones, les synapses, semblaient significativement plus faibles dans le cerveau fixé chimiquement que dans celui qui avait été cryofixé.

Les chercheurs ont ensuite comparé leurs mesures du cerveau à celles calculées dans des études fonctionnelles – des études qui mesurent le temps qu'il faut à une molécule pour voyager dans la région du cerveau étudiée. A la surprise des chercheurs, les données étaient concordantes, ce qui constitue une preuve supplémentaire que la cryofixation préserve bel et bien l'anatomie réelle du cerveau.

«Tout cela nous montre que la cryofixation à haute pression est une méthode idéale pour l'imagerie cérébrale, dit Graham Knott; en même temps, elle remet en question les procédés d'imagerie antérieurs, que nous pourrions être amenés à réexaminer à la lumière de nouvelles données.» Son équipe s'attache maintenant à utiliser la cryofixation sur d'autres parties du cerveau, et même sur d'autres types de tissus.

Cette recherche a financée par le Fonds national suisse de la recherche scientifique.

Référence

Korogod N, Petersen C, Knott G. Ultrastructural analysis of adult mouse neocortex comparing aldehyde perfusion with cryo fixation. eLife 11 August 2015. DOI: http://dx.doi.org/10.7554/eLife.05793


Auteur: Nik Papageorgiou

Source: EPFL


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© Graham Knott/EPFL
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