La structure 3D des protéines entre dans une nouvelle dimension

La structure 3D de cytochrome c (Image adaptée de Wiimedia Commons)

La structure 3D de cytochrome c (Image adaptée de Wiimedia Commons)

La structure tridimensionnelle de molécules biologiques comme les protéines exerce une influence directe sur leur comportement dans notre corps. Des scientifiques de l’EPFL ont développé une nouvelle méthode de laser infrarouge UV afin de déterminer la structure de protéines composées de milliers d’atomes avec une précision accrue.

Les molécules biologiques comme les protéines renferment des milliers d’atomes qui forment des combinaisons 3D extrêmement complexes. Il est primordial d’identifier ces structures, car elles affectent directement la façon dont une molécule se comporte à l’intérieur des cellules et peuvent même se montrer fatales. La maladie de la vache folle est notamment provoquée par une version mal repliée d’une protéine prion habituellement inoffensive. Déterminer ces agencements 3D est un défi, car les molécules biologiques peuvent être composées d’atomes similaires connectés dans un ordre identique, mais assemblés de manières radicalement différentes, et donc avoir des effets complètement distincts. Dans une publication qui fait la une de Angewandte Chemie, des chercheurs de l’EPFL utilisent une nouvelle méthode basée sur des lasers infrarouges et ultraviolets pour déterminer avec davantage de précision la structure des molécules biologiques.

Les protéines et peptides ont tendance à avoir un aspect tridimensionnel extrêmement complexe. Cette situation est encore compliquée par le fait qu’elles existent souvent sous forme d’isomères, c’est-à-dire qu’elles présentent une séquence d’atomes identique, mais des structures différentes dans l’espace. Il est donc insuffisant de connaître la composition d’une molécule pour comprendre de quoi elle a l’air en trois dimensions. Des informations additionnelles sont requises sous forme «d’empreintes digitales moléculaires» – soit des caractéristiques qui reflètent sa structure 3D. Deux isomères auront des particularités tridimensionnelles distinctes, ce qui signifie qu’une quantité accrue d’empreintes digitales faciliterait grandement leur différentiation.

Pour identifier la structure d’une molécule biologique, il s’agit d’abord de formuler des hypothèses théoriques quant à son aspect et de les croiser avec des données expérimentales. Actuellement, une des nouvelles techniques prometteuses susceptibles de fournir ce genre d’informations se nomme la spectrométrie à plasma froid, développée depuis plus de dix ans au Laboratoire de chimie physique moléculaire de l’EPFL (LCPM). Les molécules sont ionisées, refroidies pour atteindre le zéro absolu, puis frappées par des lasers infrarouges et ultraviolets à différentes intensités, chacune créant un nombre spécifique de fragments moléculaires. Ceux-ci sont ensuite mesurés avec un spectrogramme de masse, qui renseigne les scientifiques sur les niveaux d’énergie à l’intérieur de la molécule.

Les chercheurs de l’EPFL ont désormais amélioré cette approche en y ajoutant une nouvelle empreinte digitale, ce qui accroît grandement l’exactitude de détermination des structures. L’équipe d’Oleg Boyarkine du LCPM a en effet découvert un moyen de mesurer précisément la quantité de lumière qu’une molécule peut absorber, une autre caractéristique de sa structure 3D. Les atomes de la molécule ne sont pas en reste, car ils vibrent à des fréquences qui dépendent de leur agencement dans l’espace. Comme il existe trois fréquences vibratoires pour chaque atome, les grandes molécules biologiques comme les protéines peuvent réunir des centaines, voire des milliers de fréquences, qui forment ensemble une empreinte digitale unique de leur structure 3D.

En analysant la façon dont la spectrométrie à plasma froid fonctionne, les scientifiques ont compris comment mesurer ce que l’on appelle l’intensité d’absorption absolue pour chaque vibration d’une molécule, produisant ainsi une toute nouvelle empreinte digitale. Cette dernière permet d’identifier la structure tridimensionnelle d’une molécule, car il est peu probable que deux isomères partagent à la fois la même fréquence vibratoire et un schéma d’absorption de lumière identique.

Les chercheurs de l’EPFL ont d’abord testé leur nouvelle technique avec succès sur une molécule antibiotique connue composée de 176 atomes. Ils ont ensuite repoussé les limites de la spectrométrie en enregistrant le premier «spectre vibratoire» jamais réalisé d’une protéine appelée cytochrome c, essentielle à la production d’oxygène dans nos cellules. Cette approche novatrice à deux empreintes digitales constitue une avancée cruciale en matière de chimie structurale, et permet aux scientifiques de déterminer plus rapidement et précisément la structure des grandes biomolécules comme les polypeptides et protéines, ce qui aura des conséquences non négligeables sur la biotechnologie, les diagnostics cliniques, l’épidémiologie (p.ex. les maladies à prions), la génétique et biologie moléculaire, ainsi que d’autres domaines biologiques.