La réalité virtuelle aide à mesurer la vulnérabilité au stress

Des chercheurs en sciences comportementales de l’EPFL ont mis au point un test en réalité virtuelle qui évalue la vulnérabilité d’un individu au stress par l’exploration d’environnements immersifs. Grâce au modèle obtenu, la recherche sur le stress se dote de l’un de ces premiers outils qui ne reposent pas sur les évaluations subjectives.


Nous réagissons tous au stress, mais de manières différentes. Un bruit fort et soudain ou un éclair peut déclencher différents degrés de réponse chez les individus, ce qui indique que certaines personnes sont plus sensibles que d’autres à l’impact du stress.

Tout événement source de stress est appelé «facteur de stress». Notre corps est conçu pour gérer une exposition sévère aux facteurs de stress, mais une exposition chronique peut entraîner des troubles mentaux comme l’anxiété et la dépression, voire des changements physiques comme l’hypertension ou l’accident vasculaire cérébral.

Des efforts considérables sont déployés pour trouver une manière d’identifier les personnes susceptibles de développer des troubles liés au stress. Le problème est que la plupart de ces recherches reposent sur l’autodéclaration et les classements cliniques subjectifs, ou l’exposition des sujets à des environnements non réalistes. L’utilisation d’appareils portables et d’autres technologies de détection a permis de progresser dans le cas des personnes âgées et des individus à risque, mais en raison de nos modes de vie différents, il est difficile de trouver des marqueurs objectifs des troubles psychogènes.

Aborder le problème avec la réalité virtuelle

Aujourd’hui, les chercheurs en sciences comportementales sous la direction de Carmen Sandi à la Faculté des sciences de la vie de l’EPFL ont mis au point une méthode de réalité virtuelle qui mesure la vulnérabilité d’un individu aux facteurs de stress psychogènes. Basée sur de précédentes études menées sur des animaux, cette nouvelle approche permet d’acquérir des données de locomotion haute densité en observant un individu évoluer dans deux environnements virtuels afin de prédire la variabilité de la fréquence cardiaque en cas d’exposition à des situations inquiétantes ou très stressantes.

La variabilité de la fréquence cardiaque fait figure d’indicateur fiable de vulnérabilité au stress physiologique et de développement de psychopathologies et de troubles cardiovasculaires.

Scénarios de stress en réalité virtuelle

Dans l’étude, 135 participants ont été plongés dans trois scénarios différents en réalité virtuelle. Dans le premier scénario, ils évoluaient dans une pièce virtuelle vide en partant d’une petite marche rouge face aux murs. La pièce virtuelle avait les mêmes dimensions que la pièce réelle où se trouvaient les participants. Ainsi, s’ils touchaient un mur virtuel, ils le sentaient réellement. Après 90 secondes d’exploration, les participants devaient revenir à la petite marche rouge. La pièce en réalité virtuelle est devenue sombre pour poursuivre avec le deuxième scénario.

Dans ce deuxième scénario, les participants se trouvaient dans une ruelle virtuelle surélevée de plusieurs mètres au-dessus du sol d’une ville virtuelle. Ils devaient explorer la ruelle pendant 90 secondes, puis revenir à la marche rouge. Puis, la marche a commencé à descendre de plus en plus vite jusqu’à atteindre le niveau du sol. De nouveau la pièce est devenue sombre pour terminer avec le dernier scénario.

Dans le troisième scénario, les participants étaient placés dans une pièce totalement plongée dans l’obscurité. À l’aide d’une lampe de poche, ils devaient explorer un dédale de couloirs sombres, dans lequel quatre visages humains étaient placés dans les angles, avec trois fortes rafales de bruit blanc qui leur parvenaient aux écouteurs toutes les vingt secondes.

Développer un modèle prédictif

Les chercheurs ont mesuré la fréquence cardiaque des participants dans chaque scénario en réalité virtuelle. Ils ont recueilli de nombreuses données de variabilité de la fréquence cardiaque dans des conditions expérimentales contrôlées. Joao Rodrigues, postdoctorant à l’EPFL et premier auteur de l’étude, a ensuite analysé les données locomotrices des deux premiers scénarios à l’aide de machine learning, et a développé un modèle qui peut prédire la réponse d’un individu au stress – changements de la variabilité de la fréquence cardiaque – dans le troisième scénario inquiétant.

L’équipe a ensuite testé le modèle et a découvert que ses prévisions peuvent fonctionner sur différents groupes de participants. Elle a également confirmé que le modèle peut prédire la vulnérabilité au stress face à une situation stressante différente à laquelle les participants étaient confrontés lors d’un test final en réalité virtuelle, où ils devaient réaliser rapidement des exercices arithmétiques et voir leur score par rapport aux autres. L’idée était d’intégrer un aspect social et un aspect temporel au stress. Lorsque les participants donnaient les mauvaises réponses, des parties du plancher virtuel s’effondraient dans le vacarme.

Enfin, les chercheurs ont également confirmé que leur modèle est plus performant que les autres outils de prédiction du stress, comme les questionnaires sur l’anxiété. Selon Carmen Sandi: «L’avantage de notre étude est que nous avons mis au point un modèle dans lequel la collecte de données comportementales d’individus qui évoluent dans deux environnements virtuels nouveaux suffit à prédire les changements de variabilité de la fréquence cardiaque en cas d’exposition à des situations très stressantes. Il n’est donc plus nécessaire de les tester dans ces conditions très stressantes.»

Mesurer la vulnérabilité au stress demain

Ces travaux de recherche offrent un outil normalisé pour mesurer la vulnérabilité aux facteurs de stress qui est basé sur des marqueurs objectifs, et ouvrent la voie au développement futur de ces méthodes.

«Notre étude montre le pouvoir impressionnant des données comportementales pour révéler la vulnérabilité physiologique des individus. Il est extraordinaire de voir comment, pendant l’exploration en réalité virtuelle, les données de locomotion haute densité peuvent aider à identifier les individus qui présentent un risque de développer d’innombrables pathologies – troubles cardiovasculaires, mentaux, etc. – en cas d’exposition à des niveaux de stress élevés. Nous espérons que notre étude favorisera des interventions en amont pour ces individus à risque.»

Financement

Oak Foundation

Swiss National Science Foundation (NCCR Synapsy and Sinergia)

EPFL



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© 2020 EPFL / Alain Herzog
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