La photographe photographiée
Chaque mois, nous vous racontons l’histoire d’une photo ou vidéo qui illustre la science à l’EPFL. Voulez-vous participer? Nous publions les meilleures contributions envoyées à [email protected]. Publication non garantie.
«Au cours de mon mandat à l’EPFL, j’ai été impressionnée par la capacité des outils scientifiques à révéler des choses qu’un appareil photo est incapable de montrer ainsi que par la façon dont la technologie permet d’autres perceptions des choses.» L’appareil photo, Catherine Leutenegger en a fait son outil de travail; l’image, son métier et son espace d’expérimentation. En 2018, l’EPFL lui confie le mandat de photographier la science qui y est produite, pour le livre souvenir de son 50e anniversaire, Regards sur l’EPFL. Cela explique-t-il que la figurine microscopique de la photographe lausannoise, à l’air songeur, se retrouve sur un cliché construit par Zdenek Benes et Julien Dorsaz, du Centre de micronanotechnologie (CMi)? Oui et non.
Oui, parce que l’EPFL a les moyens de le faire. Techniquement, le cliché a été construit en trois étapes: la conversion en fichier informatique de la silhouette de l’artiste par la société Minimoi, la construction de la figurine à l’aide d’une imprimante 3D Nanoscribe et la photographie de l’objet par un microscope électronique. Pour faire la figurine, une minigoutte de polymère encore liquide est déposée sur un wafer en silicone, puis durcie à l’aide d’un laser. La figurine est ensuite sculptée selon les données du fichier informatique, puis recouverte d’une mince couche d’or afin de pouvoir être photographiée.
Une signature à la Hitchcock
On l’aura compris, on se trouve ici dans un monde où le grain de sable est une dune. La statue de Catherine Leutenegger mesure 300 micromètres, soit moins d’un demi-millimètre. «Nous aurions pu la faire encore 10 fois plus petite et battre le record du monde (100 micromètres pour un être humain, ndlr). Mais nous ne voulions pas offenser le concepteur de la machine qui le détient», plaisante Zdenek Benes.
Mais non, parce qu’avant même d’être approchée par l’EPFL Catherine Leutenegger couvait déjà un projet lié à l’impression 3D. Du grand au petit, de l’abstrait à l’appliqué, du réussi au raté. En Chine, elle a exploré le grand format, photographiant des maisons construites en fabrication additive. Pour le nano, elle est fascinée par les réalisations de la Nanoscribe et sait que l’EPFL en possède une. Alors, à la fin de son mandat, elle reprend contact avec Zdenek Benes et Julien Dorsaz et mène son projet à terme. «Cette sculpture autoportrait quasi invisible à l’œil nu montre à quel point ce travail m’a permis d’explorer les confins de la science. C’est aussi une façon d’y figurer de manière discrète, une sorte de signature à la Hitchcock.» Discrète, on peut le dire d’autant que la photo n’a encore jamais été exposée. Elle le sera avec une partie du travail sur la 3D de la photographe suisse, en janvier prochain, à la Gallery of Photography de Dublin.