La marche sort de l'oubli

© Flickr / lindejesus / Creative Commons

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L’action européenne COST 358 – Pedestrian Quality Needs, à laquelle 20 pays ont participé pendant 4 ans, s’est achevée vendredi à l’EPFL. Elle vise à redonner au plus ancien des moyens de transport ses lettres de noblesse dans la planification des politiques d'urbanisme et de transport.

Parce qu’elle est tellement naturelle, la marche avait tendance à être purement et simplement la grande oubliée des politiques d’urbanisme et de transport. Surtout dans les pays riches, où l’on compte souvent plus d’un véhicule motorisé pour deux habitants.

Depuis une dizaine d'années, l’engorgement des villes, couplé à l’épidémie de sédentarité qui sévit dans ces mêmes pays, a eu pour conséquence que les déplacements à pied ont tenté de se refaire une place au soleil. Souvent sous la pression de groupes d’intérêt – en Suisse on peut citer par exemple l’Association transport et environnement. A plus large échelle, des initiatives internationales telles que l’action européenne COST 358, démarrée en 2006, ont rassemblé les efforts de très nombreux chercheurs pour faire un état des lieux de la question et tenter de modifier la façon dont les décideurs abordent ce mode de transport – le seul qui soit commun à toute la population. L’objectif de cette action, traduit dans un épais rapport nommé Pedestrian Quality Needs, était de déterminer quels étaient les besoins et les attentes des utilisateurs pour qu’ils favorisent la marche face à d’autres types de mobilité.

Adapter les statistiques
La Suisse est relativement «en avance» dans ces réflexions: tel a été le constat, à l’EPFL, du laboratoire Chôros et du Centre de transport (TraCE), qui ont mis des forces à la disposition de l’action COST 358. Ces deux entités ont également organisé son colloque de clôture, qui s’est déroulé vendredi, au Polydôme, sur le thème du «Renouveau de la marche en Suisse et en Europe». Chevilles ouvrières du projet, Sonia Lavadinho et Dominique von der Mühll ont assuré le volet suisse de la recherche, avec la collaboration à Zurich de Daniel Sauter, d’Urban Mobility.

«En matière de mobilité, aucun mode de déplacement ne peut être étudié indépendamment des autres», explique Sonia Lavadinho. Or de légères modifications dans la façon de réaliser les statistiques peuvent avoir d’importantes conséquences politiques. «Lorsqu’on établit un graphique en prenant en compte les kilomètres parcourus, il est évident que la marche est inexistante face au train ou à la voiture. Or c’est sur ce genre de statistiques que se sont longtemps basées les attributions de budgets pour les infrastructures», explique-t-elle.

Depuis les années 2000, un nouveau modèle théorique s’est imposé. On intègre également la durée d’utilisation de chaque «véhicule» et le nombre de changements de modes pour un trajet donné; on considère qu’il y a une étape de marche dès qu’un déplacement à pied de plus de 25 mètres est nécessaire – ne serait-ce que pour passer d’un bus à un train. Dès lors, son importance a explosé dans les statistiques, attirant l’attention des décideurs. Une approche que le projet COST a pour ambition d’imposer à plus large échelle.

Ecologie et santé publique
Cette nouvelle visibilité statistique sera soutenue, auprès des politiques, par une brûlante question de santé publique. «La lutte contre la sédentarité et ses dangers passe notamment par un message favorisant la marche. Or les questions de prévention disposent de budgets nationaux, alors que les problèmes d’aménagement urbains concernent les administrations locales. Le levier n’est pas le même!» analyse la spécialiste, qui se réjouit de constater que la quête d'un style de vie plus sain est devenu un véritable phénomène de mode: «De plus en plus, marcher, c’est tendance!»,

Résoudre le paradoxe et redonner à la marche une importance politique qui correspond à son utilisation réelle prendra encore du temps, surtout dans certains pays où ces problèmes ont été longtemps laissés de côté. «Elle est toutefois au centre des questions de planification, d’environnement de qualité urbaine, précise Dominique von der Mühll. Sa prise en compte sera favorable, au bout du compte, à la qualité de vie de chacun.»