La longévité de SwissCube signe sa réussite

© 2015 EPFL, J. Caillet

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Lancé il y a plus de cinq ans, le petit satellite suisse conçu par l’EPFL et plusieurs Hautes écoles spécialisées aura bientôt fait 30'000 tours de Terre. Contre toute attente, ses systèmes sont encore pleinement actifs. Pour les étudiants qui l’ont construit, c’est une belle preuve de la qualité de leur travail. Le sujet fait l’objet d’un dossier complet dans le dernier Flash.

On lui donnait un an. Or, en voilà plus de cinq que SwissCube tourne autour de la Terre. Lancé en 2009, le Cubesat - modèle de satellite conçu sous forme d’un cube de 10 cm de côté - est toujours en bon état de marche. Orbitant à 720 km de hauteur, il évolue à une vitesse de près de 7'500 mètres par seconde, soit environ 28'000 km à l’heure, et fait près de 15 tours de planète par jour.

Sa longévité signe la véritable réussite de SwissCube. Peu de gens auraient parié sur le succès du satellite lorsque, dans les heures suivant son lancement, on s’est aperçu qu’il tournait trop vite sur lui-même. Il aura d’ailleurs fallu près d’un an pour que les systèmes puissent être enfin exploités. De plus, sa mission scientifique – documenter le phénomène des aurores polaires – n’a pas pu être complètement menée à bien. Mais l’analyse des données qu’il fournit font encore régulièrement l’objet de recherches et de travaux d’étudiants.

Ce que SwissCube démontre, avec le temps et la constance de ses bips, c’est surtout la pertinence de choix considérés alors comme audacieux, tel que le recours à des matériaux lowcost encore non utilisés dans le spatial, ou de lui donner un but essentiellement éducationnel. Mené sur trois ans, de 2006 à 2009, avec plusieurs Hautes écoles spécialisées, le programme a permis à quelque 200 étudiants de se former aux technologies spatiales, mais aussi d’apprendre à prendre des responsabilités, à tenir compte des moindres détails, à collaborer en équipe. La fiabilité des systèmes de SwissCube met donc rétrospectivement en lumière la grande qualité du travail de ces jeunes.

«C’était une grande aventure, s’enthousiasme Muriel Richard, chef du projet. Nous avons eu la chance de tomber sur des étudiants doués, motivés, et qui avaient beaucoup d’humour! Les voir évoluer, tant professionnellement qu’humainement, était très gratifiant. Beaucoup sont devenus des as de l’ingénierie. Impliqués du début jusqu’au lancement, ils ont acquis des connaissances pratiques et une vision globale qui valent bien une expérience de 10 à 15 ans en entreprise.»

Pour leur part, ces ex-étudiants insistent sur le côté unique et très formateur de l’opportunité qui leur était offerte, soulignant au passage une ambiance particulièrement bonne et solidaire au sein de l’équipe. Sans conteste, leur participation à ce projet aura offert un vrai tremplin à leur carrière.

«SwissCube a mis ma créativité sur orbite»

Fabien Jordan était responsable de la partie relative à la génération, au stockage et à la distribution de l’énergie sur SwissCube. Etudiant en systèmes énergétiques à l’Ecole d’ingénieurs d’Yverdon, il a travaillé sur le projet d’avril 2007 au lancement, en septembre 2009.

«Avoir la possibilité de construire un satellite de toute pièce, c’était juste incroyable!», raconte-t-il. En plus d’une ambiance de travail chaleureuse, le jeune homme met aussi l’accent sur «l’excellence du management» de l’équipe d’encadrement. «Comme il s’agissait d’une première, cette expérience avait valeur d’exemple. Elle nous a donc poussés à fournir un très haut niveau de qualité. Comme le prouve la longévité de SwissCube, c’était vraiment réussi.»

Mais cette aventure n’aura pas seulement permis de projeter 10 cm3 de haute technologie dans l’espace: «elle a tout simplement mis ma créativité sur orbite», décrit Fabien Jordan. Il dirige aujourd’hui sa société, nommée Else, et propose un produit très innovant, le xU, une plateforme facilitant l’assemblage des sous-systèmes électroniques des satellites de type cubesat. «L’idée est née de toutes ces demi-nuits passées dans les salles blanches de l’EPFL, à chercher des solutions pour assembler tous les systèmes». Une tâche rendue compliquée par les contraintes de miniaturisation et de poids très restrictives imposées par les cubesats.

«J’ai appris à travailler avec des gens de disciplines différentes»

Arrivé lorsqu’il était en dernière année de microtechnique à l’EPFL, Guillaume Röthlisberger était chargé de la structure mécanique du satellite. «Si mes études m’ont apporté de précieuses connaissances techniques, c’est avec ce projet que j’ai véritablement appris à travailler à fond et avec des gens de disciplines différentes.» Une compétence qu’il met aujourd’hui en pratique au quotidien dans son travail d’ingénieur pour une grande firme horlogère.

Parmi les moments forts, il cite notamment le voyage qui l’a amené en Inde pour accompagner le satellite jusqu’à sa base lancement, d’où il s’est envolé six semaines plus tard. Savoir que, cinq ans après, son travail est toujours opérationnel et continue de faire des tours de Terre est «très gratifiant, pour moi comme pour toute l’équipe que nous étions».

«Entendre le premier bip était un moment incroyable»

Etudiant en génie électrique à la haute école d'ingénieur d’Yverdon, Nicolas Steiner s’est notamment occupé des systèmes de mesures de température et de la production d'énergie provenant des panneaux solaires embarqués sur le cubesat. Aujourd’hui, il est employé chez Ruag, à Nyon, entreprise très active dans le domaine spatial.

Sans conteste, avoir appris les techniques spécifiquement destinées au spatial, c’est-à-dire les plus exigeantes qui soient en termes de rigueur et de qualité, lui a donné des arguments sur le marché du travail. «SwissCube nous a également permis de toucher à toutes les étapes d’un projet, d’approcher différentes disciplines, de régler des problèmes concrets, d’expérimenter les choses en direct. Tout cela nous a appris à être très pragmatique et à appréhender chaque difficulté dans toute sa complexité.»

Et il y avait aussi tous ces moments de rires, de partage et d’amitié, qui perdurent sous la forme de soupers organisés chaque année à la date d'anniversaire du lancement. Nicolas Steiner se souvient aussi du premier bip de SwissCube une fois en orbite. «C’était un moment incroyable! Il nous montrait que tout s’était bien mis en route et que tous nos efforts avaient du sens.»