La caméra de l'infiniment petit s'exporte en Asie

© 2013 Alain Herzog

© 2013 Alain Herzog

Alors qu’un institut de recherche établi à Singapour vient de passer une première commande à Attolight, spin-off de l’EPFL, d’autres ventes sont en passe d’être signées en Chine et un contrat avec un distributeur japonais est en négociation. Le CEO de cette jeune pousse créée en 2008, Samuel Sonderegger, nous dévoile les secrets de son entrée sur le marché asiatique.

Petite révolution pour l’observation du monde nanoscopique, l’outil développé par Attolight permet de filmer les électrons en mouvement grâce à une combinaison de laser ultrarapide avec un microscope électronique à balayage. Il permet d’effectuer des contrôles de qualité de puces, de LED, de cellules photovoltaïques. Principale région de fabrication de ces composants, l’Asie convoite cet appareil d’une taille inversement proportionnelle à ce qu’il permet d’observer.

Pourquoi vous êtes-vous orientés vers l’Asie ?
Nous avons commencé par démarcher des laboratoires aux Etats-Unis, mais nous avons senti un contexte économique peu favorable. Nos machines représentant un investissement conséquent, le budget peinait à être débloqué. Pendant ce temps, nous avons été contactés par des chercheurs de sociétés chinoises et japonaises intéressés par cette nouvelle génération d’outil de test de qualité. Même si ces premiers contacts n’ont pas abouti, nous avons senti qu’il y avait d’avantage de possibilités de commercialisation à l’est.

Comment les grands instituts ou entreprises asiatiques parviennent-elles à faire confiance à une start-up suisse pour des machines à coût très élevé?
Le problème de la langue et de la culture a été résolu dans un premier temps par l’engagement d’une consultante chinoise qui a fait sa thèse à l’Institut d’électronique et de photonique quantique de l’EPFL. En automne 2011, elle a établi les premiers contacts avec de potentiels représentants. Puis, au printemps 2012, nous sommes allés les rencontrer avec mon collègue Olivier Gougeon. Nous avons vu une quinzaine d’entreprises et nous avons choisi Quantum Design, entreprise américaine avec une filiale en Chine, pour nous représenter. L’important est de trouver les bonnes personnes et de comprendre la structure de la société, comment va se passer le financement. Or c’est impossible si on ne maîtrise pas le chinois. De plus, la bonne réputation de l’EPFL nous soutient énormément. Sans le soutien d’Adrienne Corboud-Fumagalli, vice-présidente pour la valorisation et l’innovation, ainsi que du Benoît Deveaud-Plédran, professeur au Laboratoire d’optoélectronique quantique, nous aurions eu plus de difficulté à pénétrer le marché asiatique.

Quel est votre avantage sur le marché, que recherchent les sociétés qui font appel à vous ?
Notre appareil permet de tester les structures intégrées qui continuent d’être miniaturisées dans le marché des semi-conducteurs, sur lequel nous nous positionnons actuellement. Il donne des informations sur la structure du matériau et des problèmes qui peuvent à long terme réduire sa longévité ou influencer son efficacité. Nous avons une grande longueur d’avance sur nos concurrents en ce qui concerne la facilité d’utilisation et la définition des images qui apparaissent à l’écran.

Comment se présente la conjoncture économique en Chine ?
Le contexte actuel nous aide. La Chine a décidé d’investir dans les énergies renouvelables. Il y a donc une belle opportunité pour des start-up comme la nôtre. Je suis souvent impressionné quand je vois l’équipement des centres de recherche et développement notamment chez les fabricants de LED, là-bas.

Quelles attentes concernant les ventes sur le marché asiatique ?
Nous espérons vendre une machine cette année, puis l’idée est de doubler les ventes chaque année pour les applications qu’on a aujourd’hui. En parallèle, nous en développons d’autres et nous effectuons des analyses techniques dans notre laboratoire pour différentes entreprises. Certaines entreprises nous envoient des échantillons de leur matériel et nous disent ce qu’il faut mesurer. D’autres nous envoient des spécialistes qui viennent faire les mesures eux-mêmes.

Quels sont les prochains marchés que vous envisagez d’investiguer et de quelle manière?
Chaque pays a sa culture. Nous allons donc adapter notre manière de faire. En Chine, les représentants iront démarcher les clients, mais la vente passera directement par nous. Au japon c’est une grande société d’instrumentation scientifique qui souhaite revendre nos appareils, notamment car les clients là-bas exigent d’avoir un stock sur place. A Singapour nous avons également un représentant et nous pensons procéder de même pour l’Inde, Taïwan et la Corée du Sud où l’on prévoit de s’étendre d’ici l’été.

Mais à l’inverse, comment peut-on avoir un contrôle sur le travail effectué à l’autre bout du monde lorsqu’on est une petite start-up de 6 employés?
Nous posons nos exigences : avoir un représentant dédié à notre machine. Nous planifions au moins deux voyages avec chaque représentant de manière à nous rendre compte quels sont les contacts établis, quels liens la personne entretien avec les clients potentiels. Par exemple est-ce qu’il traite avec un technicien ou le responsable du laboratoire ? Comment présente-t-il le produit ? etc. De plus on demande à l’entreprise de financer un séjour pour le représentant ici en suisse pour une semaine d’entraînement initialement et une formation de suivi tous les ans. Ca nous donne une idée des efforts qu’elle est prête à fournir. Un rapport régulier est également demandé et nous avons des entretiens téléphonique chaque mois.