«La brique doit être posée correctement pour construire dessus»

André Hodder utilise des analogies et des exemples du quotidien pour expliquer des concepts complexes.  © Alain Herzog 2020 EPFL

André Hodder utilise des analogies et des exemples du quotidien pour expliquer des concepts complexes. © Alain Herzog 2020 EPFL

André Hodder est le lauréat du prix du meilleur enseignant de la section génie électrique et électronique de la faculté des sciences et techniques de l'ingénieur.

Quand vous discutez avec André Hodder, vous avez l’impression d’être à ses yeux la personne la plus intéressante du monde. Il vous regarde, captivé, même s’il ne connaît rien à votre discipline. «J’aime les gens», confirme-t-il avec une simplicité désarmante. «Je cherche aussi à casser la distance entre l’étudiant et l’enseignant mis souvent sur un piédestal du fait de la réputation de l’EPFL. Je veux donner confiance aux étudiantes et étudiants pour qu’ils osent venir me poser des questions, même et surtout s’ils n’ont pas compris quelque chose de ‘basique’. La brique doit être posée correctement au départ, pour construire dessus». L’enseignant en section génie électrique et électronique considère d’ailleurs qu’il n’y a pas de mauvais étudiant, du moment qu’il travaille, uniquement de mauvais enseignants. Et tant que l’étudiant n’a pas compris, André Hodder ne le lâche pas. Il essaie avec d’autres mots ou des allégories du quotidien, appelle un collègue si nécessaire – jusqu’à ce que le visage s’éclaircisse : «Ah oui, j’ai compris !». Tilt.

André Hodder a toujours eu envie de partager ses connaissances. Etudiant, il se faisait railler par ses amis, accusé de ‘faire le professeur’. «Au début de ma carrière, j’étais obtus, reconnaît-il. Je pensais détenir la vérité absolue sur la bonne manière d’apprendre. Jusqu’au jour où j’ai heurté une étudiante : je ne supportais pas qu’elle tape ses notes sans me regarder ni me parler. J’ai réalisé que je devais respecter les différentes façons d’apprendre.» Depuis, l’enseignant porte un regard très différent sur son rôle, mais fait toujours preuve d’autant de passion.

Sa soif de comprendre le monde qui l’entoure, en particulier ses aspects techniques, n’est jamais étanchée. Il en a des étincelles dans les yeux. Bricoler, démonter, bidouiller – c’est son truc. « Il faut avoir une photo de toutes les faces pour se représenter une montagne dans son intégralité, et pas seulement du côté suisse, italien ou français ». Celui qui maîtrise plusieurs instruments fait aussi le parallèle avec la musique. «J’ai besoin d’énormément travailler la technique, d’avoir le mouvement et le doigté justes sur la guitare, pour que l’expression vienne ensuite - comme lors d’une jam où je joue avec des enseignants et des étudiants.»

Analogies logiques

Le secret de sa méthode d’enseignement ? Une profusion d’analogies et d’exemples du quotidien pour expliquer des concepts complexes. Parmi ses valeurs sûres, très éclectiques, on trouve les voitures et vélos électriques, les batteries de téléphone portable, les ascenseurs, les brosses à dents électriques. Il ouvre sans cesse des parenthèses et reconnaît, avec le sourire, ne jamais savoir quand il va les refermer… «Une fois que les étudiants ont fait le lien avec un élément concret, on peut passer à des choses plus abstraites comme la technique et les mathématiques», illustre-t-il.

Il faut avoir une photo de toutes les faces pour se représenter une montagne dans son intégralité

André Hodder

André Hodder aime résolument pousser les étudiants à la réflexion. «Comment résoudriez-vous une équation différentielle dans la vraie vie ?», se plait-il à les défier. Il peut s’écouler un long moment avant d’entendre un hésitant «Ben… j’irais regarder sur internet…». «C’est exactement ce que j’attends d’eux ! Qu’ils commencent par travailler le sujet, en faisant leurs recherches», explique-t-il. «Si des aspects confus demeurent, ils peuvent venir me voir et alors j’arrose la graine qui a déjà germé. Je suis seulement le maïeuticien. En Bachelor, je remplis leur sac à dos d’un maximum d’outils, et en Master, je les fais les utiliser».

Beaucoup plus qu’un enseignant

Modeste, l’ingénieur considère avoir seulement un peu plus d’expérience que les étudiants. Mais au-delà de l’enseignant, ces derniers trouvent aussi auprès de lui une oreille attentive pour discuter, autour d’un café, de la vie d’adulte, du monde du travail ou de son approche de la vie en général. Souvent, des liens se créent et se transforment en amitié après le diplôme. Le contact humain est son moteur. En témoigne son soutien sans faille à l’association d’étudiants EPFLoop qui a participé à l’Hyperloop Pod Competition en 2018 et 2019. «Ces projets interdisciplinaires sont extraordinaires. J’ai passé tellement d’heures avec les élèves, à partager leurs doutes, leurs peurs, leur épuisement. Ils en ont bavé, ont passé des nuits et des week-ends à solutionner des problèmes, pour finir 3ème mondial. C’est génial de voir sortir tout leur potentiel, de les aider à trouver leur identité. Je suis si heureux quand ils se réalisent. Nous, enseignants, sommes l’huile dans les rouages des étudiants, comme disait Philippe Gay-Balmaz. En venant au concours, Martin Vetterli a eu une pression positive sur les étudiants, il a montré la confiance qu’il avait en eux. Tout ce qui a émergé de ce projet, les moments positifs comme négatifs, a une valeur incroyable», raconte-t-il avec l’émotion d’une expérience unique vécue. Certainement le moment le plus fort de sa carrière, à ce jour.

Un prix qui vaut de l’or

Que signifie aujourd’hui ce prix de section? «C’est une énorme reconnaissance auprès de la communauté interne de savoir que les professeurs, la section, mes collègues me remercient pour mon investissement et la qualité de mon enseignement. J’ai eu des chefs fantastiques, par leurs corrections bien formulées, la confiance qu’ils m’ont donnée, les encouragements – tout cela pour que l’étudiante ou l'étudiant devienne un ingénieur au final», dit-il, reconnaissant du fond du cœur.

Il n’y a pas de courant alternatif chez André Hodder, seulement du courant continu – et de haute intensité.