«L'occasion de réfléchir à ce qu'on veut faire croître dans nos vies»

Alexandre Mayor - 2025 EPFL/Alain Herzog - CC-BY-SA 4.0
Aumônier à l’EPFL, Alexandre Mayor propose un jeûne de consommation au début du printemps. Son objectif est de «faire de la décroissance une opportunité pour mieux se connaitre soi-même». Et ceci dans la joie!
«Détox’ la Terre»: avec ce titre plus écolo et vaguement New Age que strictement religieux, et surtout moins rébarbatif que les mots «diète» ou «abstinence», Alexandre Mayor et un réseau d’institutions chrétiennes organisent un jeûne de consommation entre mars et avril. Cette initiative, démarrée il y a quelques années à l’instigation de deux anciens étudiants du campus voisin de l’Université de Lausanne, vise à réduire consciemment notre impact sur l’environnement en agissant sur l’alimentation, la mobilité, le logement, les achats de biens et le numérique. En cumulant des actions sur tous ces domaines ou en choisissant certains thèmes.
«Chacun fait ce qu’il veut», indique Alexandre Mayor, aumônier protestant à l’EPFL. «Si cela me prend la tête de regarder des vidéos YouTube tous les soirs jusqu’à pas d’heure, alors ce sera peut-être une détox numérique. Pour d’autres, ce sera de planifier les prochaines vacances en visant à respecter davantage le vivant.»
Oser le défi d’aller nous confronter aux limites planétaires tout en se posant la question de ce qui nous remplit vraiment.
Selon l’aumônier, «le but est de trouver de l’allègement, de la légèreté et de la joie, de manière un peu introspective, mais aussi un peu ludique. Oser le défi d’aller nous confronter aux limites planétaires tout en se posant la question de ce qui nous remplit vraiment.» Cette «recherche de cohérence», explique-t-il, permet de «prendre conscience de la valeur des choses, d’en diminuer certaines et d’en faire grandir d’autres».
Cultiver une écologie du cœur
Pour soutenir la démarche, un cahier personnel est proposé, sorte de mode d’emploi avec des suggestions dans les différents domaines, ainsi qu’un carnet de route sous-titré «Pour cultiver une écologie du cœur». Et pour accompagner les personnes intéressées, l’aumônerie propose également des moments de rencontre, de jeux et de méditation, afin notamment de permettre la confrontation aux émotions difficiles pendant ces temps de privation, «de les observer un peu à distance pour finalement les apprivoiser».
Le lien avec la période carême a du sens du point de vue chrétien, mais ce n’est pas ce qui compte le plus pour Alexandre Mayor. «Dans la tradition religieuse, la sortie de l’hiver correspondait à un moment de solidarité, où les gens mangeaient moins pour que tout le monde puisse partager la fin des réserves avant le retour des prochaines récoltes. C’est un nouveau cycle, un nouveau départ. Mais on aurait tout aussi bien pu organiser cette détox à l’automne», affirme-t-il.
Transition vers moins de viande
A titre personnel, Alexandre Mayor a commencé «une lente transition vers moins de viande» depuis qu’il effectue chaque année ce jeûne de consommation: «C’est venu petit à petit, même le reste du temps, sans que je ne m’en rende vraiment compte. C’est complètement indolore et j’aime toujours autant ma vie culinaire. En même temps, je pense que ça change vraiment mon impact environnemental.»
Cette évolution correspond bien à sa personnalité, lui qui déclare avoir «toujours rêvé d’avoir plusieurs vies». Au moment d’entrer à l’EPFL, en 2016, il venait de passer dix ans dans une paroisse du Nord vaudois, et il trouvait que c’était le bon moment de faire le pas: «Je ne me sentais pas trop décalé pour comprendre encore la culture des vingtenaires», se souvient-il. Alors la curiosité l’a emporté, le ramenant ainsi près du campus de l’Université de Lausanne, où il avait effectué ses études de théologie, avant une année à Manchester. «Ayant été étudiant en échange, j’ai vu comment une aumônerie pouvait être un lieu précieux de rencontre et de socialisation.»
Ses activités l’amènent aujourd’hui à s’investir dans de multiples projets allant de la chorale de gospel aux matchs de foot entre personnes du campus et personnes issues de la migration, en passant par des weekends de sortie en nature et des semaines de bulle de révision avec des petits groupes d’étudiantes et d’étudiants. «Je trouve ça magique d’être dans un métier qui génère autant de liens entre les gens», se réjouit-il.
Un lieu d’écoute active
Un autre aspect de son travail concerne également l’accueil et le soutien individuel. Intégrée au Réseau Soutien et Confiance de l’EPFL, l’aumônerie est un lieu d’écoute active. «Notre mandat, c’est d’être au service de toutes et tous. Nous ne sommes pas un club de chrétiens réservé aux croyants. Certaines personnes ne le savent pas et ça peut faire obstacle. En général, on vient nous voir pour des questions de sens, mais cela peut aussi concerner des problèmes de stress ou de relations, toutes sortes de choses humaines.»
Regarder les choses en face, même si ce n’est pas agréable au début, peut devenir quelque chose de constructif et possiblement heureux.
Si l’aumônier ne chôme pas, il avoue cependant avoir été un peu frustré du peu d’écho et de participation de la communauté EPFL à Détox’ la Terre jusqu’à présent: «Pour une partie des gens, les questions écologiques leur passent totalement au-dessus de la tête. D’autres y sont beaucoup plus sensibles. Certaines personnes disent qu’elles vivent déjà avec tellement peu que leur impact est insignifiant. Mais cela n’empêche pas de se poser des questions.»
Alexandre Mayor en est convaincu: «On ne peut pas attendre que la politique et l’économie prennent des mesures, et continuer pendant ce temps de vivre de la même manière. C’est se mentir à soi-même, personnellement et collectivement. Regarder les choses en face, même si ce n’est pas agréable au début, peut devenir quelque chose de constructif et possiblement heureux.»
Une séance d’information sur Détox’ la Terre aura lieu le 11 mars de 18h15 à 18h45 au CM 1258. Elle n’est pas obligatoire pour les personnes qui s’inscrivent au jeûne de consommation, mais permettra de répondre aux éventuelles questions. >> Plus d’info