"L'ingénierie est la partie la plus passionnante de la recherche"

Cristina Benea © Alain Herzog 2022 EPFL

Cristina Benea © Alain Herzog 2022 EPFL

Professeure assistante de micro-ingénierie à la Faculté des Sciences et Techniques de l’Ingénieur, Cristina Benea-Chelmus se passionne pour la création de nouvelles choses. En tant que directrice adjointe du nouveau Centre pour les sciences et l’ingénierie quantiques (QSE) de l’EPFL, elle explorera de récentes technologies photoniques hybrides qui peuvent être bénéfiques aux applications quantiques. Elle participera aussi à la création d’un centre de recherche et d’éducation multidisciplinaire de classe mondiale.

«J’aime créer des choses et les voir se concrétiser», confie Cristina Benea-Chelmus. «Cet état chaotique où les choses apparaissent et où vous créez quelque chose.»

Cristina Benea-Chelmus a l’impression de vivre un de ces moments passionnants. Elle a récemment quitté les États-Unis, où elle occupait un poste postdoctoral à Harvard, pour venir s’installer à Lausanne. En janvier, elle a commencé son nouveau poste à l’EPFL en tant que professeure assistante «tenure track» de micro-ingénierie à la Faculté des sciences et techniques de l’ingénieur de l’EPFL. Elle est également PI de son propre laboratoire, le Laboratoire de photonique hybride (HYLAB), et directrice adjointe du Centre pour les sciences et l’ingénierie quantiques (QSE) de l’EPFL, lequel a été créé en août 2021.

«Je suis impatiente de voir tous les événements que nous allons organiser au Centre QSE, les intervenants que nous allons inviter, les liens que nous allons créer avec l’industrie», explique Cristina Benea-Chelmus. «Et de donner au corps estudiantin, tant au niveau du master que du doctorat, une bonne vue d’ensemble des nombreux aspects différents du domaine quantique.»

De l’ingénierie électrique à l’ingénierie quantique

C’est cet enthousiasme à saisir des idées et les concrétiser qui a poussé Cristina Benea-Chelmus à devenir ingénieure. Lorsqu’elle a commencé ses études, elle pensait se concentrer sur les mathématiques. Elle a finalement choisi de se spécialiser en génie électrique et en technologie de l’information, obtenant son BSc du Karlsruher Institut für Technologie (KIT) en Allemagne. En génie électrique, elle était attirée par les simplifications qu’utilisent les ingénieurs et leur capacité à traiter des systèmes complexes.

«Je voulais mieux comprendre le fonctionnement des systèmes très simples, qui sont les éléments constitutifs de ces systèmes complexes», poursuit Cristina Benea-Chelmus. «Et c’est à ce moment-là qu’il faut aller plus loin dans la physique, alors j’ai pris beaucoup de cours dans cette matière.»

Elle a suivi des cours sur l’état quantique et l’état solide, ce qui lui a permis d’examiner la «boîte noire» de ces systèmes et de comprendre de quoi ils sont faits. Elle a ensuite pu appliquer ces connaissances dans son travail d’ingénieure. Elle a fait un échange ERASMUS en physique à l’EPFL et a continué au KIT pour obtenir son MSc en optique et photonique, avant de rejoindre l’ETH Zurich pour effectuer un doctorat en physique et un poste postdoctoral, puis à Harvard en tant que boursière postdoctorale. En 2021, elle a obtenu une bourse PRIMA de 1,5 million CHF et est devenue professeure à l’EPFL quelques mois plus tard.

«Pour moi, l’ingénierie des systèmes physiques jusqu’à ce que les effets quantiques deviennent tangibles est la partie la plus passionnante de la recherche, car vous pouvez utiliser l’intuition que vous développez pour des applications ‘‘pratiques’’ plutôt que de la garder uniquement abstraite», déclare Cristina Benea-Chelmus. «Vous devez trouver des solutions dans un ensemble de paramètres qui comporte beaucoup de contraintes techniques. Vous ne pouvez donc pas penser aussi librement qu’une théoricienne ou un théoricien. Mais au final vous pouvez développer quelque chose qui trouve des applications en dehors des sciences quantiques, au profit d’autres communautés.»

Difficulté dans les mesures

L’un des principaux domaines de recherche de Cristina Benea-Chelmus est la métrologie quantique, la science de la mesure des plus petits signaux en valeur absolue. Mais c’est plus facile à dire qu’à faire, car mesurer ces petits signaux implique de traiter avec des états très fragiles qui n’aiment pas être perturbés, mais qui ont besoin de l’être un peu pour être mesurés.

«Tout d’abord, vous devez supprimer tous les bruits», précise Cristina Benea-Chelmus. «Ensuite, vous devez rendre votre système très stable, puis très sensible.»

Au laboratoire HYLAB, elle élargira son champ d’action en recherchant des moyens pratiques de mesurer les ondes à haute fréquence, jusqu’au niveau quantique. Dans son travail, elle crée des liens entre la fréquence optique et la plage de fréquences térahertz en créant des transducteurs. Le fait de pouvoir transférer des informations entre les deux domaines facilite la détection d’informations sur le rayonnement térahertz, car aujourd’hui il n’existe aucun détecteur performant pour cette plage.

«Nous transférons les connaissances scientifiques d’une discipline à l’autre afin de créer des méthodes et des technologies qu’aucune des deux ne pourrait réaliser seule.»

De petites pièces de puzzle

La capacité de transférer les connaissances scientifiques entre les disciplines et de relier différents domaines de la physique explique aussi pourquoi Cristina Benea-Chelmus est si enthousiaste à l’idée de faire partie du Centre QSE. Sa petite pièce du plus grand puzzle de l’ingénierie quantique est la création de puces photoniques qui peuvent permettre des liens entre le domaine électronique et le domaine photonique. Ces puces possèdent des propriétés importantes pour les applications quantiques, car elles peuvent être efficaces pour détecter des particules uniques. Ce travail fait appel à différentes disciplines, telles que les nanotechnologies et la photonique.

Cristina Benea-Chelmus est aussi très heureuse de faire partie du Centre QSE en raison du partage des connaissances. «Les spécialistes en physique, en ingénierie et en informatique sont regroupés. Il y a beaucoup de savoir-faire sur des systèmes qui sont similaires à celui que j’étudie dans leur description théorique, mais physiquement ils peuvent être très différents», indique-t-elle.

Ces similitudes entre les différents systèmes l’incitent à faire des analogies entre eux. Par exemple, le fait de voir comment les systèmes mécaniques et optiques sont liés l’aide à orienter son travail de liaison entre les systèmes optiques et électroniques.

«Chaque fois que vous avez un lien, vous pouvez créer de nombreuses fonctionnalités.»