L'imagerie super-résolue multicolore simplifiée

© 2020 EPFL

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Des scientifiques de l’EPFL ont développé une technique d’imagerie super-résolue multicolore à la fois performante et aisément implémentable. Leur approche est basée sur l’acquisition simultanée de deux canaux spectraux, suivie d’une analyse spectrale des cumulants croisés et d'un démixage. Ils exploitent le clignotement des fluorophores et la diaphonie spectrale pour générer des canaux de couleur additionnels avec des images en super-résolution.

Dans les sciences du vivant, la microscopie à fluorescence multicolore est un outil important pour l’étude des arrangements relatifs des structures cellulaires ou des interactions de différentes protéines. Toutefois, les microscopes conventionnels, véritables chevaux de trait de nombreuses études biologiques, ne peuvent faire apparaître que les détails de l’ordre de la longueur d’onde de la lumière. Durant les deux dernières décennies, plusieurs concepts de microscopie super-résolue ont aidé les chercheurs à surmonter cette limite de diffraction et à réaliser de nouvelles découvertes. Ces nouvelles méthodes ne sont que lentement intégrées dans les applications biologiques de routine. Pour certaines de ces nouvelles techniques, cela est dû à la complexité du matériel de microscopie, mais aussi aux obstacles majeurs que constituent les exigences accrues par rapport à la préparation des échantillons et aux marqueurs fluorescents. Les exigences d’une imagerie super-résolue performante sont encore plus élevées dans les applications multicolores.

Le Laboratoire d’optique biomédicale de l’EPFL dirigé par Theo Lasser a travaillé dur sur la technique de l’imagerie super-résolue à fluctuation optique (SOFI) pour accroître la résolution et l’échantillonnage spatiaux en 2D et 3D. L’approche SOFI est une alternative aux techniques de microscopie de localisation monomoléculaire telles que STORM et PALM. Elle analyse des statistiques spatio-temporelles d’ordre supérieur d’une série temporelle de fluorophores clignotants et ne requiert pas d’isoler des émissions de fluorophores spécifiques. L’approche SOFI est compatible avec un plus large éventail de conditions de marquage et d’imagerie, ce qui simplifie la sélection des fluorophores et les expérimentations. Dans leur nouvelle étude, les chercheurs de l’EPFL dirigés par Theo Lasser et Aleksandra Radenovic (à la tête du Laboratoire de biologie à l’échelle nanométrique) ont élargi l’analyse statistique au domaine spectral pour ouvrir la voie à une nouvelle approche de l’imagerie super-résolue multicolore.

Le nombre de couleurs n’est pas limité par les canaux spectraux du microscope – exploitation de la diaphonie spectrale

L’idée derrière l’approche SOFI multicolore est la suivante. Dans l’imagerie multicolore classique, le but est d’éviter la diaphonie entre les divers canaux spectraux du microscope. Ici, les chercheurs exploitent la diaphonie pour créer des canaux de couleur additionnels. Ils procèdent à une analyse des cumulants croisés entre de multiples canaux spectraux acquis simultanément. L’analyse statistique leur permet de compléter les canaux de détection physique fournis par le microscope par des canaux spectraux virtuels additionnels. « Seuls les signaux qui sont corrélés dans le temps et l’espace dans les différents canaux spectraux apparaîtront dans les canaux virtuels. Nous exploitons la diaphonie, alors que tout le monde cherche à s’en débarrasser », explique Kristin Grußmayer, l’une des principales signataires de l’étude. En combinaison avec le démixage linéaire, les canaux spectraux additionnels purement computationnels permettent de faire apparaître plus distinctement des couleurs de fluorophore que les canaux physiques.
La publication présente la théorie derrière l’approche SOFI multicolore basée sur les cumulants croisés et inclut un cadre général en vue de l’optimisation des canaux spectraux du microscope pour une combinaison donnée de fluorophores à mettre en image. Des jeux de données simulées ont aidé l’équipe à vérifier si sa nouvelle approche multicolore peut fonctionner avec un large éventail de marqueurs dotés de différentes propriétés photophysiques, même pour ceux présentant des spectres d’émission qui se chevauchent fortement. « Nous avons pu montrer que notre approche fonctionne pour de l’imagerie tricolore dans des cellules fixes et vivantes pour une diversité de teintures et de protéines fluorescentes. L’imagerie peut être réalisée au moyen de dispositifs grand champ du commerce, avec des séparateurs d’image à deux canaux courants. En principe, nous ne sommes pas limités à trois couleurs », déclare Kristin Grußmayer.

Des instructions pour effectuer l’analyse spectrale des cumulants croisés dans le cadre de la méthode d’imagerie multicolore SOFI figurent sur le site Internet du Laboratoire de biologie à l’échelle nanométrique, sous https://www.epfl.ch/labs/lben/sofi-packages/, et le logiciel peut être téléchargé à l’adresse https://www.epfl.ch/labs/lben/wp-content/uploads/2020/05/multicolor_sofi_v2.3.zip

Financement

EPFL, NVIDIA Corporation GPU grant, European Union′s Horizon 2020 research and innovation program Marie Skłodowska-Curie Grant Agreement No. [750528] for K.S.G.

Références

K. S. Grußmayer, S. Geissbuehler, A. Descloux, M. Leutenegger, T. Lukes, A. Radenovic, T. Lasser, Spectral cross-cumulants for multicolor super-resolved SOFI imaging. Nature Communications 15 June 2020. DOI: 10.1038/s41467-020-16841-1