L'EPFL dépoussière les travaux pratiques

Des étudiants participants aux TP de Maartje Bastings. © Alain Herzog/2019 EPFL

Des étudiants participants aux TP de Maartje Bastings. © Alain Herzog/2019 EPFL

De nouvelles formes de travaux pratiques émergent au cœur des Discovery Learning Labs. Ils encouragent les étudiants à prendre une position de chercheur, à réfléchir sur des problèmes ouverts et à expérimenter de manière inédite.

Nichée dans le bâtiment ME, dessiné par l’architecte français Dominique Perrault, la salle apparaît énigmatique. Elle est composée de chaises, de tables, d’ordinateurs et de petits moteurs qui se mettent à tourner tout seuls. Des machines sur lesquelles les étudiants peuvent faire leurs expériences à distance, à condition d’être connectés à Internet. Ces travaux pratiques (TP) proposés par Christophe Salzmann en lien avec son cours d’automatique fonctionnent selon le schéma de la classe inversée. «Ils sont liés à un MOOC qui comprend plusieurs modules et des exercices à réaliser grâce à l’expérimentation. Ainsi, les étudiants peuvent choisir de suivre les TP de manière autonome ou de venir en classe pendants les sessions pour poser leurs questions», remarque le chargé de cours.

Offrant une approche inédite, ces TP en «remote access» ont émergé avec les Discovery Learning Labs (DLL). Des laboratoires équipés d’installations de pointe qui offrent en un même lieu la possibilité de réaliser un large éventail d’expériences, de mesures et d’analyses. Et permettent de proposer des TP d’un nouveau type. «Au travers des travaux pratiques de nouvelle génération, les étudiants sont confrontés tôt dans leur cursus à une approche ouverte, de type projet, souligne Pascal Vuilliomenet, responsable des DLL. Ils se familiarisent également avec les équipements et le personnel des DLL qui pourront les accompagner dans des projets interdisciplinaires plus tard dans leur cursus.» 

Impliquer les étudiants

Les DLL font partie du Discovery Learning Program, une initiative pédagogique de l’EPFL pour renforcer l’apprentissage par l’expérimentation, notamment via des TP en lien avec la recherche ou le milieu industriel, et favoriser les synergies entre disciplines. «Nous avons la chance d’avoir d’excellents enseignants et les DLL leur donnent l’opportunité d’enrichir la formation en offrant tout le soutien et le matériel nécessaire», remarque Pierre-Etienne Bourban, responsable de coordonner les DLL d’ingénierie, de matériaux et bioingénierie.

Respectivement professeurs assistants tenure track en science et génie des matériaux et en génie mécanique, Maartje Bastings et John Martin Kolinski font partie des enseignants qui ont profité du soutien des DLL. Ils ont créé à la rentrée 2018 des TP proposant aux étudiants de se mettre dans la peau de chercheurs.

Maartje Bastings a demandé à des étudiants Master de plancher sur la création de micro tissus biologiques à l’aide de polymères étudiés au préalable en classe. «Ils ont dû choisir eux-mêmes les matériaux utilisés, tester les interactions avec les cellules et expérimenter sans connaître le résultat final. D’ailleurs, il n’y a pas de mauvais résultats.» John Martin Kolinski pour sa part, a proposé trois heures par semaine à des étudiants Master différentes expériences se basant sur les derniers résultats de la recherche, et faisant appel à l’électronique, au traitement d’images ou à la chimie. «Je voulais impliquer les étudiants dans les TP du début à la fin, ils ont dû réaliser le matériel sur lequel ils ont effectué les différentes mesures qu’ils ont dû par la suite corroborer. En participant activement à toutes les étapes, les étudiants sont plus motivés, engagés et ils apprennent mieux.»

Post-doctorant au laboratoire des fibres et matériaux photoniques (FIMAP) et doctorants au laboratoire de mise en œuvre des composites à haute performance (LPAC), Rajasundar Chandran, Céline Wyss et Alexandre Mordasini partagent cet avis. En tant que concepteurs et superviseurs de TP, ils ont observé les bienfaits de faire appel à la réflexion et à la créativité des étudiants. «Les TP avec des problèmes ouverts favorisent non seulement l’apprentissage, mais aussi les interactions. Et les remarques des étudiants sont aussi enrichissantes pour moi», souligne Céline Wyss en charge des TP en science des polymères et en biomécanique. TP où les étudiants s’appuient sur les derniers résultats scientifiques, en testant et en optimisant différents hydrogels développés à l’EPFL.

«Dans les TP standards, il y a un protocole à suivre et les étudiants ne sont pas obligés d’absorber les concepts, ils peuvent réussir sans être vraiment impliqués ni motivés, je sais de quoi je parle je l’ai vécu» rigole Alexandre Mordasini. Le jeune chercheur planche actuellement sur une réforme des travaux pratiques sur les composites afin de mettre en avant une approche «do it yourself». Un concept que pratique pleinement Rajasundar Chandran dans ses TP sur l’impression 3D, où les étudiants doivent réaliser un mini pont répondant à différents critères. «Ils doivent programmer les machines et choisir les matériaux adéquats. Grâce à ce processus, ils apprennent à maîtriser toutes les étapes de l’impression 3D.» Ainsi, ils sont autonomes pour réaliser des pièces fonctionnelles, qui pourront leur servir dans la suite de leur cursus, par exemple pour des projets interdisciplinaires. «Pour apprendre, les étudiants doivent être confrontés à des problèmes, se brûler les doigts», conclut Pierre-Etienne Bourban. Donner le droit à l’erreur pour permettre de mieux l’apprivoiser.