L'EPFL baptise sept lieux d'après des femmes illustres

ournée internationale des droits des femmes 2022 à l'EPFL © Alain Herzog / 2022 EPFL

ournée internationale des droits des femmes 2022 à l'EPFL © Alain Herzog / 2022 EPFL

Le 8 mars 2022, à l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes, l’EPFL a attribué des noms de femmes scientifiques ou ingénieures pionnières à différentes places, rues et chemins de son campus d’Ecublens.

En présence de la présidente du Conseil d’Etat vaudois Nuria Gorrite et du syndic d’Ecublens Christian Maeder, une cérémonie officielle a marqué le 8 mars l’entrée de sept femmes sur la carte du campus de l’EPFL. Le président de l’école, Martin Vetterli, la vice-présidente pour la transformation responsable, Gisou van der Goot, et la directrice du Swiss Tech Convention Center (STCC), Julianne Jammers, ont accueilli plusieurs personnalités, dont certains proches ou descendants des femmes célébrées, parmi lesquelles figurent quatre Suissesses.

Cette cérémonie, organisée dans le cadre de la Journée internationale des droits des femmes, suivait une large consultation de la communauté EPFL. Plus de 400 personnes ont répondu à l’appel et une centaine de noms ont été proposés. Un comité de sélection, composé de onze personnes représentatives des différents corps de l’Ecole (estudiantin, enseignant, administratif et technique) et comprenant également un historien des sciences et la déléguée à l’égalité de l’EPFL, a ensuite soumis une liste restreinte à la Direction pour décision, avant acceptation par la commune d’Ecublens et le canton de Vaud.

Jusqu’à ce jour, dix hommes étaient célébrés sur le campus, mais aucune femme. Une meilleure égalité des genres dans l’enseignement, la recherche et l’innovation est un objectif important de la Direction, de la Vice-présidence pour la transformation responsable (VPT) et du Bureau de l’égalité des chances de l’EPFL, ainsi qu’en témoigne le Plan d’action égalité & diversité.

Les femmes pionnières

Ada Lovelace, née Byron (1815-1852), mathématicienne anglaise considérée comme la première programmatrice en informatique de l’histoire, a été la scientifique la plus plébiscitée par la communauté EPFL. Pour calculer les nombres de Bernoulli avec la machine de Charles Babbage, elle avait développé entre 1842 et 1843 un algorithme très détaillé, comportant la première boucle conditionnelle, véritable concept informatique. Elle donnera désormais son nom à la place située entre les bâtiments BM, BP et SG, à l’entrée nord du campus.

L’architecte suisse Flora Ruchat-Roncati (1937-2012), première femme professeure ordinaire de l’ETHZ en 1985 et co-auteure des plans de plusieurs bâtiments de l’EPFL réalisés entre 1993 et 2000, sera dorénavant associée à l’esplanade du STCC, au nord du campus. Figure importante de la Tendenza, mouvement d'architecture moderne tessinoise qui place les besoins des utilisatrices et utilisateurs au premier plan, elle a été inspirée par Le Corbusier et a produit plusieurs édifices et infrastructures importantes en Suisse. Une de ses deux filles a envoyé un message de remerciement au nom de la famille pour cet hommage de l’EPFL à leur mère.

Erna Hamburger (1911-1988), ingénieure suisse et docteure ès sciences techniques, restera comme la première femme professeure ordinaire de l’École polytechnique de l’Université de Lausanne (EPUL) en 1967, deux ans avant sa transformation en EPFL où elle enseigna jusqu’en 1979. L’Université de Lausanne lui a déjà attribué son plus grand auditoire et le Prix Erna Hamburger de la Fondation EPFL-WISH existe également, mais le comité de sélection a estimé qu’une reconnaissance supplémentaire lui était due sur la carte du campus, avec un chemin sinuant entre les bâtiments du Parc de l’Innovation. Deux professeurs honoraires de l’Ecole, l’ayant connue comme étudiants, ont fait son éloge pendant la journée du 8 mars.

Autre Suissesse pionnière, Cécile Biéler-Butticaz (1884-1966) a été la première femme diplômée, en 1903, de l’École d'ingénieurs de Lausanne, ancêtre de l’EPUL et de l’EPFL. D’abord ingénieure électricienne, elle reprit des études après la naissance de ses trois fils et obtint en 1929 un doctorat de physique. Plusieurs de ses nombreux petits-enfants et descendants étaient présents à la cérémonie, dont l’ancien conseiller d’Etat vaudois écologiste Philippe Biéler, qui a fait un discours émouvant sur sa grand-mère, très chérie dans la famille. Un chemin au sud du campus, en direction des résidences étudiantes, porte maintenant son nom.

C’est encore une Suissesse, mais sans descendance et ayant fini sa vie à 90 ans dans un asile psychiatrique, qui hérite d’un autre chemin, proche du marais de l’EPFL. La chimiste Gertrud Woker (1878-1968), pacifiste et féministe, fut une lanceuse d’alerte infatigable dès la Première Guerre mondiale, mettant en avant les dangers des armes chimiques, puis nucléaires. Elle milita ardemment pour le droit de vote des femmes et fut la première à montrer la toxicité du plomb dans l’essence, mais fut largement ignorée et souffrit de dépression, comme en a témoigné son petit-neveu, l’ancien ambassadeur Daniel Woker, lors de la journée.

La neurobiologiste et neurologue italienne Rita Levi-Montalcini (1909-2012) eut aussi une longue vie marquée de drames mais obtint quant à elle une vraie reconnaissance avec le Prix Nobel 1986 de physiologie ou médecine pour sa découverte révolutionnaire des facteurs de croissance des cellules nerveuses. Dans sa jeunesse, discriminée en tant que juive par le régime fasciste, elle tenta sans succès d’obtenir l’asile en Suisse mais fut refoulée à la frontière. Après son Prix Nobel, elle créa une fondation pour l’éducation des femmes en Afrique. Sa rue longe désormais le bâtiment des Sciences de la vie.

Enfin c’est la mathématicienne iranienne Maryam Mirzakhani (1977-2017), première femme (et seule à ce jour) à avoir reçu la Médaille Fields – équivalent du Prix Nobel de mathématique, mais remis une fois tous les quatre ans seulement – qui s’est vu attribuer une autre rue du campus, perpendiculaire à l’Allée de Savoie. Décédée à l’âge de 40 ans seulement, elle souhaitait que son prix inspire les autres femmes, comme l’a rappelé un message de son mari lu pendant la cérémonie. La communauté iranienne est l’une des plus importantes parmi les nombreuses nationalités qui composent la mosaïque EPFL.