L'astéroïde Vesta questionne les origines de la Terre

L'intérieur de Vesta ne serait pas tel qu'on l'imaginait. © Jamani Caillet (EPFL)

L'intérieur de Vesta ne serait pas tel qu'on l'imaginait. © Jamani Caillet (EPFL)

Les chercheurs de l’EPFL connaissent désormais mieux la structure de l’astéroïde Vesta, grâce à leur simulation numérique et aux données de la sonde spatiale Dawn. Leur découverte, publiée dans Nature, remet en question les modèles d’évolution des planètes rocheuses, dont la Terre.


Avec ses 500 km de diamètre, Vesta est l’un des plus gros embryons de planète connus. Il s'est formé aux débuts du Système solaire. Les scientifiques s’y intéressent de près, et c’est pourquoi la NASA a envoyé la sonde Dawn sur son orbite durant une année, entre juillet 2011 et juillet 2012.

Une équipe regroupant des chercheurs de l’EPFL et des Universités de Berne (Suisse), de Bretagne (France) et d’Arizona (Etats-Unis) a étudié les données rapportées par Dawn. Conclusion: la croûte de l’astéroïde serait près de trois fois plus épaisse que la théorie ne le laissait prédire! Ce travail ne fait pas que nous renseigner sur la structure de ce corps céleste, perdu entre les orbites de Mars et Jupiter. Il remet également en question une donnée fondamentale utilisée dans les modèles de formation des planètes, à savoir la composition du matériau de base qui s’est agrégé, s’est échauffé, a fondu puis s’est cristallisé pour les constituer.

Au Laboratoire de sciences de la Terre et des Planètes (EPSL) de l’EPFL, dirigé par Philippe Gillet, Harold Clenet s’est intéressé à la composition des roches qui jonchent le sol de Vesta. «Ce qui est frappant, c’est l’absence d’un minéral particulier – l’olivine – sur la surface de l’astéroïde», explique le chercheur. Composant principal des manteaux planétaires – la couche qui se trouve sous la croûte - l’olivine aurait dû se trouver en grande quantité à la surface de Vesta, en raison d’un double impact de météorite qui, d’après les simulations numériques, a «creusé» le pôle Sud du corps céleste jusqu’à une profondeur de 80 km, rejetant d’énormes quantités de matière à la surface.

Les deux impacts sur Vesta ont été si puissants que plus de 5% des météorites retrouvées sur Terre en sont issues. «Ces cataclysmes n’ont pourtant pas suffi pour percer la croûte et atteindre le manteau de Vesta», reprend Harold Clenet. Les météorites originaires de Vesta retrouvées sur Terre le confirment, puisqu’elles ne présentent généralement pas d’olivine, ou alors rarement et dans une proportion infime, comparé à ce que l’on devrait observer dans un manteau planétaire. Quant à la sonde Dawn, elle n’a pas trouvé de trace de ce minéral là où on pouvait l’attendre, notamment dans les deux cratères. «Cela signifie que la croûte de l’astéroïde ne mesure pas 30 km d’épaisseur, comme le voulaient les modèles, mais plus de 80 km.»

La composition des planètes rocheuses est remise en cause

Ces nouvelles découvertes invitent à reconsidérer le scénario de la formation de Vesta et des planètes rocheuses du système solaire. Et notamment celui de son refroidissement, vraisemblablement accompagné de phénomènes de «re-fusion» en profondeurs d’éléments auparavant solidifiés. «La croûte aurait été épaissie par la formation de “plutons”, c’est-à-dire des intrusions de roches magmatiques, de plusieurs centaines de mètres, dont certaines affleurent à la surface», explique le scientifique.

Si Vesta comporte moins de manteau (riche en olivine) et plus de croûte (riche en pyroxène), cela signifie que la proportion des matériaux dont Vesta est composée, et qu’elle partage probablement avec la Terre et les autres planètes dites telluriques (Mars, Venus, Mercure), n’est pas celle qu’on croyait.

Il faut donc reconsidérer le modèle de formation des planètes. Un modèle complexe, qui ne dépend pas seulement des matériaux de base, mais aussi de l’orbite et de la taille de l’objet, qui influent sur la durée de refroidissement. Vesta, seul astéroïde connu à partager une structure commune avec les planètes rocheuses – avec une croûte, un manteau et un noyau – est, du fait de sa taille modeste par rapport à la Terre, un formidable laboratoire pour tester hypothèses et théories.



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© 2014 EPFL/Jamani Caillet, Harold Clenet
© 2014 EPFL/Jamani Caillet, Harold Clenet

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