Kazuhiro Morimoto, « étoile montante des nanosciences »

Kazuhiro Morimoto © 2022 EPFL

Kazuhiro Morimoto © 2022 EPFL

Pour ses travaux sur première caméra à un million de pixels, Kazuhiro Morimoto, a été nommé par Nature parmi les quatre « stars montantes qui sont en train de redessiner les nanosciences ». Interview.

Voitures sans chauffeurs, réalité virtuelle et augmentée, microscopes électroniques, systèmes de navigation… les capteurs d’images sont au cœur de systèmes toujours plus nombreux. En 2020 à l’EPFL, le travail de doctorat de Kazuhiro Morimoto, sous la supervision d’Edoardo Charbon, au Laboratoire AQUA de l’EPFL, en partenariat avec Canon, a été reconnu par les spécialistes comme un grand pas vers la vision 3D du futur. Vitesse et résolution record : leur caméra à un million de pixels était une première mondiale. Le chercheur japonais, détenteur du record du plus petit pixel au monde, vient d’être nommé par la revue scientifique Nature parmi les quatre « stars montantes en train de redessiner les nanosciences ». Interview.

Vos travaux ont été remarqués au point de vous valoir cette nomination dans « Nature ». De nombreux autres spécialistes du domaine vous ont contacté pour utiliser cette technologie et Edoardo Charbon, professeur au Laboratoire AQUA où vous avez effectué vos recherches, a dit qu’il vous avait fallu environ la moitié des quatre ans nécessaires à la plupart des chercheurs pour ce genre de travail. Quel est votre secret ?

Il n’y a effectivement aucune autre technologie, encore actuellement, qui soit capable d’une performance optimale sur les trois atouts essentiels pour les capteurs d’images que sont la rapidité, une vision en 3D et un contraste irréprochable même dans des conditions de faible luminosité. Les meilleures puces actuelles ne peuvent en offrir que deux. Pour la caméra, le secret a été de réussir à miniaturiser un pixel afin d’en caser un million sur une photodiode à avalanche monophotonique (SPADs), qui détecte des photons uniques et les convertit en signaux électriques qui sont traduits en information digitale.

Quant à mon travail, il s’agit surtout d’une rencontre qui a bien fonctionné. Lorsque j’ai contacté Edoardo Charbon en 2018, je cherchais précisément à travailler sur l’amélioration des diodes d’avalanche à photon unique (SPAD, car il s’agit d’un avantage essentiel pour de très nombreux domaines de l’industrie et de la recherche. Les nombreuses perspectives d’applications que voyait Edoardo Charbon m’ont motivé encore davantage.

Avez-vous eu un moment « Eureka » durant vos recherches sur ce dispositif ?

Pas vraiment, cela a été un long processus de réflexion plutôt. Nous avions l’objectif : un mégapixel de résolution. Mais nous ne savions pas comment nous allions y arriver. Avant de commencer les recherches, le professeur Charbon et moi-même avons eu de très nombreuses discussions détaillées avec l’appui du tableau blanc et de carnets de notes : nous avons échangé au sujet de la théorie, du design, des tenseurs, etc. Pour être honnête, cela paraissait plus ou moins impossible. Puis nous avons miraculeusement trouvé la solution. Et un an et demi plus tard, après de nombreuses simulations qui semblaient fonctionner, j’ai enfin commencé à dessiner la puce.

Je me souviens avoir vu l’image apparaitre sur mon PC : c’était la toute première observation d'une impulsion de lumière se déplaçant en trois dimensions.

Kazuhiro Morimoto

Pourquoi avoir choisi la Faculté STI de l'EPFL pour effectuer votre doctorat ?

L’entreprise Canon, qui m’employait à Kanagawa (Japon) depuis 2013, nous offre la possibilité de prendre deux ans pour effectuer des recherches dans un laboratoire étranger. Ma motivation étant d’étudier la détection de photons uniques, j’ai fait quelques recherches pour trouver un laboratoire idéal, à la pointe de ce domaine, et je suis tombé sur l’AQUA dans lequel de nombreux doctorants avaient déjà mené des recherches sur des sujets similaires depuis une quinzaine d’années. L’EPFL est bien connue au Japon dans le domaine de l’ingénierie. Je suis donc venu en Suisse entre 2017 et 2019, puis une fois de retour au Japon j’ai continué à écrire des articles avec le laboratoire.

Quel est votre meilleur souvenir à l’EPFL?

Le moment où j’ai fait fonctionner la caméra, appelée MegaX, pour la première fois. Souvent, le design de capteurs avec des semi-conducteurs prend des mois, puis la fabrication fait de même. Il faut donc souvent plusieurs années avant d’avoir le résultat sous les yeux. Deux ans après le début de mon travail, ce qui m’a paru vraiment long, j’ai reçu la première puce test. Les premières semaines, cela ne fonctionnait pas en raison de quelques bugs. J’ai patiemment procédé à leur mise au point et tout d’un coup ça a fonctionné ! Je me souviens avoir vu l’image apparaitre sur mon PC : c’était la toute première observation d'une impulsion de lumière se déplaçant en trois dimensions.

Que devient MegaX aujourd’hui ? Vous êtes retourné travailler chez Canon, sur quoi portent vos recherches actuellement ?

Nous-mêmes, ainsi que des chercheurs d’autres institutions, avons utilisé ce système pour de très nombreuses recherches, dont certaines ont donné lieu à des publications par l’EPFL : par exemple pour des mesures de distances précises comme dans le cas des véhicules ou de l’imagerie biomédicale. J’ai également réussi à diminuer encore davantage la taille du pixel (à 2,2 microns) et détiens le record du plus petit pixel au monde à l'heure actuelle sur la base des SPAD. Globalement, je continue mon travail d’ingénieur sur les systèmes semi-conducteurs et plus spécifiquement dans le domaine de l’imagerie. La collaboration dans un environnement industriel, avec des chercheurs de différents domaines, tels que le développement de logiciels, l'optique et le génie électrique et mécanique, est particulièrement motivante.