« Je suis tombée amoureuse des éponges »

Wendy Queen et ses collègues mettent au point des matériaux ressemblant à des éponges qui recueillent des substances spécifiques dans les liquides et les gaz. © Alain Herzog/EPFL

Wendy Queen et ses collègues mettent au point des matériaux ressemblant à des éponges qui recueillent des substances spécifiques dans les liquides et les gaz. © Alain Herzog/EPFL

Professeure au Laboratoire des matériaux inorganiques fonctionnels de l'EPFL, Wendy Queen raconte sa passion pour les éponges. Certaines éponges.

« Je m'appelle Wendy Queen. Je suis originaire de Caroline du Sud. J'ai déménagé en Suisse depuis la baie de San Francisco en mai 2015, après avoir obtenu un poste de professeure assistante tenure track à l'EPFL Valais-Wallis. Depuis, je dirige le Laboratoire des matériaux inorganiques fonctionnels.

On pourrait dire que mon travail se concentre sur les éponges. Ou tout au moins des matériaux qui ressemblent à des éponges. Nous les appelons « metal–organic frameworks » – abrégé en MOF. En fait, nos éponges sont constituées de blocs de construction métalliques et organiques. A première vue, les MOF ressemblent plutôt à de la poudre. Mais quand on apprend à les connaître, on s’aperçoit qu’ils ont beaucoup de points communs avec les bonnes vieilles éponges de cuisine qu’on utilise pour faire la vaisselle. Les MOF sont les matériaux les plus poreux du monde. Leurs pores vont d'un demi-nanomètre à un maximum de 5 nanomètres, soit environ 50'000 fois plus petits que le diamètre d'un cheveu humain. Nous concevons les éponges de manière à ce qu'elles puissent absorber sélectivement des molécules ou des ions plutôt que d'autres. Ainsi, les MOF peuvent être utilisés pour séparer des éléments spécifiques de gaz ou de liquides. Par exemple, nous pouvons les concevoir spécifiquement pour éliminer les métaux lourds de l'eau ou le dioxyde de carbone de l'air.

Wendy Queen et ses collègues mettent au point des matériaux ressemblant à des éponges qui recueillent des substances spécifiques dans les liquides et les gaz. © Alain Herzog/EPFL

Je suis chimiste, avec une formation en chimie inorganique. Au cours de ma carrière scientifique, j'ai toujours été fascinée par la structure des matériaux, leur fonctionnement et la raison pour laquelle ils ont telle ou telle propriété. En fait, c’est mon attrait pour les structures qui explique pourquoi je me suis autant intéressée aux MOF. Ces matériaux sont extraordinairement beaux. Si vous examinez leur structure cristalline, vous constatez que les atomes sont disposés de manière très bien définie. Cet ordre nous permet d'identifier les caractéristiques structurelles qui donnent lieu aux propriétés souhaitées dans un matériau donné.

Je me souviens de mon premier engouement pour les MOF. En tant que doctorante, je concevais de nouveaux matériaux et j'étudiais leurs propriétés magnétiques. Lors de mon postdoctorat, je voulais développer de nouvelles connaissances et élargir mon horizon scientifique. En particulier, je voulais davantage développer mes compétences relatives à la caractérisation des matériaux. Alors, j'ai présenté ma candidature pour un poste au NIST Center for Neutron Research de Gaithersburg, dans le Maryland. Là, j'ai eu la chance d'étudier les matériaux en détail à l'aide de techniques de diffusion neutronique. En résumé, j'ai commencé à utiliser les neutrons pour étudier la structure des MOF et, depuis, je n'ai plus travaillé sur d'autres matériaux.

J’ai à cœur que mes recherches s’appliquent à la résolution d’enjeux globaux, comme la réduction de la consommation d'énergie, la diminution des émissions de CO2 et l'amélioration de la qualité de l'eau. A l'heure actuelle, je constate que les matériaux poreux peuvent avoir un impact de premier ordre pour notre monde, et c'est l'une des raisons pour lesquelles je continue à travailler sur les MOF.»

Wendy Queen et ses éponges