«Je change mes cours chaque année, sinon je m'ennuie»

Rizlan Bernier-Latmani © Alain Herzog / 2020 EPFL

Rizlan Bernier-Latmani © Alain Herzog / 2020 EPFL

Engagée à l’EPFL il y a quinze ans, Rizlan Bernier-Latmani a reçu en 2019 le prix de la meilleure enseignante de la section sciences et ingénierie de l’environnement

Niché au fond d’un couloir, le bureau de Rizlan Bernier-Latmani est tapissé de dessins de ses enfants, âgés de onze et huit ans. Certains représentent leur vision de son travail. «Ils ne comprennent pas encore réellement ce que je fais, mais ils ont déjà un attrait pour la science, ils aiment faire des expériences.» Un héritage de leur mère qui apprécie explorer des territoires inconnus, autant d’un point de vue culturel que scientifique. Mais aussi transmettre ses connaissances. Pour son approche pédagogique, la professeure responsable du laboratoire de microbiologie environnementale a d’ailleurs reçu en 2019 le prix de la meilleure enseignante de la section sciences et ingénierie de l’environnement. Une récompense qui va dans le sens des évaluations des étudiantes et étudiants conquis par ses cours.

Favoriser l’accès aux connaissances

«Pour moi, enseigner signifie organiser la connaissance de manière à la rendre accessible. Mon objectif principal est que l’on retienne quelque chose de mon cours. Cela demande beaucoup de préparation et de la flexibilité.» Mais la professeure née au Maroc, qui a ensuite vécu aux Etats-Unis avant de quitter la Californie pour l’Arc Lémanique sait facilement s’adapter, et cultive un esprit d’ouverture. «J’essaye constamment de m’améliorer et je change mes cours chaque année, sinon je m’ennuie.»

La spécialiste en géomicrobiologie a effectué des travaux de terrain aux quatre coins du monde, de la République Dominicaine au Vietnam, en passant par la Serbie. Avant d’arriver à l’EPFL en 2005, elle a également enseigné durant quatre mois au Pérou. «J’ai remarqué que mon champ de recherche était inconnu dans ces pays.» Aujourd’hui, la chercheuse travaille principalement sur la manière dont les microorganismes transforment les métaux.

Pour partager ses connaissances au plus grand nombre, notamment aux étudiantes et étudiants des pays en voie de développement, elle vient aussi de réaliser un MOOC sur la qualité de l’eau et les processus biogéochimiques. Ceci avec Laurent Charlet, professeur à l’Université de Grenoble.

La docteure en ingénierie civile et environnementale de l’Université de Stanford explore aussi ce thème dans le cadre de son cours de deuxième année Bachelor microbiologie pour l’ingénieur. Pour le MOOC, elle a d’ailleurs utilisé une partie des vidéos élaborées lorsqu’elle a testé le format de la classe inversée. «Sur demande des étudiants, je suis cependant revenue au format classique, même si je continue à proposer les vidéos en appoint sur Moodle.» Pour intéresser les futurs ingénieurs aux microorganismes, la chercheuse présente l’impact concret de ceux-ci sur l’environnement. «Je m’appuie notamment sur des exemples locaux, comme celui d’une région du Canton de Fribourg où l’eau a été rendue non potable en raison de la présence de nitrates issues d’un engrais chimique.»

Exemples pratiques

Soucieuse de permettre aux étudiantes et étudiants d’appliquer la théorie, son cours est accompagné de travaux pratiques sur la réduction du fer. «Ils étudient les bactéries qui transforment le fer, ils doivent faire des mesures, comprendre le processus. Devoir mettre en pratique la théorie implique une énorme différence en matière d’apprentissage.»

C’est pourquoi, dans le cadre de son cours Master optionnel sur l’assainissement de l’eau souterraine et du sol, elle privilégie aussi l’application concrète de la théorie. Elle demande ainsi aux étudiantes et étudiants de travailler en groupe de deux sur un plan d’assainissement pour un site contaminé, en se basant sur des données réelles. Ils doivent établir une stratégie, écrire un rapport et le défendre lors de l’examen oral. La professeure se procure chaque année les données d’un nouveau site. «Les étudiantes et étudiants sont confrontés aux contraintes du monde réel et à la gestion de projet, ils doivent émettre des hypothèses, faire appel à leur capacité de jugement. C’est similaire à un travail de consultant.»

Petit changement, grand impact

Pour ce cours de Master optionnel, la professeure a également testé au printemps dernier l’utilisation de la tablette à la place du tableau noir. «J’étais frustrée de devoir tourner le dos aux étudiants durant mes explications. Avec la tablette, je suis face à eux, et j’ai constaté que ce petit changement a entraîné une grande différence sur leur attention. Je vais donc utiliser cette méthode pour tous mes cours.» Rizlan Bernier-Latmani pense spécialement au cours d’introduction à l’ingénierie environnementale qu’elle coenseigne et qui réunit environ 150 étudiantes et étudiants. «C’est un cours où il est plus difficile d’avoir une interaction, même si j’essaye en posant régulièrement des questions.»

La professeure a-t-elle vu la fréquentation de ses cours augmenter avec la mise en avant des questions environnementales ? «Non pas vraiment, car je ne pense pas que les étudiants font le lien entre les microorganismes et ces questions.» Elle est par contre heureuse de constater une prise de conscience plus étendue vis-à-vis de l’environnement. «C’est désormais aux politiques d’empoigner le problème.» A titre individuel, cette grande amatrice d’ouvrages historiques et géopolitiques essaye de limiter son empreinte carbone «mais on peut toujours s’améliorer». Une devise qui ne la quitte pas et le gage d’une excellente professeure.