Isabelle Eula, bibliothécaire expatriée

« Française de cœur, je me sens citoyenne du monde, ma maison est où là je suis », assure la directrice de la Bibliothèque de l'EPFL. ©Alain Herzog/EPFL

« Française de cœur, je me sens citoyenne du monde, ma maison est où là je suis », assure la directrice de la Bibliothèque de l'EPFL. ©Alain Herzog/EPFL

Après plus de 20 ans à l’étranger, la nouvelle directrice de la Bibliothèque de l’EPFL vient de poser ses valises au bord du Léman. Portrait.

Dans la clarté du Rolex Learning Center, Isabelle Eula irradie encore. Son sourire généreux, sa cordialité chaleureuse, son élégance originale, son aura rayonnante sont le fruit d’un cocktail unique élaboré au cours des 20 dernières années, de sa France natale à l’Afrique du Sud à la Malaisie en passant par les Émirats arabes unis et le Qatar. La nouvelle directrice de la Bibliothèque de l’EPFL a noyé ses origines dans des eaux multiculturelles, poussée par une soif d’autres horizons, héritée de son père, et habitée par l’envie de contribuer à partager le savoir. Certaine de ne pas vouloir revenir en France, elle a choisi de poser ses valises à l’EPFL, déterminée à accompagner la bibliothèque de l’EPFL dans une transformation imposée par le numérique.

« Depuis toute petite, je savais que je voulais faire quelque chose en lien avec l’éducation, travailler dans une institution du savoir. » Elle aurait pu être institutrice, Isabelle Eula est devenue bibliothécaire. Après son master en information scientifique et technique, elle acquit la certitude de vouloir travailler en milieu anglophone. Durant son poste à l’Institut de l’information scientifique et technique de Nancy, rattaché au CNRS, elle poursuivra sa formation professionnelle et linguistique, à Santa Barbara et à Pretoria.

« Depuis toute petite, je savais que je voulais faire quelque chose en lien avec l’éducation, travailler dans une institution du savoir. »

Isabelle Eula, directrice de la Bibliothèque de l'EPFL

Le rêve américain

Au tournant du siècle, elle entame son « rêve américain », passant par la petite porte, qui s’ouvre à… Leysin ! Isabelle Eula devient responsable de la bibliothèque de l’école américaine. En 2003, elle embarque dans un projet de mise en place d’une école internationale à Abu Dhabi. Un an plus tard, elle prend la direction de la bibliothèque à Carnegie Mellon University in Qatar, puis le projet de la Bibliothèque Nationale du Qatar, un modèle hybride alliant les fonctions de bibliothèque universitaire et nationale, en tant que directrice adjointe. Le projet est passionnant : participer à une Cité de l’éducation où tout était à construire, du bâtiment aux collections et au recrutement des équipes. « C’était une opportunité extraordinaire d’apporter ma petite pierre à la transformation de ce pays. »

En 2013, elle passe la main à un diplômé qatarien et s’envole avec son conjoint pour la Thaïlande. Après un an de congé sabbatique, elle regagne Kuala Lumpur où elle dirige la bibliothèque de Monash University Malaysia. Les 12 derniers mois, vécus dans un confinement extrêmement strict, sont l’occasion d’une remise en question professionnelle. « Dans un environnement de travail totalement virtuel, il existe un risque bien réel de perdre le sentiment d’appartenance à une institution. Et puis, je ne voyais plus très bien où se dirigeait la Malaisie », admet celle qui a à cœur d’« avoir un impact ».

Isabelle Eula, directrice de la Bibliothèque de l'EPFL. © Alain Herzog/EPFL

« Ma maison est là où je suis »

Le « rêve américain » s’échoue-t-il sur les rives du Léman ? « J’ai accompli mon rêve américain au-delà des continents, et au travers de cultures différentes qui m’ont appris en premier lieu l’humilité. Je garde à l’esprit que, quelle que soit l’institution où l’on arrive, on recommence toujours à zéro. » Isabelle Eula voit dans sa venue en Suisse un continuum, une « progression naturelle » en rejoignant une institution globale et multiculturelle au cœur de l’Europe. « Française de cœur, je me sens citoyenne du monde, ma maison est où là je suis », résume-t-elle.

A l’EPFL, Isabelle Eula et son équipe devront relever un défi important : le processus de transformation de la bibliothèque de l’EPFL, concernée comme ses consœurs par les bouleversements relatifs au monde digital, avec en toile de fond la volonté politique forte de la direction de l’EPFL de faire avancer l’Open Science. Cette transformation impliquera notamment de faire évoluer la structure et les fonctions de la bibliothèque pour remplir pleinement sa mission d’accompagnement à l’enseignement et de valorisation de la production scientifique.

Les bords du Léman, c’est aussi pour le couple, l’accès extraordinaire à une offre culturelle variée. La perspective aussi de retrouver la marche et une plus grande proximité avec la nature. Et pour finir, Madame la directrice de la Bibliothèque, livre papier ou liseuse ? « Papier ! J’ai un attachement affectif aux livres. Enfin pas tous, il y en a que je garde et d’autres que j’ai plaisir à partager avec des amis ou à déposer dans les boîtes à livres. » Une découverte ? « La littérature asiatique : The Gift of Rain de Tan Twan Eng, When We Were Orphans de Kazuo Ishiguro, Pachinko de Min Jin Lee, How We Disappeared by Jing-Jing Lee, Sea of Poppies by Amitav Ghosh, par exemple. » Bonne lecture!