Innover en medtech, oui. Et ensuite ?

De nombreuses innovations dans les technologies médicales naissent dans les laboratoires, prometteuses contre bien des pathologies. Or ces solutions franchissent très rarement la porte des universités. Des chercheurs de l’EPFL proposent un processus pour faciliter leur passage vers l’utilisation clinique.

Les progrès dans les domaines des matériaux, de l’imagerie médicale ou encore de la microfabrication permettent aux chercheurs de développer des neuroprothèses implantables toujours plus innovantes. Ces dispositifs électriques, souples et biocompatibles, permettant de communiquer avec notre système nerveux, ont démontré leur potentiel pour améliorer la qualité de vie de patients atteints par exemple de paralysie ou de surdité. Mais malgré leurs promesses, ces innovations ne sortent que rarement des laboratoires.

Beaucoup de découvertes mais peu de produits sur le marché

La translation vers la clinique d’un dispositif implantable demande, en autre, ingénierie et développement souvent sous-estimés par le monde académique. « Cela est donc rarement possible chez un partenaire industriel lorsque l’innovation est très en amont du savoir-faire établi », explique Stéphanie Lacour, qui dirige le Laboratoire des Interfaces Bioélectroniques (LSBI) de l’EPFL. 

L’évaluation de nouveaux dispositifs implantables est trop souvent découplée de la réalité physique et biologique dans laquelle ils seront utilisés chez l’homme. « L’introduction d’implants souples appelle également à des nouvelles validations jusqu’ici non considérées pour les implants utilisés aujourd’hui en clinique » complète la professeure. 

Les chercheurs de l’EPFL ont donc mis au point un protocole expérimental multimodal pour tester, optimiser et valider des dispositifs implantables, souples, et personnalisés, tels que ceux conçus au sein du LSBI, en vue de leur translation vers l’utilisation clinique. Cette méthode a été publiée dans Advanced Materials.

Un processus en quatre étapes

Tout d’abord, un prototype exact du tissu dans lequel sera implanté le dispositif in vivo, avec ses propriétés anatomiques et biophysiques, est produit. Cette reproduction personnalisée est possible grâce aux données obtenues avec l’imagerie médicale et les possibilités offertes par la fabrication additive. « Cela signifie que pour chaque individu, nous reproduisons la structure anatomique exacte du tissu qui hébergera l’implant », souligne Giuseppe Schiavone, chercheur postdoctoral au LSBI. Le procédé de fabrication du dispositif implantable souple est ensuite optimisé pour assurer reproductibilité et fiabilité. La neuroprothèse souple est insérée dans la réplique de tissu, et le tout est placé dans un environnement qui reproduit les conditions biophysiques du milieu vivant. Une plateforme développée au sein du laboratoire permet d’appliquer sur le tissu choisi des stimuli mécaniques pour reproduire l’environnement dynamique du corps, et conjointement d’évaluer la biocompatibilité et l'utilisation thérapeutique de l’implant. La plateforme biomimétique permet le vieillissement physique et électrochimique de l’implant dans des conditions très proches du vivant.

Améliorer la neuroprothèse tout au long des tests

« Ce cadre permet de tester un dispositif plus rapidement, de façon beaucoup plus réaliste et moins coûteuse et en évitant des opérations chirurgicales », souligne le scientifique. « Cela permet aussi de tester le dispositif à chaque étape, et de faire des modifications ou des améliorations, sans que cela soit lourd de conséquence. » Il ajoute qu’actuellement, il n’existe pas de processus standardisés pour valider ces dispositifs souples et biocompatibles, chaque équipe universitaire développant ses propres protocoles.

En collaboration avec les équipes de Marco Capogrosso (université de Pittsburgh) et de Grégoire Courtine et Jocelyne Bloch (EPFL/CHUV), les scientifiques ont testé avec succès cette nouvelle approche sur l’un des dispositifs développés au sein du laboratoire, la membrane e-dura, utilisée pour la stimulation épidurale de la moelle épinière. 

Plusieurs étapes restent encore à franchir avant l’exploitation de ces nouveaux dispositifs souples pour des études cliniques. Néanmoins, les auteurs de cette étude espèrent pouvoir encourager d’autres chercheurs à adopter une approche translationnelle et faire avancer plus efficacement l’innovation en technologie médicale.

Collaboration :

L’équipe de Marco Capogrosso, Université de Fribourg (maintenant à l’université de Pittsburgh)

Les équipes de Grégoire Courtine et Jocelyne Bloch, EPFL Centre de Neuroprothèses

L’équipe d’Erwan Bézard, Université de Bordeaux, France et China Academy of Medical Science, Beijing

Financement

Ce projet a été soutenu par :

*La fondation Bertarelli

*The European Union’s Horizon 2020 Research and Innovation Programme under the Marie Skłodowska-Curie grant agreement

*The Wyss Center for Bio- and Neuroengineering *The Whitaker foundation fellowship

 *The Swiss National Science Foundation including a Sinergia subside, a Sino-Swiss Science and Technology Cooperation subside, an Ambizione Fellowship, and the National Center of Competence in Research (NCCR) in Robotics.



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© 2020 EPFL
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