Hommage à Roland Gay (1942–2025)

Roland Gay, Maison unifamiliale R., Aarau (ACM EPFL)
Architecte montheysan, Roland Gay a consacré plus d’un demi-siècle à façonner les paysages bâtis du Chablais valaisan et bien au-delà, avec une constance rarement égalée et une fidélité profonde à sa région, à ses matériaux et à son héritage familial. C’est avec une profonde tristesse que nous avons appris son décès, survenu le 17 novembre.
La récente préparation de la transmission de ses archives aux Archives de la construction moderne (ACM) à l’EPFL nous a permis de découvrir un homme d’une profonde humanité, dont nous gardons notamment le souvenir d’un accueil chaleureux dans sa maison familiale, entourée de châtaigniers parfumés.
Formé à l’École polytechnique fédérale de Zurich, où il obtient son diplôme d’architecte en 1968, Roland Gay fait partie de cette génération pour laquelle l’architecture n’était pas une discipline abstraite, mais une manière d’habiter le monde avec précision, respect et humilité. Avant même d’achever ses études, il multiplie les stages auprès de figures marquantes de la profession (Daniel Girardet à Sion, Walter Niehus à Zurich, Jean-Paul Darbelley à Martigny, puis Morisod, Kyburz, Furrer à Sion) autant d’expériences concrètes qui nourriront son sens aigu de la construction et du détail.

Après un passage chez Philippe Bridel à Zurich, il rejoint en 1968 le bureau de Pierre Zoelly, avec lequel il collabore durant une décennie, notamment pour les maisons contiguës des Vergottes à Choëx. Cette période marque profondément sa manière de penser l’espace : une architecture attentive à l’usage, structurée, où le dessin reste toujours le prolongement de la main du constructeur.
En 1978, il revient à Monthey et rejoint l’entreprise familiale Gay Frères Monthey SA, renouant ainsi avec un monde qu’il connaît intimement : celui de la construction en bois, de la précision artisanale et de la transmission intergénérationnelle. Il voyait dans le matériau moins une déclaration d’intention qu’une réalité concrète : il en explorait les possibilités avec précision, attentif à la façon dont les matériaux s’assemblent et participent, dans le temps, à la solidité et à la cohérence de l’ouvrage.
En 1982, il ouvre son propre bureau d’architecture, et développe une œuvre patiente et cohérente. Chalets, maisons familiales, transformations délicates : chaque projet est conçu comme une réponse précise à un lieu, à un usage et à des besoins concrets. Il intervient également sur des programmes plus complexes : le Centre médico-éducatif de La Castalie, l’Hôpital psychiatrique de Malévoz, la Douane du Grand-St-Bernard, la chapelle du Centre médico-social Le Castel, ou encore divers aménagements à la place d’armes de Dailly et Savatan.

À Monthey et dans les environs, nombre de bâtiments et d’espaces publics portent sa marque discrète mais ferme : la transformation du centre commercial La Placette, la rénovation de la Maison de la Famille Vérolliez ou encore la Maison de la Pierre à Saint-Maurice. Partout, on retrouve son sens de la mesure, cette manière d’ajuster un volume, une lumière ou une texture jusqu’à ce que le lieu « tienne », simplement.
Son travail est reconnu par ses pairs : mention au prix Lignum en 1985, puis prix de la Fondation Gaspoz en 1989. Il expose à plusieurs reprises, notamment lors de l’exposition SPSAS à Martigny en 1982, puis pour l’exposition SPAS Architettura contemporanea del Vallese à Locarno en 1987.
Mais au-delà des distinctions, ce sont les échanges avec lui qui frappaient ceux qui le rencontraient. Cordial, généreux, enthousiaste, il était animé d’un plaisir authentique à partager son travail. Parler de ses projets lui était naturel, presque joyeux ; il évoquait ses maisons et ses chalets comme on parle d’êtres vivants, avec une attention presque affective pour les détails, les matériaux et les gestes de la construction. Sophie Delhay, directrice de la Section d’architecture, garde en mémoire « un souvenir ému de nos échanges lors de la remise de ses archives et de la presentation du livre aux ACM autour de sa vision hédoniste de la domesticité ».
En 2009, sa fille Catherine Gay Menzel et son beau-fils Götz Menzel rejoignent le bureau, qu’ils reprennent en 2013. Roland Gay continue de collaborer avec eux jusqu’en 2022, dans un geste de continuité qui dit beaucoup de son attachement à la transmission et de sa confiance envers la génération suivante.
Sa disparition nous touche profondément. De Roland Gay, nous garderons le souvenir d’un architecte précis, enraciné, fidèle à sa vallée et à son métier. Mais surtout celui d’un homme d’une immense générosité, capable de partager son savoir, sa curiosité et son regard avec une simplicité lumineuse.
À sa famille, à ses proches, et à toutes celles et ceux que son parcours a marqués, nous adressons nos pensées les plus sincères.

Et pour qui souhaite entendre encore sa voix et approcher son regard sur l’architecture,une rencontre filmée autour de son travail et ses archives, enregistrée en mai 2024 aux ACM, en garde désormais une trace vive et précieuse.















