GaToroid pourrait révolutionner l'avenir du traitement du cancer

La recherche doctorale menée conjointement par le CERN et l’EPFL a abouti à la conception d’une nouvelle machine permettant d’utiliser une technique de pointe, l’hadronthérapie, pour traiter le cancer.

En 2017, Enrico Felcini a commencé son doctorat en supraconductivité appliquée sous la supervision de Bertrand Dutoit, responsable du groupe de supraconductivité appliquée de l’EPFL. Ses travaux portaient sur un concept de portique d’hadronthérapie révolutionnaire inventé par Luca Bottura, qui dirige le groupe Aimants du CERN. Trois ans plus tard, il est le cocréateur d’une nouvelle conception de portique, basée sur des aimants supraconducteurs, qui pourrait changer l’avenir du traitement du cancer.

L’hadronthérapie suscite un grand intérêt auprès de la communauté médicale. Il s’agit de la première radiothérapie à utiliser des particules chargées pour délivrer une dose très précise dans une tumeur. Contrairement à la radiothérapie conventionnelle, les tissus environnants sont moins irradiés, ce qui peut limiter les effets secondaires et éviter le développement de métastases.

Toutefois, un hadron étant composé de particules chargées, un champ magnétique est nécessaire pour garantir qu’il atteigne la zone visée dans le corps du patient. Cela requiert un assemblage complexe d’aimants dans de gigantesques machines. Cet ensemble doit également tourner autour du patient avec une précision de l’ordre de 0,5 mm (l’équivalent de 5 cheveux), ce qui en fait un élément d’ingénierie incroyablement complexe. Actuellement, il n’existe que deux équipements de ce type dans le monde, à Heidelberg en Allemagne où la machine mesure environ 13 mètres de haut, 25 mètres de long pour un poids de plus de 600 tonnes, et à Chiba au Japon où elle mesure 11 mètres de haut, 13 mètres de long pour un poids de 250 tonnes, car ils sont supraconducteurs.

Selon Enrico Felcini, GaToroid permet de réduire non seulement la taille des machines d’hadronthérapie, mais aussi leur complexité. «À l’aide d’aimants toroïdaux supraconducteurs, l’idée du GaToroid est d’avoir une machine qui ressemble à un IRM, mais à la place d’un gigantesque bras magnétique rotatif qui se déplace autour du patient, nous avons un élément circulaire qui est stationnaire avec le patient à l’intérieur. Cela nous permet de réduire considérablement la taille de la machine. Contrairement à un appareil d’IRM, le patient n’est pas plongé dans un champ magnétique, mais il est confiné par les bobines qui l’entourent.» L’idée est que cette technologie rende l’hadronthérapie davantage accessible avec des machines qui n’ont plus la taille d’un immeuble de quatre étages.

Réfléchissant sur sa recherche doctorale, Enrico Felcini se sent privilégié de travailler sur un tel projet visionnaire : «Mon tuteur au CERN, Luca Bottura, est le "maître" des aimants et c’est formidable de travailler avec lui. Je suis vraiment fier de ma contribution au GaToroid qui nécessite l’intégration de plusieurs aspects de physique et d’ingénierie, tels que la supraconductivité, l’optique à faisceaux, la mécanique, la cryogénie, le vide et une qualification en thérapie. Je me suis particulièrement penché sur le design des bobines supraconductrices et sur l’intégration de l’ingénierie des aimants à la dynamique des faisceaux via le suivi des particules. En regroupant tous ces différents aspects, j’avais une chance formidable d’avoir une vision plus large et pas réduite à un seul domaine.»

Bertrand Dutoit se réjouit de suivre la carrière et les réalisations futures d’Enrico Felcini, et souligne les avantages de travailler dans une région avec des installations de recherche de premier ordre. «Avoir le CERN aussi proche est une fantastique opportunité de collaboration pour l'EPFL. Enrico a eu accès à des scientifiques de premier plan ainsi qu’à l'équipe de l'atelier technique où il a pu développer le système qu'il a conçu et calculé. De nombreux aspects du projet GaToroid ont présenté des défis, chacun dictant ses contraintes, mais Enrico a réussi un excellent doctorat, faisant de lui un scientifique qui sera précieux pour les instituts de recherche et les entreprises du secteur du traitement du cancer. »

Le premier modèle de démonstration est en cours de fabrication. Ses dimensions ont été divisées par trois, mais l’objectif est de créer une machine à dimension réelle au cours de la prochaine décennie.

(Vidéo: (c) CERN)